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10 mai - Page 2

  • A gauche, la bataille est-elle perdue ?

    charge-des-cuirassiers-francais-a-friedland-ernest-meissonier-1024x564.jpgPendant longtemps, grosso modo entre la fin des années 1970 et les années 2010, le parti socialiste était la force centrale de la gauche française. Le débat interne était vif, l'écart était souvent abyssal entre les sociaux-libéraux à la DSK et les tenants d'une politique économique étatique à la Mélenchon, mais l'édifice tenait. En partie parce que le PS garantissait des bons résultats électoraux aussi bien aux scrutins locaux qu'aux échéances nationales. Le parti socialiste d'Epinay (lieu où il s'était formé en 1971) était une formidable machine à gagner des élections parce qu'il était en phase avec les classes moyennes, ces employés, ces ouvriers qualifiés, ces cadres intermédiaires qui formaient la majorité de la base électorale.

    La montée en puissance du Front national et sa capacité à mettre sur le tapis les frustrations liées à la fin de l'ascenseur social ont réduit l'électorat du PS. Les premiers échecs de la gauche au gouvernement, du temps de Mitterrand, ont affaibli le parti qui voulait représenter la majorité sociologique de la France. La seconde fracture a eu lieu à partir de 2005 et le vote sur le traité européen. Le parti socialiste a été mis en minorité par son propre électorat. Une partie du PS autour de Jean-Luc Mélenchon a considéré qu'il n'était plus possible de rester aux côtés de ceux qui avaient défendu un cadre libéral pour l'Europe. Ils ont donc quitté le PS pour constituer, avec d'autres, le parti de gauche.

    La troisième et dernière fracture est intervenue lors de l'élection présidentielle de 2017. La désignation de Benoît Hamon comme candidat du PS est apparue comme une gifle pour le président sortant. Pour la première fois depuis longtemps, le candidat socialiste était distancé par un autre candidat de gauche (en l'occurrence JL Mélenchon). L'aile droite du PS, à l'image de Gérard Collomb, a choisi de rejoindre la majorité La République en marche, pensant qu'elle amènerait les réformes de modernisation nécessaires à la France. Les partisans de Hamon ont considéré qu'ils n'avaient plus rien à faire au PS et ont créé le parti Génération.s.

    Il ne restait que le coeur central, d'autant que l'aile gauche autour d'Emmanuel Maurel a décidé 18 mois plus tard de prendre la tangente et de se rapprocher des Insoumis. Le parti socialiste est devenu à la faveur de toutes ces recompositions une formation qui ne peut guère espérer être soutenue par plus de 10 % de l'électorat. Il sera intéressant de voir aux élections municipales de 2020 si ses élus locaux, souvent appréciés des populations, seront en capacité de résister à la double attaque de la République en marche et de la France insoumise.

    Reste que cette situation d'éclatement maximal de la gauche pose un vrai problème pour incarner une alternative à Emmanuel Macron. La formation dominante, la France insoumise, si elle suscite beaucoup d'enthousiasme chez une partie, notamment jeune, de l'électorat, n'est pas en capacité de par ses propositions et son style, de rassembler 50 % de l'électorat. Si des convergences ne sont pas construites, la gauche balkanisée devrait vivre de longues années dans l'opposition. Ce peut être l'occasion pour elle de se renouveler. Mais elle risque également de se fossiliser.  

  • Pourquoi Emmanuel Macron dégringole

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    En juillet 2017, quelques semaines après l'élection d'Emmanuel Macron, j'écrivais sur mon blog à propos de la réussite du projet présidentiel : "Mon hypothèse est que malgré son énergie et sa bonne volonté, le Président va rester au milieu du gué et décevoir encore et toujours." Un an après, nous sommes totalement dans ce scénario avec un président qui a une cote de désamour record. Et pourtant, s'il est chef de l'Etat qui a été choyé par les grands médias, c'est bien lui. Alors que s'est-il passé ?

    Il y a eu, semble-t-il, une méprise sur la personnalité d'Emmanuel Macron. Sa jeunesse était associée à une volonté de revoir le fonctionnement de la 5e République. On pouvait penser que sa capacité à intéresser de nouveaux citoyens à la chose politique via le mouvement En marche allait l'amener à insuffler de la démocratie directe, de la participation et de la simplicité. Au contraire, on a découvert depuis quinze mois un monarque soucieux d'accentuer la verticalité du pouvoir. Le redémarrage des chasses présidentielles est un signe de cette volonté d'asseoir son pouvoir.

    L'Elysée a encore gagné en influence sur des ministres bien souvent  inexpérimentés. Comme Macron se réclamait de l'héritage de Michel Rocard, on pouvait penser qu'il allait miser sur les territoires et réaffirmer l'enjeu de la décentralisation. Il n'en a rien été, au contraire : les coupes sombres dans les budgets des collectivités ont affaibli le pouvoir d'agir de celles-ci.

    Tout ne se résume pas à la personnalité d'Emmanuel Macron. Il faut aussi regarder son programme et sa mise en oeuvre. Reconnaissons que beaucoup de mesures avaient été annoncées pendant la campagne. Pourtant, le candidat avait annoncé une politique en même temps de gauche et en même temps de droite. Ce qui supposait un équilibre dans la politique suivie. De ce point de vue, le compte n'y est absolument pas. Bercy aux mains d'anciens responsables des Républicains (Bruno Le Maire et Gérald Darmanin) a mené tambour battant des réformes libérales : il a fallu quelques semaines pour faire voter une libéralisation du travail alors qu'on a dû attendre 15 mois pour découvrir un plan anti-pauvreté doté d'un financement très mesuré au regard des réductions fiscales accordées aux plus riches. De même, le travail remarquable fait par Jean-Louis Borloo sur les quartiers en difficulté a été négligé par l'exécutif.

    Et puis, il y a le départ de Nicolas Hulot. Par-delà les éléments personnels, cette décision traduit une incapacité du pouvoir à réorienter la politique dans une direction écologique. Dans l'esprit d'Emmanuel Macron, il suffisait de prendre quelques mesures symboliques pour remplir la mission alors que ce sont toutes les décisions économiques et sociétales qu'il faut reconsidérer. C'est un profond changement de matrice dont la France a besoin. Le président, produit (brillant) d'une technocratie à la française, est incapable intellectuellement de penser cette mutation.

    Depuis quelques semaines, on a le sentiment d'une fuite en avant du pouvoir. Les "copains" sont mis à tous les postes de pouvoir : François de Rugy à l'écologie et Richard Ferrand au perchoir. L'affaire Benalla révèle un sentiment de toute puissance de certains conseillers élyséens. Aucun cap clair n'est fixé par un Premier ministre totalement transparent. Et l'absence de résultats de la stratégie économique dite du ruissellement va immanquablement remettre sur le tapis la pertinence de cette politique.


    Reste une interrogation : Emmanuel Macron a-t-il la lucidité et le courage de rectifier le tir en rééquilibrant sa politique et en faisant le pari de la compétence au lieu du copinage ? Le mois d'octobre sera, à cet égard, déterminant. 

  • Un homme providentiel peut-il nous sauver ?

    Il est partout présent, comme s'il avait un don d'ubiquité. il s'exprime sur beaucoup de sujets souvent en lieu et place d'Edouard Philippe dont l'autorité reste faible. Il a imposé sur son énorme groupe parlementaire une discipline de fer qui fait penser à ces députés godillot sous de Gaulle. Ce "Il", tout le monde i'a reconnu, c'est Emmanuel Macron.

    Son dynamisme, sa réactivité et sa maîtrise des réseaux de communication (pensez aux dizaines de une des grands news) et sa jeunesse (dans un pays habitué à élire des sexagénaires)... c'est beaucoup d'atouts pour un homme que d'aucuns - sur lesquels le soleil a tapé un peu fort - comparent à Jupiter.

    Gardons raison et essayons de répondre à la question essentielle : Macron est-il en mesure de respecter ses engagements et faire accepter des mesures qui risquent d'être pour certaines impopulaires ? Mon hypothèse est que malgré son énergie et sa bonne volonté, le Président va rester au milieu du gué et décevoir encore et toujours.

    Trois faiblesses peuvent être relevées. D'une part, le président s'appuie sur un mouvement totalement novice où l'on retrouve le meilleur comme le pire. Il dispose d'une armée de fantassins prêts à montrer au front, mais pas de généraux capables de définir une stratégie. Plus que sous Hollande encore, tout va se décider à l'Elysée qui, comme habitude, va se couper progressivement du pays.

    L'autre raison est liée à son programme qui, par certains côtés, ne tient pas la route dans le cadre budgétaire européen défendu par Macron. Déjà on parle de différer telle ou telle mesure fiscale ou de remettre à plus tard certaines réformes. Cela ne veut pas dire qu'elles ne se feront pas, mais dans la difficulté, avec le risque de semaines de paralysie du pays. Cela va supposer pour Emmanuel Macron un mélange d'écoute et de capacité de décision sans trop cliver. 

    Après cette floppée de rencontres diplomatiques, Emmanuel Macron va devoir mettre les mains dans le cambouis. Et sérieusement. La loi dite travail, même négociée (jeu de dupes ou réalité ?) risque de diviser sérieusement le pays avec ce projet très pro-Medef. Est-ce le meilleur moyen de rassembler le pays ?

    La troisième faiblesse est liée au fait qu'Emmanuel Macron mise tout sur son aura, sur ce lien curieux qu'il a constitué avec les Français. Il sait que le bateau va tanguer mais il pense que ses mots, ses gestes, son autorité. vont permettre de maintenir ce lien de confiance. C'est risqué sur ceux niveaux.   

    D'une part, le modèle gaullien dont Macron s'inspire ne parle plus à grand monde presque 50 ans après sa mort. Cette solennité qui était recherchée après les errements de Hollande, ne peut être de mise à chaque intervention. Incontestablement, Macron veut parler au-dessus (des partis, des syndicats) dans une relation directe au peuple. Le risque qu'il prend, outre une impopularité rapide, c'est de pas entraîner les Français sur sa politique. 

    il va devoir choisir entre deux attitudes : soit camper le Gaulle des années 2020 avec un discours sur l'homme providentiel, soit mobiliser le pays autour de grands objectifs (inégalités, rural profond, développement des quartiers populaires, démembrement de réacteurs nucléaires, etc.). Les habitants ne peuvent s'emparer des enjeux que s'ils sentent une envie claire du pouvoir central d'y aller et des marges de manœuvre pour expérimenter et imaginer des solutions, notamment sur l'emploi. Le débat sur la loi qui se prépare risque de ne rien dire des solutions nouvelles pour créer partager le travail. Encore une occasion (qui risque d'être) ratée.    

  • Vers une République des experts ?

    La victoire d'Emmanuel Macron est très claire. Il faudrait être mauvais joueur ou rancunier pour ne pas la reconnaître. Même si Marine Le Pen fait un score historique pour une formation d'extrême droite (ce qui doit inquiéter tous les démocrates), elle est loin de franchir la barre espérée des 40 %.

    Les deux partis de gouvernement - PS et LR - sont profondément affaiblis par cette élection et ne devraient pas en sortir indemnes. Quant à Jean-Luc Mélenchon, il est peu probable que ses candidats aux législatives obtiennent les mêmes scores que lui à cette présidentielle. A force de trop personnaliser un scrutin, on ne construit pas un mouvement très solide. Les flottements sur le report pour le second tour vers Macron devraient laisser des traces au sein de l'électorat très composite des Insoumis.

    Quelle va être l'attitude du nouveau président ? Quel gouvernement va-t-il constituer (1) ? D'abord se pose la question du choix du Premier ministre. Il va falloir ne pas décevoir, en ne choisissant pas une personnalité trop marquée ni à droite ni à gauche, mais capable d'entraîner le mouvement En Marche ! vers les législatives. Il est, par exemple, exclu de prendre un ministre actuel, comme Jean-Yves Le Drian, pour éviter toute confusion avec François Hollande. Une personnalité comme Jean-Paul Delevoye, l'ancien président du Cese (et de l'association des maires de France), pourrait faire l'affaire. On verra...

    Emmanuel Macron va être attendu sur le choix des ministres et surtout des périmètres ministériels. La rénovation urbaine va-t-elle avoir droit de cité ? La revitalisation rurale et l'aménagement du territoire vont-ils retrouver une vraie place ? Le poids de Bercy sera-t-il encore renforcé ? Quid de la révolution numérique, de la santé, etc. ? Il est probable que le nouveau président s'entoure de spécialistes des questions, pour incarner cette image de sérieux et de novation qu'il a valorisée pendant toute sa campagne.

    Des experts dans un gouvernement : serait-ce la solution pour contrer la crise de légitimité que vivent les ministres ? Sur le papier, la formule paraît intéressante car cela donne des gages de sérieux et de compétence dont manquent souvent les ministres qui changent de portefeuille comme d'autres changent de chemise. Pour autant, Est-ce la solution-miracle ? Pas sûr. Deux difficultés se présentent. Expert ne rime pas toujours avec sens de la discussion et du compromis. Les experts sauront-ils discuter avec les syndicats, les associations et évidemment avec les parlementaires ? N'auront-ils pas tendance à considérer que leurs diplômes et compétences valent bien le mandat électoral.

    L'autre risque est d'ordre symbolique. La montée du FN et la crise de confiance du pays tiennent en grande partie à l'écart qui s'est constitué entre les élites et le peuple. La mise au premier plan d'experts pourrait aggraver la crise de confiance. reste à ces experts - s'ils sont désignés - à faire mentir ces pronostics.       

     

    (1) Rappelons tout de même que, selon la Constitution, c'est le Premier ministre qui constitue le gouvernement. Mais c'est généralement une fiction.