Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Gouvernement Ayrault

  • La gauche piégée par la magie des chiffres

    L'affaire pourrait faire sourire si elle ne concernait pas des dizaines de milliers de personnes privées d'emploi et plongées souvent dans des situations de détresse. La baisse conséquente du nombre de demandeurs d'emploi n'était pas due à une amélioration de la situation sur le front de l'emploi, mais (en grande partie du moins) à un bug informatique sur lequel un opérateur téléphonique porte une lourde responsabilité.

    Et voilà comment la bonne nouvelle s'est transformée en naufrage : les politiques qui avaient commencé à entonner le refrain de la reprise (même timide) de l'emploi sont quelque peu ridicules et les chiffres (sur lesquelles planent depuis longtemps - gauche ou droite confondues - des soupçons de "bidonnage") seront pendant longtemps jugées suspects.

    Bien entendu, il y a une part de "pas de chance" dans cette affaire qu'il serait malvenu de mettre sur le compte du ministre aux chaussettes roses (Michel Sapin). Au passage, cela nous renseigne sur la fragilité de nos sociétés qui sont devenues entièrement dépendantes des réseaux informatiques... Mais ce pataquès donne à voir l'énorme pression qui a saisi tous les acteurs (Pôle Emploi, ministère du Travail avec ses directions déconcentrées, etc) depuis la folle promesse présidentielle. François Hollande avait promis lors de je ne sais quellle interview que promis-juré-craché, la courbe du chômage allait commencer à inverser sa tendance à la fin de l'année 2013.

    Bravache, François Hollande voulait sans doute montrer qu'il n'y avait pas de fatalité à avoir plus de 10 % de la population active au chômage et que sa politique de l'emploi (emplois d'avenir, contrats de génération, mobilisation de l'industrie sous l'impulsion du commandant Montebourg...) allait porter ses fruits. Très bien, mais comment baisser le niveau de chômage al:ors que la population active continue à augmenter, que le sentiment de dépression collective a envahi notre pays depuis une dizaine d'années et que le taux de croissance est dans des eaux si basses ?

    La question qui est posée par cet échec annoncé est double : pourquoi les politiques prennent-ils des risques inconsidérés avec les lourdes conséquences possibles sur l'ensemble de leur travail gouvernemental ? Pourquoi les gens qui nous dirigent, tous bardés de diplômes, se laissent-ils entrainés par la magie (souvent suicidaire) des chiffres?

    Concernant la première interrogation, les responsables sentent intuitivement qu'une bonne partie des réalités économiques leur échappent totalement du fait de la globalisation et de la construction de mastodondes économiques transnationaux. Ils craignent que les citoyens, les médias se détournent d'eux, aillent voir ailleurs, convaincus (à tort ou à raison) que les politiques deviennent des figurants d'une pièce écrite par d'autres.

    Pour bien montrer que bon Dieu, le pouvoir est bien resté entre les murs du sacro-saint pouvoir politique, ses titulaires prennent les citoyens à témoin sur des objectifs chiffrés. Une fois, c'est le zéro SDF. Une autre fois, c'est la reprise par la défiscalisation des heures supplémentaires. Et voilà, maintenant que l'oracle élyséen nous annonce la baisse du chômage. Les politiques qui veulent ainsi s'engager sur des choses concrètes (ce qui en soi est louable) prennent le risque d'accentuer le discrédit. En voulant faire le beau sur la branche sur laquelle ils tiennent vaille que vaille, ils la scient tranquillement.

    Les chiffres sont partout, nous dominent, nous font peur. Il suffit de regarder notre environnement médiatique : tout est construit autour d'objectifs chiffrés. "Youpi, la mortalité sur les routes a baissé de 7,2 % sur douze mois. Attention, le taux d'infarctus a progressé de 12,4% sur 5 ans. La cote de popularité du Président a grimpé de 2 points et demi, etc, etc." La société ne semble plus accepter que les politiques déroulent des idées, proposent un chemin long et escarpé. On leur laisse 6 mois pour atteindre leurs objectifs.

    Les gouvernants résistent faiblement à cette pression : ils jouent le jeu. Par là même, ils font croire que  le chiffre magique parle de la réalité vécue par chacun. Même si on leur annonce "à la télé" une réduction du nombre de demandeurs d'emploi, ils voient bien que leur cousin Marcel ou que leur voisine Gisèle continuent à pointer à Pôle emploi (s'ils n'ont même pas renoncé à le faire).

    Les politiques cèdent à la magie des chiffres (dont la construction est loin d'être neutre) et au lieu de les rapprocher des citoyens comme ils le souhaitent, cela ne contribue qu'à faire grandir le fossé qui sépare les uns des autres. Cette erreur de stratégie élyséenne ne peut que faire grandir le doute sur la capacité du politique à prendre la mesure de la gravité de la situation française. Ce n'est pas une bonne nouvelle pour notre démocratie si fragile, si précieuse...

  • Hollande, à la recherche du chemin introuvable

    La situation française est grave, mais est-elle désespérée ? C'est la question qui se pose alors que François Hollande démarre sa seconde année de quinquennat. Lors de sa seconde conférence de presse, il a indiqué qu'il entendait mobiliser le pays notamment contre le chômage, en avançant elysée,françois hollande,nicolas sarkozysur la voie d'une plus grande intégration européenne. L'idée en soi est plutôt bonne, tant il est vrai que la solution à la récession qui s'installe sur notre continent ne peut venir que de l'activation de mécanismes de cohérence interne et de solidarité entre les pays membres. Pour autant, dire cela suffit-il à indiquer un chemin ?

    On a souvent dit et écrit - de façon erronée - que François Hollande n'avait pas de cap. Pourtant, le cap économique est assez clair (réduction des déficits en douceur et des réformes du marché du travail négocié entre partenaires sociaux), mais ce qui manque à l'approche élyséenne, c'est de préciser le chemin qui permet d'atteindre le cap. D'où cette impression de flou et de manque de détermination qui caractérise le gestion hollandaise du pouvoir.

    Dans cette affaire européenne, on a du mal à voir pourquoi et comment le même scénario d'une forme d'impuissance ne se reproduirait pas. Là encore, ce n'est pas l'objectif qui pose problème - même s'il ne fait pas plaisir aux eurosceptiques permanents à droite comme à gauche - mais bien l'absence de chemin qui peut amener à sa réalisation. Pour quelles raisons l'Allemagne se mettrait-elle à accepter ce gouvernement économique resserré alors même que la condition mise par ce pays (la réduction des déficits budgétaires, notamment en France) n'est absolument pas remplie ? Par quel miracle la Commission européenne changerait-elle sa doxa libérale ? Comment des pays très affaiblis comme la Grêce et l'Espagne, entre autres, peuvent-ils revenir dans le jeu européen ? Par quel mystère l'euroscepticisme ambiant serait-il transformé en un volontarisme permettant d'avancer dans la voie d'une intégration. Sur toutes ces questions, on n'a rien entendu de très convaincant de la bouche du Président. Celui-ci parie essentiellement sur des discussions avec ses homologues pour avancer, mais pourquoi la méthode de la discussion par le haut marcherait maintenant alors qu'elle a globalement échoué depuis des mois et des mois.

    Encore une fois, François Hollande donne le spectacle d'une forme d'impuissance. Il a elysée,françois hollande,nicolas sarkozyl'honnêteté - à la différence de son prédécesseur - de ne pas noyer le poisson dans un déluge d'annonces et d'effets de communication. L'homme est sobre et d'une certaine manière, honnête. Il ne déclenchera pas de sentiment de haine, comme a pu le susciter Nicolas Sarkozy. Non, son risque à lui est de susciter une forme de détachement et de découragement. Le peuple de gauche, comme on disait, risque de devenir spectateur d'une gestion gouvernementale d'un classicisme assez désespérant. 

    Dans l'âme, François Hollande est resté le premier secrétaire du PS qu'il a été pendant dix ans. Sa volonté de rassembler coûte que coûte, sa peur des féodalités locales le conduisent à chercher en permanence le point d'équilibre, le plus petit dénominateur commun. Il a tendance à se couper des idées nouvelles, des groupes contestataires qui portent en germe des nouvelles façons de voir. Les calculs sont partout alors qu'il faudrait un élan, un enthousiasme ; les ministres, le Premier en tête et à quelques exceptions près, sont d'une tristesse affligeante alors que la gauche (en 1981, en 1988 et même en 1997) était habitée par une joie de la transformation sociale. L'une des clés du succès (relatif) de Mélenchon, c'est qu'il donne l'impression de vouloir soulever des montagnes, de ne pas renoncer.

    De plus, le Président est obsédé par son souci de se présenter comme l'anti-Sarko permanent. Donc, ne rien brusquer, toujours attendre le moment opportun. Sauf que le pays a déjà oublié l'épisode Sarkozy (cruelle amnésie !) au point que d'aucuns veulent rejouer un scénario à la De Gaulle (le retour de l'homme providentiel) et qu'il attend un sursaut, une volonté de prendre les problèmes à bras-le-corps. On peut pardonner au pouvoir des échecs, pas des renoncements aussi rapides, par exemple devant le pouvoir de la finance...

    François Hollande a gagné en mai dernier parce qu'il a voulu apaiser la société française et lui a proposé un cap réaliste : la baisse du chômage, la réduction des inégalités et l'évolution vers une croissance verte. Un an après, aucun de ces axes n'a avancé sérieusement et même les réformes peu coûteuses (fin du cumul des mandats) sont en panne sèche face à la levée des conservatismes. Contrairement à ce qui est dit ici ou là, le problème n'est pas principalement celui des dysfonctionnements gouvernementaux (même si la question se pose parfois, notamment à Bercy), mais celui d'un capitaine qui semble tellement effrayé par la lourdeur des défis qu'il a tendance à louvoyer et à entraîner le pays dans une torpeur assez effrayante.   

  • PS : le congrès de Toulouse n'aura pas lieu

    A quoi peut encore servir le congrès du parti socialiste qui aura lieu dans la cité rose dans moins d'un mois ? Poser cette question, c'est s'interroger sur l'impossibilité pour ce parti d'affronter les affres du pouvoir. Par deux fois (dans les années 80 ; entre 1997 et 2002), le PS a contrôlé, la plupart du temps avec une majorité absolue à l'Assemblée, le pouvoir central. Le parti est devenu alors une chambre d'enregistrements, incapable de mettre en garde sur les dérives d'un Mitterrand se délectant des intrigues du pouvoir. On a vu ce que cela avait donné, avec la faillite morale, l'échec économique et la bérézina électorale (en 1993, les socialistes ont moins de 100 députés).

    En 1997, le contexte est assez différent puisque la gauche gouverne avec un président de droite (Jacques Chirac). Lionel Jospin transmet les rênes du parti à un jeune poulain promis à un bel avenir, François Hollande. Lequel va passer les cinq années à esquiver tout débat. Même en 2000, lorsqu'on s'engage sur la voie contestable de la réduction de la fiscalité, même lorsqu'on négocie une seconde loi Aubry sur la réduction du temps de travail faiblement créatrice en emplois, le parti se tait, laissant juste quelques râleurs exprimer leurs critiques. Il ne faut pas gêner le camarade Lionel pour l'emporter lors de la grande explication de 2002. On se rappelle de la suite : Lionel dépassé par Le Pen, le sursaut républicain autour de Chirac et puis 10 années d'opposition...

    A même scénario, même résultat ? Difficile de savoir si l'échec sera au rendez-vous, mais en tout cas, on reprend les mêmes et on recommence. Au sommet, on règle, non sans loupés, la succession de MartiH. Désir.jpgne Aubry, choisissant un apparatchik qui a pu faire rêver un temps (il n'était pas Désir pour rien) et qui s'est aménagé une petite carrière à Solférino. Dans cette affaire, au motif que le dernier congrès avait donné lieu à un méchant cafouillage, on dit gentiment aux militants qu'on se passera de leur avis pour la désignation du nouveau premier secrétaire. On vous a bien mobilisés pour la primaire de l'automne 2011 ; on a fait rêver quelques millions de Français sur le renouveau de la politique. Et puis patatras, la victoire tant attendue débouche sur un scénario digne du parti communiste à son heure de gloire où tout se réglait dans les sous-sols du bunker de la place du colonel Fabien. Chassez le naturel...

    A quoi sert normalement le congrès d'un parti politique? Outre la désignation des instances dirigeantes, il vise à organiser un débat ouvert, à mettre en débat différentes thèses. Même si les orientations prises par le parti ne s'imposent aux gouvernants, elles permettent de sentir ce qui monte comme aspirations et d'être vigilant par rapport aux dérives (inévitables?) de l'exercice du pouvoir. En clair, un parti qui débat, qui propose et qui marque parfois ses différences doit permettre de ne pas se retrouver "à poil" face aux désarrois populaires. Un parti qui fonctionne n'est pas une entrave à l'exercice des responsabilités, mais joue le rôle de vigie, de boussole.

    A quoi va-t-on assister courant octobre ? A un simulacre de débat entre une motion ultra-majoritaire qui épouse tout l'arc-en-ciel socialiste et 3 ou 4 petites motions qui rassembleront entre 2 et 10 % des suffrages des militants. Le Premier ministre, en bon petit soldat d'une Hollandie qui a décidément bien du mal à sortir de la vision de la Mitterrandie, s'est escrimé, avec succès, à rassembler tout le monde, de Hamon à Valls en passant par Montebourg et Peillon, sur un texte qui ressemble à de l'eau tiède. Comment penser que le représentant de l'aile de gauche (Hamon) partage le point de vue de l'aile plus à droite qu'incarne, avec talent, le ministre de l'Intérieur? Comment croire que les amis de Aubry qui croient au développement durable et à la conversion écologique de l'économie ait tant de points communs avec le ministre du Redressement productif qui joue la partition d'un Chevènement? Pourquoi refuser que ces divergences soient débattues, fassent l'objet d'une explication ? On a peur d'effrayer les Français comme s'ils n'avaient pas compris que le PS regroupe des sensibilités différentes et que le débat interne est plutôt sain. Méthode Coué, quand tu nous tiens...

    Comme on pouvait s'y attendre, la rentrée du gouvernement est difficile. Les cotes de popularité sont en chute libre ; les tensions avec les Verts menacent l'éuilibre interne ; la gauche de la gauche mobilise contre le traité européen qui ressemble peu ou prou au texte négocié en début d'année par Nicolas Sarkozy. Là aussi, on peut expliquer qu'il en va de la survie de l'espace européen et que cela mérite bien quelques entorses aux convictions de gauche. Mais ne faisons pas croire que, dans un contexte dominé par les partis de droite, Hollande, avec ses petits muscles, a inversé le cours de la construction européenne. Sans doute a-t-il obtenu quelques aménagements à la marge, mais là encore, cela mérite débat. A enfouir systématiquement les désaccords sous le tapis, le PS doit s'attendre à ce qu'ils se transforment en bombe à retardement. Une fois encore, l'exercice du pouvoir risque d'annihiler toute lucidité et tout discours de vérité. Dommage !             

  • Malaise sur la planète Hollande

    En cette rentrée politique marquée par les traditionnelles universités des partis (dont on aimerait que la fonction de formation des militants soit réaffirmée), le climat n'est plus du tout le même que celui que nous avions laissé lors de mon dernier post, fin juin. L'euphorie tranquille qui régnait, consécutive à une victoire assez large de l'alliance PS-EELV couplée avec une large défaithollande inquiet.jpge de la droite et du... Front de gauche, a laissé place à un inquiétant attentisme. La cote de popularité de l'exécutif est déjà très dégradée alors que rien de sérieux (et de très impopulaire) n'a été décidé. Que deviendra-t-elle dans deux mois si la tonalité de la nouvelle majorité se fait plus « churchillienne » avec des efforts importants, pas simplement pour les « plus riches »?

    Difficile de comprendre les raisons de ce lancinant malaise que traduit inversement le retour en grâce de Nicolas Sarkozy dont on va finir par oublier qu'il a été le Président de la république le plus détesté de la Ve (avec peut-être VGE). En effet, qui peut attendre sérieusement des résultats probants au bout de 100 jours, en partie estivaux? Rien, d'ailleurs, dans les premières décisions n'a donné lieu à un vrai cafouillage ou à des reniements. Jusque-là, les engagements ont été grosso modo respectés (on regrettera tout de même les ratés sur l'écologie avec le départ de Nicole Bricq et la gestion, au début calamiteuse car exclusivement policière, du dossier Rom).

    Non, le problème est ailleurs et il tient, à mon sens, à deux éléments majeurs. D'une part, François Hollande n'est pas encore vraiment dans les habits du Président. Ses débuts ont, il est vrai, été paralysés par les caprices de « ses » deux femmes dont les règlements de compte ont eu des effets collatéraux sur son image. Avec cette interrogation triviale, machiste à souhait, qui, pourtant a eu un impact dans l'opinion : un homme qui a tant de mal à réguler sa vie personnelle a-t-il la poigne pour conduire les affaires de la France ? Cet épisode était d'autant plus fâcheux qu'il rappelait les premiers mois de l'ancien Président empêtré dans sa relation avec Cécilia.

    D'autant plus fâcheux, dis-je, car l'obsession de Hollande a été (est?) de se démarquer totalement de son prédécesseur. Ce qui a marché à merveille pendant la campagne (même s'il n'a réuni que 52% des suffrages) se révèle un peu court une fois les mains dans le cambouis. Réduire le train de vie de l'exécutif et troquer l'avion pour le train sont des gestes plutôt sympathiques, mais qui semblent trop répondre aux exigences de la communication politique pour être totalement convaincants.

    Cette obsession à prendre le contre-pied de Sarkozy lasse à la fin car elle ne construit pas une politique. De plus, la lecture du bilan de l'ex président mériterait d'être moins caricaturale : si les Français ont rejeté le style bling-bling du « Président des riches », s'ils l'ont trouvé brouillons et éventuellement diviseurs, ils ont pu être épatés par l'énergie du bonhomme, sa capacité (pas toujours très productive) à soulever toutes les montagnes pour débloquer la crise. On pense notamment à sa présidence de l'Union europhollande bregançon.jpgéenne et son rôle de la guerre libyenne. En l'occurrence, il n'aurait pas été totalement déplacé que Hollande interrompe ses vacances à Brégançon pour essayer d'enclencher une mobilisation mondiale en faveur du peuple syrien. Si une intervention militaire est une idée assez grotesque, l'attentisme de la communauté internationale (au motif que la Chine et surtout la Russie bloquent toute résolution à l'Onu) est scandaleuse. Hollande aurait pu sonner le tocsin, il ne l'a pas fait. Dommage !

    L'autre élément qui suscite le malaise tient au manque de perspective dessiné par le nouvel exécutif. Aligner des mesures techniques (retraite, emplois d'avenir, livret A...) n'indique pas un cap, mais plus une gestion à la godille. Chaque récif est négocié souvent avec intelligence, mais cela ne donne pas une lecture claire du dessein présidentiel. Les grands choix dans notre rapport au système de protection social, à l'environnement ou à l'Europe ne sont jamais précisés.

    La mesure et le sens des équilibres qui ont fait le succès de Hollande face à une Aubry plus volontariste et un Sarkozy plus imprévisible ne peuvent être sans cesse convoqués quand il faut réfléchir pas sur les 12 mois à venir, mais préparer la future décennie de notre pays. Dans le livre du journaliste Eric Dupin (1), le responsable des études au PS, Alain Bergounioux estimait avant l'élection : « Le corpus hollandais n'existe pas, il reste à construire. C'est un grand point d'interrogation ». Six mois après, nous ne sommes pas beaucoup plus avancés. Le corpus indispensable à l'action sur le long terme ne s'est pas bien clarifié.

    Même si le jugement de Mélenchon sur les 100 jours était, comme d'habitude, excessif, Mélenchon 2012.jpgvoire injuste, il comportait une part de vérité. Lorsqu'on fait une campagne sur le thème « le changement, c'est maintenant ! », on prépare pour les premières semaines des mesures fortes qui vont marquer les esprits. Là rien ou pas grand-chose de marquant (le rétablissement de la retraite à 60 ans pour les travailleurs ayant commencé tôt ne concerne que quelques dizaines de milliers de personnes). D'ailleurs, les observateurs ont noté que peu de textes étaient prêts pour la session extraordinaire au Parlement de juillet...

    Qu'est ce qui empêchait de donner un calendrier pour la grande réforme fiscale qui a toutes les chances d'être renvoyée aux calendes grecques ? Pourquoi avoir retardé à 2014 la réforme contre le cumul des mandats qui déplait tant à bien des cadres du PS et dont on voit, avec le nombre de députés-maires, l'urgente actualité ? Sur le nucléaire, pourquoi ne pas annoncer le calendrier du démantèlement de la centrale de Fessenheim ? Les dossiers n'étaient-ils pas prêts alors que Hollande est en campagne depuis près de deux ans?

    Au lieu de ménager tous les conservatismes de ce pays (et de ce parti), François Hollande devait montrer un peu de détermination et tracer une route. C'est plus facile de le faire aujourd'hui qu'en 2013 lorsque la situation risque d'être particulièrement tendue. En ce début septembre, il est encore temps de le faire. Mais il ne faut pas trop trainer. Le pays s'impatiente.     

    (1) « La victoire empoisonnée », mai 2012, éditions du Seuil. Entre septembre 2011 et l'élection de mai, le journaliste (ex-Libé) propose une plongée dans une France inquiète, désorientée, très sceptique sur la capacité de redresser le pays. « En redonnant le pouvoir à la gauche alors que la crise économique et sociale ne cesse d'empirer, les électeurs ne lui ont-ils pas offert un cadeau empoisonné », écrit-il.