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  • DSK: pourquoi tant d'emballement?

    Alors que le monde est suspendu à la situation dramatique en Libye et la fuite en avant du dictateur Kadhafi - ami du ministre Ollier et admiré, entre autres, par le nouvel ambassadeur français à TDSK, Marine Le Pen, JL Mélenchon, médiasunis-, alors que le monde arabe vit une mutation sans précédent, voilà que nos médias français (franchouillards, oserais-je écrire) se passionne pour un non-événement: la venue à Paris pour une réunion financière du directeur général du FMI, Dominique Strauss-Kahn. Bien entendu, tout le monde guettait un signe tangible de son intérêt pour 2012, tout en sachant bien que sa position internationale ne lui permettait pas de prendre position. Cela d'ailleurs lui aurait été reproché car, au vu de la situation tendue sur les marchés (notamment ceux des matières premières), une option de DSK sur la présidentielle aurait pu encore plus compliquer la situation internationale. N'oublions pas que l'onde de choc dans le monde arabe est lourde de conséquences pour le pétrole. Un renchérissement brutal des cours de l'or noir aurait raison de la timide reprise économique dans le monde occidental et on peut comprendre que le patron du FMI ait d'autres soucis que la présidentielle française (même il doit y penser de temps en temps, pas simplement en se rasant...).

    Et voilà que nos bons médias s'emballent, jaugent une déclaration de sa femme sur son blog (qu'elle tient depuis belle lurette) et spéculent déjà sur un duel Sarkozy-DSK. Cette façon de précipiter l'agenda et de dicter aux Français le duel auquel tout le monde (dans les grands médias) rêvent ne peut qu'accroître les fractures dans l'opinion publique. Mais pensez donc, un tel duel serait si alléchant. Deux fauves de la politique face à face, chacun ayant côtoyé les grands de ce monde, chacun ayant construit de solides réseaux dans les milieux politiques, patronaux et médiatiques. Comme on prête à Sarko comme à DSK des casseroles (sans qu'on sache si elles seraient d'ordre personnel ou financier) qui pourraient sortir à cette occasion, les « observateurs » de la vie politique voient dans ce duel tous les ingrédients réunis d'une pièce à rebondissements.

    Et le débat politique dans tout ça? Il a été encore une fois oublié. Comme l'a dit avec justesse François Hollande, c'est le directeur général du FMI qui s'est exprimé, pas le candidat putatif à la présidentielle. Qu'il se soit permis d'égratigner indirectement la gestion Sarkozy ne prouve rien, si ce n'est que DSK n'a pas oublié qu'il appartenait à la gauche française.

    Fin d'un épisode (sans grand intérêt). Mais réfléchissons à ce que cette spectacularisation de la vie politique pourrait amener. La classe politique subit dans l'opinion un discrédit très fort. En tout cas, celle qui passe l'essentiel de son temps dans les palais parisiens de la République. Le tableau est connu et nul ne peut le contester. Les médias souffrent eux aussi d'un manque de crédibilité qui n'est pour rien dans la crise économique que traverse la presse écrite. Outre quelques ratés mémorables, on leur reproche d'être trop proches des puissants et de se désintéresser du quotidien des Français. Malheureusement, tout n'est pas faux dans ce tableau, même si le discours conspirationniste (voir des complots partout) qui l'entoure souvent est totalement réducteur.

    Dans ce tableau sombre, la tentation des médias à vouloir annoncer un duel DSK/Sarkozy est non seulement risquée (on devrait se rappeller comment Balladur en 1995 puis Jospin en 2002, chouchous des médias, ont été éliminés dès le premier tour), mais dangereuse. Elle fait le lit du discours protestataire qui monte un peu partout dans la société. Celui-ci a beau jeu de comparer la fortune de DSK (d'autant que ses émoluments faramineux de DG du FMI ne sont pas soumis à l'impôt) au goût prononcé de l'argent de notre Président. En gros, l'héritier contre le nouveau riche. Cette thématique risque de ne pas servir celui qu'on veut lancer dans l'arène, DSK, mais d'alimenter le discours de Marine Le Pen (et accessoirement celui de Jean-Luc Mélenchon). Celle-ci atteindrait déjà 20% d'intentions de vote dans un récent sondage et ses marges de progression sont réelles. La candidature sous la bannière FN aux cantonales d'un syndicaliste de la CGT, ancien militant de l'extrême gauche, témoigne, même si le cas reste encore isolé, d'un attrait pour le discours plus social et ultra-laïque de la fille Le Pen (lire mon post du 13 décembre).

    Vouloir discréditer l'éventuelle candidature de DSK au nom de sa fortune revient non seulement à donner du crédit aux thèses de l'extrême droite, mais à tuer le débat politique. On ne peut pas démolir un politique sur ce que sa naissance – ou son mariage – lui a donné. La critique doit porter sur la cohérence de son parcours (avec une question que j'ai du mal à trancher: peut-on avoir une gestion plus à gauche du FMI?) et surtout sur ses propositions. S'il s'avérait que le candidat des socialistes (en supposant que la primaire d'octobre le désigne) faisait preuve de frilosité dans l'indispensable lutte contre les inégalités et dans la redistribution des richesses, on pourrait alors se demander s'il est toujours de gauche et si sa fréquentation de la haute finance internationale (qu'il a habilement critiquée sur France2) n'a pas déteint sur ses convictions. Mais à l'heure d'aujourd'hui, tout procès d'intention à l'égard de DSK est déplacé. Il sert plus le FN que l'UMP, empêtré dans ses contradictions et ses ratages diplomatiques en rafale.

  • Faut-il condamner l'outrance?

    Le journaliste Eric Zemmour a écopé d'une amende (avec sursis) pour ses propos très contestables sur les "Noirs" et les "Arabes" à la télé. Toute personne ayant des convictions anti-racistes peut s'en féliciter: cette condamnation jouera, espère-t-on, un rôle dissuasif vis-à-vis de tous ceux qui, eric zémour,le pen,mélenchonvrais racistes ou démagogues irresponsables, activent les ressorts de la peur de l'Autre particulièrement vivaces en cette période troublée.

    Pour autant, la condamnation devant les tribunaux d'un journaliste, porte-drapeau de l'anti-politiquement-correct qui serait l'apanage de la gauche morale, pose plus de questions qu'elle n'en résoud. D'une part, quelles sont les limites de la liberté d'expression? Le journaliste a estimé que les contrôles au faciès se justifiaient par le fait que les délinquants sont très souvent noirs ou arabes. Son point de vue doit être démonté de façon argumentée: la société française étant ethniquement et socialement stratifiée, il est malheureusement logique que les actes de délinquance soient davantage le fait de jeunes vivant dans des ghettos de pauvres que dans des ghettos de riches. Cela n'a pas grand-chose à voir avec la couleur de peau des délinquants. On observera que dans les quartiers huppés de la capitale ou dans la ville dont fut maire Nicolas Sarkozy, les fils d'ambassadeurs africains ne se font pas plus remarquer que leurs condisciples "blancs" par des pratiques délictueuses. D'ailleurs, on aurait quelques surprises si on enquêtait sur la consommation de drogue - et donc sur les réseaux de distribution - dans ces quartiers huppés paraît-il si tranquilles (mais là, comme par hasard, on est discret).

    Donc, Eric Zemmour a tort non pas dans son constat, mais dans la conclusion qu'il en tire. Cela fait-il de lui un fieffé raciste? Pas sûr et à vouloir faire condamner ce type de propos, on réactive l'idée selon laquelle il ne faudrait pas dire la vérité dans ce pays. Cela met de l'eau au moulin de ceux qui estiment que les élites ne vivent pas les problèmes de la population et pratiquent le déni de réalité pour mieux protéger leur tranquillité. Evidemment, Eric Zemmour ne vit pas plus que ses confrères du Nouvel Obs ou du Monde à la Courneuve et ne franchit pas souvent le périph', mais il donne le sentiment à des millions de Français qui se sentent abandonnés qu'ils peuvent compter sur sa voix. Le condamner n'est pas forcément un bon moyen de combattre les clichés qu'il véhicule.

    Par-delà la question de la liberté de parole qu'il me semble périlleux de vouloir contenir dans une démocratie d'opinions, se pose celle des lieux de contradiction. Pourquoi faut-il aller devant un tribunal alors même que le propos incriminé ne met pas en danger la paix civile? Pourquoi ne pas lui répondre dans une émission de grande écoute en montrant ses incohérences? D'une certaine manière, les anti-racistes ont renoncé à ce travail de pédagogie. Manque de courage? Peut-être. On se souvient que seul Tapie dans les années 80 acceptait de contredire Jean-Marie Le Pen, les autres politiques disant, pour se disculper de tant de lâchetés, qu'on ne débat avec le diable. Eh bien, si le diable est installé dans nos murs - certains disent en nous -, faut-il le laisser ainsi prospérer sans ne rien dire? 

    Le média télé a une part de responsabilité dans cette surenchère démagogique et xénophobe. Pour contrer l'argument semble-t-il imparable de Zemmour (il y a beaucoup de Noirs et d'Arabes dans nos prisons donc ils sont culturellement moins respectueux de la loi que les autres), il faut prendre quatre-cinq minutes - sans être interrompu - pour expliquer les clivages sociaux et ethniques profonds de notre pays. Il faut parler des problèmes de déracinement des parents immigrés, de leur difficulté à trouver leur place et leurs repères. Il ne s'agit pas d'excuser des attitudes illégales, parfois graves, mais juste de montrer que dans notre République, tout le monde ne part pas sur un pied d'égalité. Mais quel programme télé à une heure de grande audience accepte de se prêter à cet exercice de pédagogie? Il est plus payant en termes d'audimat de mettre sur le ring Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen qui vont ainsi s'envoyer des noms d'oiseau à la figure que de convoquer des sociologues ou des journalistes de terrain pour parler ce qui se vit aujourd'hui.

    Finalement, cette affaire Zemmour signe une double faillite de notre système politico-médiatique. Celle d'un certain journalisme qui éditorialise à outrance, ne prend plus le temps de se plonger dans les réalités complexes du terrain et se transforme en "causeur" (façon salons savants ou café du commerce). Faillite aussi de l'esprit de raison ou du "progressisme" qui, n'ayant plus la capacité ou la force de convaincre par des arguments, préfère faire juger les différends devant les tribunaux.  

  • Diplomatie: la France à côté de la plaque

    Et dire que Nicolas Sarkozy, lors du remaniement ministériel de novembre dernier, avait souhaité une équipe resserrée constituée de professionnels... A la découverte du vaudeville tunisien de notre ministre des michèle alliot-marie,egypte,tunisie,frères musulmans,mexiqueAffaires étrangères, on peut ironiser sur le professionnalisme de ceux qui constituent le gouvernement de la France. Car tout de même, à qui fera-t-on croire que les liens de Michèle Alliot-Marie avec le clan Ben Ali datent de ses vacances de fin d'année payées par le milliardaire Aziz Miled et qu'ils étaient inconnus de l'Elysée ? En fait, c'est toute une partie de l'UMP - et peut-être certains socialistes - qui avait des liens pour le moins ambigus avec ce régime corrompu et policier. Pour amuser la galerie, on racontait que Ben Ali était le meilleur rempart contre l'islamisme, mais en fait, la Tunisie était devenue l'arrière-cour d'une classe dirigeante qui pouvait passer des vacances tout confort dans des palaces à moindre coût, et éventuellement faire des affaires (comme c'est le cas pour la famille de MAM). On pourrait même faire de singulières découvertes dans les prochaines semaines. Car comment expliquer autrement la complaisance dont a bénéficié ce régime pendant des décennies?

     

    Cette vilaine affaire illustre, une fois encore, le naufrage de la diplomatie française qui était déjà mal en point sous Bernard Kouchner, mis en cause pour ses liens avec le régime birman et gabonais. Dans les deux cas, nous avons à faire avec des politiques vieillissants qui trainent dans les allées du pouvoir depuis des décennies et ont oublié depuis longtemps l'intérêt général, pour penser à leurpatrimoine et leurs petits avantages personnels. A la lumière de ces épisodes, il ne serait pas inutile de procéder avec les ministres de la République comme pour le Président: connaître l'état du patrimoine avant l'entrée en fonction et après. On aurait peut-être quelques surprises (sous réserve bien sûr que les ministres soient sincères...).

     

    Avec ce fiasco vis-à-vis du monde arabe, la diplomatie française devient la risée du monde entier. Non seulement elle a soutenu, dans un premier temps, le régime de Ben Ali, non seulement elle n'a rien compris au soulèvement du peuple égyptien, mais elle persiste dans l'erreur. Dans l'émission « Face aux Français », Nicolas Sarkozy a osé parler, sans rire, de la position claire de la France sur les dossiers tunisien et égyptien et a évoqué de nouveau le risque islamiste dans la région, faisant un parallèle osé avec l'Iran des mollahs. Il faut d'urgence offrir une formation au Président sur l'islam: il y découvrirait la différence essentielle entre le chiisme et le sunnisme dans le rapport au pouvoir, le premier disposant d'un vrai clergé précieux pour une stratégie politique, le second étant éclaté en une multitude de chapelles, rendant plus compliquée toute prise du pouvoir.

     

    Contrairement à ce que laisse entendre le chef de l'Etat, les Frères musulmans ont très peu de chances de prendre le pouvoir, d'abord parce qu'ils sont très divisés en interne; ensuite parce qu'ils sont loin d'incarner la majorité du peuple. Si le Président était en relation avec l'ambassade française du Caire – à condition que celle-ci soit plus perspicace que celle de Tunis qui n'avait rien vu venir... -, il aurait appris que les Frères étaient relativement discrets dans les manifestations et n'ont pas sorti leurs slogans islamistes. Si tant est que leur objectif est la prise du pouvoir, ils ont senti que le moment n'était pas propice à celle-ci. Mais notre Président enfermé dans sa bulle élyséenne, obsédé par la montée de l'islamisme, n'a pas compris cela, croyant toujours – ou feignant de le croire – que le scénario iranien (qui date de... 1979) peut se reproduire.

     

    Est-ce pour se racheter du ratage arabe et/ou pour faire oublier le bourbier dans lequel s'est enferré MAM, toujours est-il que le pouvoir a joué l'épreuve de force avec le Mexique. Dans l'affaire Florence Cassez qui, semble-t-il, est victime d'un déni de justice, le Président et sa ministre des Affaires étrangères ont menacé, mis en cause ce pays de façon complètement disproportionnée. Ils n'ont fait que réveiller un nationalisme mexicain très vivace et compliquer la sortie de crise. De même, ce chantage autour de l'année du Mexique en France est complètement contre-productif et laisse entendre que ce genre de manifestation n'est pas empreinte d'arrière-pensées politiques.

     

    Pour essayer de dénouer ce type de situation, les contacts discrets, le jeu diplomatique traditionnel sont beaucoup plus efficaces que les déclarations martiales et les rodomontades. Depuis le temps qu'il échoue (aussi bien en Côte d'Ivoire qu'en direction de l'Iran) avec son style de surveillant général de lycée de province des années 60, Nicolas Sarkozy devrait avoir compris quelques rudiments de la diplomatie. Cela suppose pour lui de construire une relation à l'autre qui soit basée sur la connaissance et le respect. Il n'est pas sûr que le second mandat présidentiel auquel il aspire indubitablement lui permettrait de combler cette grave lacune.