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Benoit XVI, un pontificat pour (presque) rien ?

Que retiendra-t-on de ces huit petites années (2005-2013) du pontificat de Joseph Ratzinger, devenu Benoît XVI ? A cette question lancinante que beaucoup hésitent à aborder, il n'est pas aisé de répondre. Il faut dire qu'après les oeuvres réformatrices de Jean benoît xvi,jean-paul ii,eglise catholiqueXXIII et de Paul VI (Vatican II) et la formidable entreprise d'évangélisation orchestrée par Jean-Paul II, on a du mal à voir l'héritage de ce pape allemand qui a finalement mis fin volontairement à ses fonctions à l'âge de 85 ans (Jean-Paul II avait le même âge à sa mort).

Disons-le clairement au risque de heurter certains esprits papolâtres, l'héritage est fort mince. Et il sera sans doute vite oublié. Au demeurant, cette situation inédite laisse théoriquement la possibilité à son successeur d'inventer son propre chemin. La modestie de cet héritage s'explique par deux grandes raisons.

La première tient au choix de l'héritier de Saint Pierre. Je me souviens avoir écrit dans Témoignage Chrétien (dont j'étais alors le rédacteur en chef) un éditorial très critique sur cette élection. J'y stigmatisais l'âge déjà bien avancé de Ratzinger, sa rigidité doctrinale qui l'empêchait de voir le monde qui advient et sa faible appétence pour les tribunes et la communication avec les masses. C'était un mauvais choix, non parce que l'homme n'avait pas quelques qualités, mais parce en aucun cas, celles-ci étaient en adéquation avec la fonction et les évolutions du monde.

Sa renonciation exprimée le 11 février traduit cet aveu d'échec et il faut reconnaître de l'honnêteté à ce brillant intellectuel d'avoir épargné l'Eglise les affres d'une longue agonie. Benoît XVI a été un pape malgré lui, sans doute en raison de l'impossibilité de remplacer l'extraordinaire Jean-Paul II. En le choisissant, ses frères cardinaux n'ont ni fait un cadeau à l'ancien responsable de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, ni à l'Eglise catholique. Celle-ci a donc patiné sérieusement pendant huit ans, avec des voyages moins nombreux et beaucoup charismatiques, des sorties diplomatico-théologiques plus ou moins réussies (on pense à la cacophonie autour du discours de Ratisbonne) et des tentatives timides de faire bouger l'Eglise (avec les tentatives, très contestables, de rapprochement avec les traditionnalistes et, plus heureuses, d'élucidation des scandales pédophiles).


Mais la seconde raison de l'échec de Benoît XVI est extérieure à sa personnalité. Elle tient à l'écart de plus en plus abyssal entre le fonctionnement de l'Eglise et celui du monde. D'une certaine manière, le pape l'a exprimé dans son message de renonciation en expliquant que le monde d'aujourd'hui avait besoin d'un chef religieux en pleine forme. Mais la question qui est posée à la vieille Eglise romaine dépasse largement la question des artères de son chef.

La société contemporaine n'est pas, comme on le dit trop vite, détachée de tout besoin spirituel, de tout désir de croire en des valeurs qui ne seraient pas monnayables. Je pense même que les lézardes de plus en plus profondes de notre modèle de vie (suicidaire à bien des égards) ouvre de nouveaux espaces à la question du sens de la vie. Les chrétiens, comme les autres, ont donc des choses à dire. Encore faut-il qu'ils puissent être entendus. En 2013, dans les sociétés (sur)développées, il est très aléatoire de demander à un jeune de 20 ans de s'intéresser au message porté par un vieux monsieur, de l'âge de son grand-père voire de son arrière-grand-père.

Le contenant a autant d'importance que le contenu (on peut le regretter, mais c'est ainsi) et donc le décorum hors-du-temps du Vatican, les règles de fonctionnement souvent incompréhensibles de l'Eglise, les liturgies mornes ou confuses sont des obstacles à la réception du message évangélique. De celui-ci, on retient souvent les interdits (notamment sur la sexualité), les mises à l'index alors que le Christ est venu, sauf erreur de ma part, répandre un message d'amour de son prochain.

La question qui est posée à l'Eglise post-Benoît XVI n'est pas tant de lui trouver un successeur plus dynamique, venant si possible des continents latino-américain ou africain (même si la solution italienne semble plus probable), plus "sexy" en quelque sorte, mais de revoir profondément la façon dont on parle au monde. Ce qui suppose, au préalable, de clarifier la nature du christianisme : est-ce une morale de vie avec ses régles et ses interdits (auquel cas un Benoît XVI "new look" fera l'affaire) ou est-ce une espérance d'un monde meilleur ? Auquel cas l'Eglise doit s'enquérir de trouver un prophète. Pas simple...

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