François Bayrou a, au moins, un point commun avec Martine Aubry: on le croyait « cramé » après la dégelée des européennes et il « ressuscite » à l'occasion de l'université d'été de sa formation. Bien entendu, la réalité est plus compliquée que cette formule introductive. Non, le Béarnais n'était pas mort après son score médiocre réalisé en juin. Non, il n'est pas entièrement sorti d'affaire après sa prestation à La Grande-Motte les 5 et 6 septembre. En résumé, le patron du MoDem a esquissé une solution médiane entre deux positions intenables: le refus absolu de tout rapprochement avec l'opposition de gauche et la conclusion d'un accord électoral. Il propose que s'ouvrent des discussions sur tous les thèmes permettant de trouver des convergences, mais aussi de pointer les divergences, au sein de la constellation anti-Sarkozy. Il a ainsi pu rassurer une partie de la base du parti centriste, inquiète par la présence lors d'un meeting à Marseille de Marielle de Sarnez aux côtés, entre autres, de Robert Hue (l'ancien patron des communistes) sans, pour autant, injurier l'avenir.
L'avenir, a expliqué François Bayrou, c'est de trouver une solution pour empêcher la réélection de Nicolas Sarkozy en 2012. Actuellement, le Président a toutes les cartes en main: un parti élargi à la droite dure (de Villiers) déjà en ordre de marche pour les régionales de mars 2010; un dynamisme guère émoussé par son incident de santé cet été; un art du contre-pied parfaitement maîtrisé comme sur la taxe carbone (puisqu'il prend au mot les écologistes et divise la gauche). En face, la cacophonie règne avec un émiettement des partis, une faiblesse de propositions et des débats secondaires montés en épingle (comme sur les primaires).
François Bayrou a compris qu'il faudra, d'une manière ou d'une autre, trouver un arrangement avec la gauche, ou du moins le PS, pour espérer inquiéter Sarko. Comme il compte être second au premier tour de la présidentielle - en misant sur une division extrême de la gauche et une personnalisation du combat électoral -, il lui faut compter sur un bon report des voix de gauche pour l'emporter au second tour. Le pari est difficile mais jouable... sous conditions:
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Il faut revoir l'organisation du parti. Depuis plusieurs mois, cadres et militants se plaignent de la faible démocratie interne. L'avertissement avait été lancé par des responsables influents comme Corinne Lepage ou Jean-Luc Benhamias: la stratégie du parti ne peut être décidée par le couple Bayrou-de Sarnez. Lors de l'université d'été, des militants ont jugé sévèrement l'initiative de Marseille qui, semble-t-il, n'avait fait l'objet d'aucune discussion préalable. L'auteur de Abus de pouvoir (Plon) ne peut pas se déchaîner contre « l'hyper » (comme il désigne la présidence Sarkozy) et ne pas faire vivre du débat dans son parti. Sinon, attention au grand écart entre le dire et le faire!
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François Bayrou ne peut se cantonner à une position morale de dénonciation du pouvoir. Il doit passer à la phase d'élaboration d'un projet de société. L'éthique en politique qu'il incarne avec brio dans son dernier livre lui permet d'avoir, dans l'opinion, le statut d'opposant courageux, mais cela n'en fait pas (encore?) un tenant d'une alternative claire. « Rendre à ce projet sa légitimité, sa dynamique, sa force, c'est à la fois honorer les racines de notre pays et se projeter dans l'avenir », écrit-il dans sa conclusion « Il existe un autre chemin ». Alors au travail...
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Vis-à-vis de la gauche, sa partition doit être habile. Un rapprochement avec celle-ci est indispensable pour l'emporter aux présidentielles et avoir un vrai groupe parlementaire. Pour autant, François Bayrou a tout intérêt à exacerber les divisions au sein du PS pour éventuellement aboutir à deux candidatures issues de ces rangs (une hypothèse pas impossible qui lui ouvrirait les portes du second tour). A défaut, il a tout intérêt à faire de la question des alliances un point central car le PS est profondément divisé là-dessus. Pour autant, il ne peut pas jouer la carte de la balkanisation de la gauche car sinon, le rassemblement en 2012 sur sa candidature sera très compliqué.
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François Bayrou et le MoDem doivent faire la preuve de leur utilité politique. Le Béarnais explique à longueur de temps qu'il a changé en rompant avec la consanguinité du centre avec la droite. Il affirme, en même temps, son refus de tout embrigadement par la gauche. Très bien, mais cette liberté revendiquée suppose de battre l'UMP sans être à la remorque de la gauche. Quoi de mieux que les régionales pour exister? Si le MoDem l'emportait dans une ou deux régions, celles-ci pourraient être un laboratoire d'une gestion différente. Il a sans doute une carte à jouer dans les quatre ou cinq régions où la gauche est très menacée (Basse-Normandie, Pays-de-la-Loire, Franche-Comté, Bourgogne ou PACA). Elle pourrait négocier une présidence dans l'une de ces régions en échange d'un soutien dans les autres exécutifs. Bien entendu, cette hypothèse est audacieuse, fera sursauter tous ceux qui, la main sur le coeur, jurent qu'il n'y aura aucun arrangement (on a vu ce qui s'est passé pour les municipales à Lille, Grenoble...), mais c'est sans doute une piste intéressante pour crédibiliser l'hypothèse Bayrou et pour voir si les discussions demandées entre le MoDem et la gauche ont quelque chance de déboucher. Avant de parler du national, ne pas sauter l'étape des régions.