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10 mai - Page 36

  • Européennes: la grande frousse du PS

    aubry.jpgA deux semaines de l'élection des députés européens, tout l'appareil socialiste est aux abois. Non seulement – si on se réfère aux sondages – le PS a toutes les chances d'être loin derrière les listes présentées par l'UMP, mais il pourrait être en-dessous de la barre symbolique des 20 %. La situation politique est totalement paradoxale : le gouvernement multiplie les mécontentements (université, services publics, syndicats...), la France est entrée dans une phase de récession qui pourrait durer plusieurs mois, la côte de popularité du Président de la République est au plus bas... mais le principal parti d'opposition ne parvient pas à engranger les fruits politiques d'une conjoncture qui théoriquement lui offrirait un boulevard.

    Les raisons de ce paradoxe ne manquent pas et il faut les prendre en compte dans leur globalité. Première raison qui saute aux yeux de tous les citoyens: le parti socialiste, est totalement divisé entre chapelles qui non seulement s'ignorent mais se font la guéguerre. Le dernier congrès de Reims en novembre 2008 aurait dû clarifier la question du leadership. Il n'a fait que la compliquer. En constituant une très courte majorité (une centaine de voix de différence dans un climat de contestation), faite de bric et de broc (allant des amis de Benoît Hamon à ceux de Bertrand Delanoë en passant par ceux de Laurent Fabius), Martine Aubry n'a absolument pas clarifié la ligne politique du PS. Comme on pouvait s'y attendre, elle doit, pour se maintenir, à son poste ne mécontenter aucun des leaders politiques qui l'y ont amené. Comment, dans ces conditions, entraîner le parti dans cet élan de rénovation dont tout le monde en interne fait ses gorges chaudes? En face, le camp Royal est plus divisé que jamais entre les supporters de Ségolène Royal, les amis de Vincent Peillon décidés à exister par eux-mêmes et les grands barons régionaux qui ont repris leur autonomie, soucieux de la préservation de leurs intérêts.

    Seconde raison: le PS, même s'il a repris le chemin des manifestations, n'a pas repris pied dans la société civile. Les syndicats, les grandes associations continuent à le laisser à distance, inquiets de toute tentative de récupération et fatigués par sa paresse intellectuelle et ses atermoiements. Même si ce parti continue à avoir des militants engagés dans le corps social, ses dirigeants (blancs, quinquagénaires voire sexagénaires, hauts-fonctionnaires, élus depuis des décennies) inquiètent par leur détestation réciproque et leur incapacité à se remettre en cause. A tort ou à raison, on se dit que François Hollande, à qui on a reproché son inertie politique après la débâcle de 2002, veut prendre sa revanche, que les amis de DSK ne travaillent qu'au retour parisien de l'actuel directeur du FMI, que Benoît Hamon travaille déjà pour la présidentielle de... 2017, que Laurent Fabius et Bertrand Delanoë sont en embuscade au cas où... On a bien compris que Ségolène Royal pense être incontournable pour 2012 et qu'elle va jouer, s'il le faut, l'opinion contre le parti. Quel ouvrier menacé de chômage, quel étudiant terrorisé pour son avenir, quel fonctionnaire inquiet par l'état des services publics, quel citoyen alerté par les atteintes à la démocratie peut s'intéresser à ce petit monde d'intrigants coupés, quoi qu'ils en disent, des réalités populaires?

    La troisième raison du risque de « dégelée électorale » pour le PS découle des deux précédentes. Elle tient à la composition des listes pour les européennes. Celles-ci ont été composées en dépit du bon sens qui voudrait qu'on ne reprenne que les députés sortants non cumulards et ayant fait les preuves de leur travail au Parlement européen et qu'on investisse des candidats investis dans leur région et pouvant apporter une expertise, une expérience sur les enjeux de la construction européenne (la redéfinition de la PAC, la construction de normes sociales, l'affirmation d'une politique étrangère commune, le renforcement de la lutte contre le réchauffement climatique...). C'est bien simple: le PS a fait tout le contraire. Il a replacé en position éligible une bonne partie des fainéants du Parlement, écartant certains des plus travailleurs (Gilles Savary, Marie-Ange Carlotti, entre autres) et offert un siège à d'illustres inconnus de la question européenne, très bien implantés dans l'appareil socialiste.

    La région Nord-Ouest est une caricature avec la première place accordée au premier secrétaire du PS du Nord (un proche d'Aubry) et la seconde à une élue de Seine-Maritime (le fief de Fabius). Il a dès lors fallu recaser deux sortants de cette région – pas des plus assidus à Bruxelles : Vincent Peillon dans le Sud-Est et Henri Weber, maintenu dans le Centre malgré un vote défavorable des militants.

    Chacun des barons a imposé ses proches à des places jouables : ainsi, Aurélie Fillipetti, proche de Ségolène Royal, est 3e dans l'Est alors même qu'elle est déjà députée à Paris (principe de précaution, semble-t-il, car la circonscription conquise par la jeune élue devrait disparaître); ainsi, François Hollande a t-il poussé deux de ses proches: Stéphane Le Foll, sortant mais très peu présent à Bruxelles (2e dans l'Ouest) et Frédérique Espagnac, son ancienne attachée de presse (4e dans le Sud-Ouest); ainsi, Arnaud Montebourg imposant un économiste de l'OMC, Mustapha Sadni (4e dans l'Est); ainsi, Harlem Désir, le fidèle lieutenant de Bertrand Delanoë (mais lui au moins a travaillé...). Parmi ces candidats, pas ou très peu de spécialistes des questions agricoles ou industrielles, de connaisseurs des réseaux européens, mais plutôt des « technos » proches d'un baron du PS.

    Comme me l'expliquait un député européen sortant et sorti, on ne peut pas participer au travail des commission à Bruxelles et aux réunions du bureau et secrétariat national du PS qui ont lieu toutes deux les mardi et mercredi. Ceux qui prennent à coeur leur mandat choisissent la première solution (au risque de ne pas être réinvestis) alors que ceux qui privilégient leur place dans l'appareil préfèrent sécher l'essentiel du travail en commission, obscur et peu visible. Voilà pourquoi, entre autres, le groupe socialiste français a tant de mal à faire valoir ses positions au sein du Parti socialiste européen (PSE)...

    Bien entendu, le faible score du PS pourrait également s'expliquer par la très forte concurrence politique, avec les listes écologistes (très intelligemment constituées), du MoDem, du Front de gauche et même du NPA. Ces quatre formations pourraient effectivement tirer parti des faiblesses structurelles du parti socialiste. Pour autant, s'il vous plaît, mes amis socialistes, ne nous refaites pas le coup de 2002, où les amis de Lionel Jospin nous avait expliqué que l'élimination de leur champion était de la faute des autres.

  • Cumul des mandats, le bal des hypocrites

    Marianne a pleinement raison de titrer cette semaine: « Les cumulards: le noyau dur qui truste tout ». Dans l'article introductif, Daniel Bernard rappelle quelques chiffres édifiants: « 259 des 577 députés sont maires, 21 sont présidents de conseil général, 8 de conseil régional » (le topo est à peu près le même pour le Sénat avec 32 présidents de conseil général, mais les sénateurs ont au moins « l'excuse » de devoir représenter les collectivités territoriales). Cumuler est donc un sport politique particulièrement prisé (on pourrait dire presque la même chose dans les médias et le monde des grandes entreprises). A part Ségolène Royal qui a renoncé à se présenter lors des dernières législatives, il faut bien dire que les grands responsables politiques ne donnent guère l'exemple, le top du top étant l'ambitieux Jean-François Copé qui non content d'être parlementaire, président du groupe (souvent remuant) de l'UMP, maire de Meaux, est associé à un cabinet d'affaires...

    Quelles sont les conséquences du cumul des mandats? Des bénéficiaires qui sont toujours en train de courir entre deux trains et deux avions. Une priorité – assez logique – accordée aux responsabilités locales. Une méconnaissance des dossiers. Et puis, un renouvellement nécessaire du personnel politique très faible qui pénalise les femmes, les jeunes, les pas-très-blancs et plus généralement tous ceux qui ne se sont pas mis sous la coupe d'un grand baron. Pourquoi est-il si facile (et tentant) de devenir député-maire? Tout simplement parce que la direction d'une ville (ou d'un département) vous donne une visibilité qu'un candidat lambda, pris par ses occupations professionnelles, n'aura jamais. Sans compter les réseaux clientélistes que certains déploient avec un vrai talent (« on va voter pour notre maire qui nous a trouvé un logement/un emploi municipal/une place en crèche », etc.).

    Le résultat est très clair: un Parlement qui fonctionne avec un nombre restreint de représentants très assidus (ceux qui sont là du lundi après-midi au vendredi matin) alors que les autres, pris par leur(s) mandat(s) local(aux), arrivent, dans le meilleur des cas, le mardi matin et repartent le jeudi midi. Et encore, une partie de leur temps est occupé à faire le siège des administrations centrales pour débloquer tel ou tel dossier local.

    En la matière, la gauche ne donne guère l'exemple. On épargnera la pôvre Dominique Voynet qui a fait campagne face au député-maire Jean-Pierre Brard sur le thème « Montreuil mérite un maire à temps plein » et une fois élue, a oublié de rendre son siège de sénatrice (qu'elle occupe d'ailleurs avec mesure). Le principal opposant à l'Assemblée nationale devrait être Jean-Marc Ayrault. Président du groupe PS, c'est un job à temps plein. Eh bien, notre Ayrault national est toujours maire de Nantes (qui ne ressemble pas à un bourg perdu du vignoble nantais) et président de la communauté urbaine nantaise (qui, à la louche, doit bien rassembler 300 000 à 400 000 habitants).

    Celui qui voulait le remplacer voici un an à la tête du groupe socialiste (et qui s'est pris une mémorable gamelle), l'éblouissant Arnaud Montebourg s'est ridiculisé en se faisant élire en 2008 conseiller général et président du conseil général de Saône-et-Loire. Lui qui nous a bassiné pendant des années avec sa VI e République et le mandat unique est devenu le patron d'un département, ce qui doit bien l'occuper deux à trois jours (ou alors, il fait mal son job). Avec des opposants plus soucieux de gagner ou de conserver des baronnies locales, Nicolas Sarkozy peut dormir sous ses deux oreilles. Et l'on ne dit rien de la patronne du PS qui, si elle n'a pas de mandat parlementaire, dirige tout de même Lille et sa communauté d'agglomération.Montebourg.jpg

    Quand il doit s'expliquer sur son revirement, Montebourg perd de son allant. Dans Marianne toujours, il nous explique laborieusement: « A titre personnel, il me manquait un apprentissage local, celui par lequel la plupart des élus commencent leur vie politique. Ayant fait le constat de la quasi-inutilité grandissante des parlementaires sous l'ultraprésidence Sarkozy, j'ai voulu expérimenter à l'échelle de mon département les idées que je cherche vainement à faire partager à mon pays. » On pourrait résumer le propos alambiqué ainsi: « je ne sers pas à grand-chose au Palais Bourbon alors comme j'ai peur de m'ennuyer, je m'occupe des affaires des bouseux. Et puis au moins là, personne ne m'empêche d'être président. »

    Trêve de plaisanterie: ce genre de déclaration est non seulement scandaleux sur le plan de l'éthique (pourquoi ne démissionne-t-il pas de son poste de député s'il ne sert à rien?), mais insultant pour les habitants de Saône-et-Loire qui sont appelés à expérimenter les idées du sieur Montebourg. Lequel indique dans cet entretien qu'il travaille au « respect des normes environnementales » et à « mettre en cause la responsabilité des banques dans un certain nombre de dossiers de surendettement. » Il affirme que par sa pratique, il « dénotabilise la vie locale ». Cela mériterait vérification, mais si notre président Montebourg s'éclate en Bourgogne, on ne peut qu'être heu-reux. Mais alors, qu'il laisse tomber son mandat de député « quasi-inutile» ...

    Le professeur de droit public Guy Carcassonne a raison d'écrire que le mandat unique n'est pas « une réforme parmi les autres, mais la mère de toutes les autres. » La gauche, si elle se met enfin à préparer une alternative, est-elle prête à inscrire cette réforme dans son programme? Prendra-t-elle le risque de mécontenter la moitié de son groupe parlementaire qui cumule gentiment une fonction exécutive? Les paris sont ouverts, mais j'ai tendance à être plutôt pessimiste...

  • Putain, neuf ans !

    Pour aujourd'hui, un texte un peu différent. Pas de "grande politique", ni un manifeste pour ce blog lancé dimanche 10 mai (merci à tous ceux qui l'ont déjà visité et qui y ont laissé un commentaire). Non simplement, une petite réflexion, un peu à chaud, sur mon expérience professionnelle puisque je tourne ces jours-ci la page d'une longue expérience professionnelle.TC.jpg

    Le 10 mai 2000 (eh oui, le 10 mai a souvent été marquant pour moi), j'intégrais comme rédacteur permanent l'hebdomadaire Témoignage chrétien pour qui je collaborais depuis des années. J'y ai successivement occupé diverses fonctions: rédacteur en chef adjoint puis plus adjoint (c'est-à-dire red chef) pour devenir ensuite rédacteur. Peu importent les circonstances de mes promotions ou rétrogradation (ce n'est pas le lieu d'en parler et puis cela a peu d'intérêt). Neuf ans après presque jour pour jour, je quitte ce journal.

    Je fouillais ce premier matin de "quille" dans une grande enveloppe contenant divers papiers. Un mot manuscrit d'une personne interviewée, une réaction d'une personnalité suite à un édito (pour ne pas le nommer - c'est fait maintenant - Nicolas Sarkozy, alors patron de l'UMP), un texte sur Jésus envoyé par un prêtre croisé lors d'un reportage, quelques cartes postales reçues au fil des étés, des dessins de mes enfants... Que reste-t-il de ces neuf années passées à scruter l'actualité, à décrypter les enjeux du moment et à mettre le projecteur sur ce qu'on appelait dans ce journal "les oubliés du 20 heures"? Dans cet exercice légèrement narcissique, je m'interroge sur ce qu'il peut bien rester de ces milliers d'heures à enquêter, à écrire, à corriger, à légender des photos... Qui peut répondre honnêtement à la question sans se raconter trop d'histoires ou, à l'inverse, sombrer dans le nihilisme stérile?

    Ce que je retiens tout de même de cette déjà longue expérience à TC et ailleurs (car j'ai longtemps pigé avant), c'est que nous journalistes devons être au service de vérités (le "s" est important). Nous devons essayer de respecter les faits, ne pas les tordre pour imposer notre opinion. C'est tout aussi important dans des journaux d'opinion que dans ceux qui se présentent abusivement "neutres". Vis-à-vis des personnes, même d'un autre "bord" politique, nous devons être totalement respectueux de leur histoire, de leurs convictions. Cela ne veut pas dire s'applatir devant elles, ne pas mettre en évidence leurs failles ou contradictions, mais simplement ne pas salir.

    J'ai trop souvent regretté chez certains de mes confrères la tentation (mais qui ne l'a pas eue?) de rechercher la petite-phrase-qui-tue, de s'arrêter à la surface des choses sans creuser, sans tenter de rendre compte de la complexité des choses. Je me souviens il y a pas mal d'années la réflexion d'un attaché de presse du PS alors que je lui demandais des infos sur les divers ateliers de l'université d'été de la Rochelle là où débattaient les militants. "Tu es un des rares à me poser ce genre de questions..." Effectivement, c'était pas très glamour, mais il me semblait plus intéressant de savoir ce que les anonymes du parti pensaient que de tenter de recueillir l'énième petite phrase de Jospin (alors premier ministre), de Hollande (il adorait ça) ou de Fafa. Me serais-je trompé, tellement j'ai l'impression que nous ne sommes pas nombreux à penser comme cela?

    Excusez-moi ce petit prêche (je n'ai pas été à Témoignage chrétien pour rien), mais j'ai envie d'écrire cela. Car j'aimerai tant que la profession se saisisse un peu plus de ces questions "éthiques". Il y a urgence, me semble-t-il, car la presse (engagée ou "neutre") traverse une grave crise. Avant d'être économique, c'est une crise de confiance.    

  • Comment en finir avec la politique spectacle?

    Voici un mois, je rencontrais Roger-Gérard Schwartzenberg à l'occasion de la sortie de son livre L'Etat spectacle 2 (éditions Plon). L'ancien ministre de Lionel Jospin et ancien député reprend le fil de son L'Etat spectacle publié en 1977. Je vous propose de lire l'entretien publié dans l'hebdomadaire Témoignage Chrétien (www.temoignagechretien.fr)

    livre Schwartzenberg.jpg 

    Depuis votre premier livre, quels ont été les changements les plus notables?

    Roger-Gérard Schwartzenberg: Je distinguerai quatre évolutions notables. D'une part, la télévision occupe désormais une place essentielle. Elle a supplanté la presse écrite qui jouait un rôle primordial dans le débat d'idées. La télévision, et surtout les chaînes privées, juge la politique tellement austère qu'ils suppriment les émissions de débat ou les placent en fin de soirée. Pour ce média, l'image l'emporte sur le message.La seconde évolution a trait à l'entrée en force des professionnels de la communication. Pour eux, le message, c'est le candidat. La présidentielle de 1981 a constitué un tournant lorsque François Mitterrand, jusque-là rétif à cette intervention, s'est appuyé sur le publiciste Jacques Séguéla.

    Les deux autres changements?

    C'est d'abord l'influence de la presse people que douze millions de Français lisent aujourd'hui. La plupart des responsables politiques acceptent maintenant de médiatiser leur vie privée. Ils y parlent plus d'eux mêmes que de politique. Dernière évolution majeure, la politique est marquée par un déclin fort des idéologies. Dans les années 70 - 80, la gauche était très fortement influencée par le marxisme. La droite, quant à elle, était très inspirée par le reaganisme et le libéralisme économique intégral. Aujourd'hui, les partis de gouvernement développent des programmes plus convergents, ce qui offre un boulevard aux partis extrêmes. Faute de pouvoir se distinguer sur le fond, les candidats ont tendance à se différencier sur leur image.

    En 2007, les deux finalistes de la présidentielle ont très largement utilisé l'outil internet. A-t-il une vraie influence sur la vie politique?

    Chacun des candidats a développé un usage différent de ce média. Ségolène Royal a, à travers son site Désirs d'avenir, privilégié une démarche participative en faisant appel aux avis des internautes alors que Nicolas Sarkozy valorisait les images de sa campagne à travers sa web-télé. Celui qui a le plus utilisé cet outil, c'est Barack Obama. Le futur président américain avait la capacité de communiquer avec treize millions d'internautes. Cet outil a été utilisé de façon descendante pour faire passer des messages auprès des supporters.


    Dans les prochaines années, internet ne va-t-il pas supplanter la télévision pour organiser le débat politique?

    C'est tout à fait possible car les chaînes généralistes traversent une grave crise. Aux Etats-Unis, celles-ci ont vu leur audience passer de 90% à 40% entre 1990 et 2000. Le phénomène n'a pas pris cette ampleur en France, mais de grandes chaînes comme TFI accusent une baisse, en raison notamment de la concurrence de la TNT. On se dirige peut-être vers la post-télévision, une ère qui ne serait plus marquée, comme aujourd'hui, par le règne des grandes chaînes. Cela pourrait conduire à remettre en cause la tendance à la « spectacularisation » de la politique qu'encouragent les grandes chaînes.


    L'instauration du quinquennat a t-elle changé la donne?

    La Ve République s'est construite autour d'une figure monarchique. Cela suppose une certaine distance, une réserve voire un mystère. Conformément à ce qu'il avait annoncé , Nicolas Sarkozy fait le contraire en se positionnant comme un dirigeant de proximité. C'est l'une des conséquences du passage du septennat au quinquennat qui amène le Président de la République à être davantage sur le terrain. Si le style présidentiel s'est un peu « démonarchisé », les pouvoirs du Président restent largement supérieurs à ceux de ses homologues étrangers.

    Comment se positionnent les citoyens face à cette politique-spectacle?

    Ils sont à la fois captivés comme des spectateurs et assez lassés car ils ont moins de moins prise sur les décisions. Plus le programme est flou et incertain, moins le citoyen est en capacité d'intervenir sur les choix politiques. Cette lassitude est d'autant plus marquée que les Français sont désireux de vrais débats comme on l'a vu lors du référendum européen en 2005.

    Les professionnels de la politique ne seraient pas à la hauteur des exigences citoyennes?

    Tout à fait. Les dirigeants politiques - pas tous bien sûr - traitent les citoyens comme des spectateurs, sur les émotions desquels on joue. La grande majorité des citoyens aspire, au contraire, à être considérés comme des adultes à qui on devrait exposer la vérité.

    Voilà un propos très mendésiste...

    Pour préparer mon livre, j'ai relu La République moderne, écrit par Pierre Mendès-France en 1962. Il y préconisait une « démocratie de participation ». C'est une idée qu'il faudrait mettre en oeuvre. Au niveau local, cela pourrait passer par les budgets participatifs, les assemblées de quartier ou les référendums d'initiative locale qui sont trop peu utilisés car laissés à l'initiative des assemblées délibérantes. Au niveau national, il faudrait multiplier les référendums.

    Comment expliquer le décrochage entre les politiques et le peuple?


    Le libéralisme économique qui a imprégné les mentalités pendant deux décennies a encouragé l'hyper-individualisme. Or, la démocratie suppose un sentiment d'appartenance collective. Les citoyens en sont encore porteurs alors que les politiques sont généralement guidés par leur ego, par le « culte du moi » comme aurait dit Barrès.

    Pour en finir avec l'Etat spectacle, écrivez-vous en conclusion. Est-ce possible?


    Je suis optimiste. La crise que nous vivons appelle des solutions politiques coordonnées. L'intervention de la puissance publique est moins caricaturée et l'individualisme devrait régresser. Pour ma part, je veux me battre pour faire reculer l'Etat spectacle, car celui-ci mine la démocratie.