Rarement semaine ne s'est annoncée avec autant d'incertitudes pour le gouvernement que celle qui démarre ce lundi 11 octobre. Une troisième journée de grève générale depuis la rentrée est prévue ce mardi dans tout le pays, qui, à la différence des deux précédentes en septembre, pourrait être suivie d'un appel à la grève générale. Certains convoquent (par nostalgie ?) le souvenir de l'automne 95, mais la situation est fortement différente. D'abord parce que les régimes spéciaux (RATP, SNCF, EDF) ne sont pas directement mis en cause par la réforme Fillon-Woerth. Ensuite parce que le contexte politique a profondément changé en quinze ans. En 95, Jacques Chirac venait d'être élu sur une promesse de progrès social partagé et dès l'automne, le Premier ministre Alain Juppé, droit dans ses bottes, avait annoncé qu'était venu le temps de la rigueur et que les "privilèges" des salariés protégés étaient à revoir. Douche glaciale pour ceux qui voulaient mordre dans la pomme promise par l
e Président!
Tout autre est le contexte en 2010. La rapide agonie de la présidence de Nicolas Sarkozy laisse le pays dans un état de désarroi total. Certains cèdent au fatalisme, d'autres à une colère qui peut prendre des formes imprévues. Personne, y compris parmi les proches de l'UMP, ne comprend comment fonctionne ce pouvoir. Tout est curieux, voire inquiétant, dans sa façon de faire. Le fait d'annoncer en juin un remaniement ministériel à l'automne aboutit à mettre tous les ministres – et le premier d'entre eux – dans un état d'inquiétude peu propice à l'efficacité.
Le fait de maintenir Eric Woerth à un poste aussi sensible que les Affaires sociales conduit, à mesure que les révélations se font jou
r sur ses étranges collusions, à ridiculiser tous ses propos en les reliant à la nauséabonde affaire Bettencourt. Le fait d'imposer une réforme importante, celle des retraites, sans négocier avec les partenaires sociaux (alors qu'on avait promis le contraire pendant la campagne électorale) puis, sous la pression de la rue, à lâcher une à une des petites choses amène les manifestants à se dire que des acquis importants peuvent être obtenus par le blocage du pays. D'où la tentation de la stratégie du pire. Le fait de répondre à la centaine de parlementaires UMP qui ont demandé de remettre en cause le bouclier fiscal par un « circulez, y'a rien à voir » conduit les principaux soutiens du pouvoir à prendre de la distance.
Tout est contre-productif dans les actes de Nicolas Sarkozy, y compris sa ridicule visite à Rome auprès du pape. Les catholiques français ne sont pas complètement demeurés pour ne pas y voir une opération de récupération alors que rien dans sa politique, depuis son goût immodéré pour l'argent jusqu'aux poursuites contre les étrangers, n'est compatible avec l'Evangile. Cela peut même avoir l'effet inverse de radicaliser ses adversaires chez qui trainent un vieux fond d'anticléricalisme mal digéré...
Nous voilà donc à quelques heures du grand saut vers l'inconnu. Tout est possible, y compris un blocage anarchique du pays avec son lot de violences et d'exaspérations. J'ai le sentiment cependant que le pouvoir ne pourra pas jouer le coup de juin 68 lorsque le général de Gaulle activa la corde de la peur face à la chienlit. Pour beaucoup de citoyens, même ceux qui seraient enclins à soutenir la réforme des retraites, la chienlit est amenée depuis longtemps par le style brouillon de Sarkozy, par ses changements d'objectifs incessants (la relance puis l'austérité, par exemple) et par son entêtement à être le « Président des riches », pour reprendre le titre d'un livre récent, sans oublier sa propension à donner des leçons au monde entier, ce que ledit monde commence à trouver franchement ridicule.
ro-événement m'a interrogé sur la place du politique. Participant, en tant que journaliste, aux assises de l'aide à domicile, l'intervention de Nora Berra, secrétaire d'Etat aux aînés, était particulièrement attendue. Le secteur souffre depuis plus d'un an des restrictions budgétaires apportées au paiement des heures de travail ménager et d'accompagnement des personnes souvent âgées. Cela n'est pas sans lien avec l'étranglement financier des collectivités locales conduit par l'Etat. Lors de ce rendez-vous des professionnels de l'aide à domicile, agissant souvent dans un cadre associatif, tout le monde espérait un discours qui apporte des réponses claires aux incertitudes actuelles et qui trace les grandes lignes de la réforme de la dépendance annoncée, après bien des reports, pour fin 2010. Au lieu de cela, les trois à quatre cents participants entendirent un discours creux, ponctué de généralités, sans aucune ligne directrice.
des affaires d'utilisation personnelle des deniers publics, en tirent la seule conséquence qui s'imposait: démissionner. Les décisions de Christian Blanc et Alain Joyandet paraissent si peu spontanées et tellement coordonnées qu'il sera difficile de ne pas y voir la patte de l'Elysée soucieux de couper quelques branch
es malades pour sauver un arbre gouvernemental malade. Que ces décisions tardives interviennent en pleine affaire « Bettencourt-Woerth » n'est sans doute pas un hasard. Les affaires qui ont été reprochées aux deux démissionnaires ne sont que des broutilles en comparaison des soupçons qui pèsent sur l'actuel ministre des Affaires sociales.
compliquer l'affaire, la femme de l'homme aux deux casquettes travaille pour la plus grande fortune française qui, elle aussi, joue sur les deux tableaux – arrosant le parti au pouvoir et planquant une partie de son magot dans quelques paradis fiscaux -, on se dit que le mélange des genres et le conflit d'intérêts sont à leur comble. Comment imaginer, dès lors, que l'homme à la double casquette soit chargé de faire avaler la pilule amère de la réforme de la retraite aux syndicats, vent debout contre, et à une population qui s'y oppose très majoritairement? Au sentiment d'injustice ne pourrait que se greffer le sentiment d'écœurement. Dans le climat économique morose, ce cocktail pourrait bien être explosif.