Le dernier "bide" d'audience de François Hollande lors de l'émission Capital sur M6 (2,8 millions de téléspectateurs) a semble-t-il, fortement inquiété les cercles élyséens. Et avec raison. Ce score inhabituel pour un Président de la République traduit un détachement grave des citoyens vis-à-vis des responsables politiques, et du premier d'entre eux.
Ce fait important doit être analysé en profondeur car ses causes sont multiples. Quoiqu'on en dise, ce pays a été contaminé par le style Sarkozy, pas simplement pendant son quinquennat, mais depuis 2002, date à partir de laquelle le ministre de l'Intérieur qu'il était alors a été en permanence exposé. L'adorant ou l'abhorrant, nous avons été habitués à recevoir une annonce par jour, à ce qu'il suscite des polémiques permanentes (qui sont d'ailleurs loin d'être terminées). Sarko était dans le spectacle politique, Hollande ne l'est manifestement pas... La désintoxication se fait dans la douleur et demande du temps !
Mais ce genre d'explication - sympathique pour le nouveau président - ne suffit pas à comprendre l'indifférence grandissante qui entoure Hollande. Celui-ci n'est pas aussi détesté que ne le fut Sarkozy, mais devient, dans la tête de beaucoup de concitoyens, un responsable incapable de forcer le destin, de changer les choses. Il reste honnête, voire sympathique, mais sans prise sur la réalité. Donc pourquoi l'écouter une heure durant ?
Trois types de reproches lui sont régulièrement adressés qui méritent d'être examinés. D'abord, il biaise avec la réalité. Inlassablement, François Hollande assène que le courbe du chômage va s'inverser à partir de la fin de l'année, que la croissace va revenir et que l'objectif de réduction des déficits à 3 % sera tenu. Personne ou presque ne pense que de tels paris peuvent être gagnés. Mais lui (vraiment convaincu ?) répète jusqu'à plus soif ce qui apparait aux yeux de l'opinion publique, comme des mensonges. Le diagnostic n'apparaissant pas crédible, les solutions qu'il répète ne sont pas jugées crédibles.
Ensuite, il est jugé faible, manquant d'autorité aussi bien en interne qu'en externe. Le fait, par exemple, que le projet de loi sur la transparence des parlementaires - sur lequel Hollande s'était engagé fermement lors de l'affaire Cahuzac - ait été désossé par les parlementaires, que les mêmes retardent toujours la date d'application du non-cumul des mandats montrent que l'autorité de l'Elysée est très faible. Il suffit que Collomb (le maire PS de Lyon) ou Rebsamen (Dijon) tousse pour que Hollande éternue. Comment, dans ces conditions d'une faible autorité dans son propre "camp", créer un rapport de force favorable avec l'Allemagne pour réorienter la politique européenne? Comment imposer véritablement une lutte efficace contre les paradis fiscaux?
Enfin, une partie de l'électorat considère qu'il a trahi un certain nombre de ses engagements. Le procès en trahison n'est pas simple à instruire car incontestablement, de nombreuses promesses de campagne ont été - ou sont en cours - de mise en oeuvre. Sauf qu'elles le sont parfois dans une version tellement light que l'objectif initial aura bien du mal à être tenu. C'est le cas, par exemple, de la loi sur la séparation des activités au sein des banques qui ne devrait les concerner qu'à la marge et ne devrait pas ralentir leurs activités spéculatives très juteuses.
Et puis, il faut parler de ce dossier des retraites. Là aussi, nous sommes dans la plus grande hypocrisie. Certes, l'âge légal de départ à la retraite ne devrait pas être modifié, comme s'y était engagé Hollande, mais le fait de rajouter des années de cotisation (sur lequel il s'était abstenu de tout engagement) va arriver inéluctablement à retarder le départ à la retraite d'une grande majorité de travailleurs, y compris ceux qui ont commencé à travailler tôt. Là encore, Hollande joue sur les mots, essaie de toujours retomber sur ses pattes.
Il va arriver un moment où ce positionnement d'équilibriste va se révéler impossible à poursuivre. Le Président semble persuadé que le plus tard sera le mieux et qu'en attendant, il faut conserver la fiction d'un gouvernement qui met en oeuvre méthodiquement les 60 engagements de la campagne alors même que les hypothèses de croissance ne correspondent absolument pas au pronostic (imprudent) de l'époque. En attendant que Hollande se décide à être dans un discours de vérité, les Français risquent de faire la fête à tous les candidats socialistes et de bouder ses prestations télévisuelles.