Nicolas Sarkozy est à mi-chemin dans l'accomplissement de son premier mandat. Deux ans et demi, c'est court, mais cela paraît déjà extrêmement long. Il y a une promesse que le président a tenu: celle de la rupture. Dans le style, tout le sépare de son prédécesseur: son interventionnisme permanent sur tous les sujets (Chirac n'intervenait publiquement que dans les grandes occasions), l'absence d'autorité du Premier ministre (alors que Raffarin et Villepin en avaient), l'obsession de la communication (qui existait déjà avant, mais dans des proportions moindres), sans compter l'affichage de la vie privée (alors que l'ancien président se faisait discret...).
Mais il y a aussi le fond. On pourrait ainsi faire la liste des promesses tenues – elles sont nombreuses – et celles complètement oubliées. J'en citerai deux, emblématiques: la défense du pouvoir d'achat des Français (pas brillant, et ce avant même le début de la crise financière) et la fin de la Realpolitik en politique étrangère. Avec les Russes, les Chinois et les dictateurs africains (regardez l'épisode tragico-comique au Gabon), le président oublie allègrement la question des droits de l'homme. Business is business... On aimerait entendre un peu André Glucksman qui s'était rallié à Sarko sur cette question. Le seul pays avec lequel l'Elysée maintient un discours dur est l'Iran. Comme s'il fallait faire plaisir aux sionistes les plus exaltés qui y voient le nouveau péril mondial.
Ce qui me semble le plus intéressant à analyser, c'est la méthode Sarkozy. L'idée sous-jacente du Président, c'est qu'on ne fait pas d'omelette sans casser des oeufs, autrement dit que rien n'est possible dans ce pays si on n'y va pas franchement. On arrive à une situation où toute réforme passe par une phase de démolition de l'acquis. Pour supprimer le juge d'instruction, on monte en épingle diverses affaires dont celle d'Outreau ou la remise en liberté de tel ou tel malade sexuel. Au lieu de s'interroger sur la responsabilité des uns et des autres dans ce grand scandale judiciaire - y compris celle du parquet et le juge des libertés publiques - au lieu de renforcer l'accompagnement psychologique des délinquants sexuels pour réduire le risque de récidive, on émet des propositions simplistes (la castration chimique), on brandit un bouc-émissaire, on dénigre toute une profession, laquelle se sentant agressée se défend, ce qui donne prise à l'accusation de corporatisme.
Le même procédé a été utilisé vis-à-vis des enseignants, des fonctionnaires, des étrangers mais aussi des élus locaux qu'on accu
se de faire flamber les impôts locaux pour mieux leur imposer une réorganisation hasardeuse (ce qui expliquent la fronde de deux anciens premiers ministres, Raffarin et Juppé). Cette brutalisation du corps social pose question car le pays rumine ses inquiétudes, ses peurs. Le pouvoir central en rajoute une louche en se croyant tout permis, comme l'a prouvé l'affaire Jean Sarkozy.
Cette violence du pouvoir vis-à-vis de la société pose problème à trois niveaux. D'abord, elle a tendance à compliquer l'avancée des dossiers. Sur la taxe professionnelle, personne ne sait aujourd'hui quel régime fiscal s'appliquera aux collectivités locales. Cette méthode qui entendait accélérer les décisions risque au contraire de les ralentir.
D'autre part, cela provoque des réactions violentes voire désespérées de la part de ceux qui sont agressés dans leur métier, dans leur identité. Les syndicats partisans de la négociation (la direction de la CGT, la CFDT) sont affaiblis en interne et en externe (SUD a le vent en poupe). La situation dans les quartiers populaires devient très lourde avec la mise au chômage de milliers d'intérimaires et la clémence de la justice vis-à-vis de comportements violents de certains policiers. Le politique qui devait mettre de la cohésion, faire du lien entre des groupes souvent en opposition a tendance à accentuer les divisions, à souffler sur les braises.
Enfin, l'affaiblissement voulu par l'Elysée de tous les contre-pouvoirs (syndicats, juges, presse) aboutit à une sorte de désert social et politique. Le sens du collectif s'efface grandement, chacun essaye de protéger ce qui peut l'être encore, tout le monde a peur de l'avenir. Dans ce contexte, le populisme est exacerbé. Un candidat exaltant le ras-le-bol des élites et du parlementarisme, la province contre Paris, ceux qui travaillent contre ces fainéants de chômeurs pourrait ramasser la mise en 2012.
Alors Sarkozy et son entourage sont-ils conscients de ce risque? Difficile de répondre. Mais de deux choses l'une. Soit ils jouent avec le feu sans le savoir et il serait temps de se réveiller. Soit ils préparent ainsi le terrain pour la réélection de Sarkozy. Celui-ci pourrait prendre à témoin le pays des blocages et des privilèges des uns et des autres (y compris ceux des grandes fortunes?) pour proposer une méthode forte permettant de nettoyer la France. Le premier charter d'Afghans, la remise sur le tapis de l'identité nationale et la volonté de réprimer les mineurs dits délinquants laissent craindre que la tentation populiste taraude le pouvoir central.
sûr, tout le monde a en tête l'incroyable projet élyséen de mettre à la tête de l'Epad le fiston Jean. Qu'il n'ait que 24 ans n'est pas tellement le problème (sinon, c'est une prime à la gérontocratie), qu'il n'ait pas réussi à empocher le moindre diplôme universitaire n'est pas suffisant pour le disqualifier (les diplômes ne font pas forcément de bons politiques), mais qu'il n'ait que deux ans d'expérience politique – comme conseiller général d'un territoire qui ne fait pas partie du périmètre de l'Epad – est gravement problématique. On a peine à croire qu'un jour, le fiston se soit réveillé un matin en se disant à ce jeune épouse : « chérie, que dirais-tu si je devenais président de l'Epad ». L'idée vient assurément, si ce n'est du président, du moins d'un conseiller du château qui a voulu se rendre intéressant auprès du grand-chef. Que personne ne lui ait dit que cette nomination acadabrantesque du fils à papa à la tête du plus grand centre d'affaires européen risquait de choquer les Français de droite comme de gauche montre que l'esprit de cour a remplacé le sens politique.
Maintenant que la tourmente médiatico-politique autour de Frédéric Mitterrand semble s'apaiser, il nous faut réfléchir à la signification de cet « événement ». Pourquoi une affaire d'ordre privée envahit-elle une fois encore le débat politique, au point où tout le monde est sommé de répondre à la question : « oui ou non, doit-il rester au gouvernement? » (personnellement, je suis « sans opinion »)?
de la bêtise revient sans doute à Alain Finkielkraut. Lui le pourfendeur de la modernité béate, en vient à affirmer qu'à 13 ans, la fille avec qui le cinéaste a eu des relations sexuelles « n'était plus une enfant ». Ah bon!
urope, on savait déjà que la France soutenait l'actuel président de la Commission, Jose Manuel Barroso, qui n'a pas contribué à améliorer l'image de l'Europe dans l'opinion publique. Voilà que le gouvernement français s'adjoint les services de Pierre Lellouche, spécialiste des questions de défense et atlantiste avéré. On doute - mais on aimerait avoir tort – que le nouveau secrétaire d'Etat aux questions européennes (le troisième en deux ans!) se battent beaucoup pour affirmer la voix autonome de l'Europe. Le maintien au Quai d'Orsay de Bernard Kouchner, lui aussi grand ami de l'Amérique, confirme que la volonté gaullienne d'une voix originale de la France est bel et bien enterrée.
le, la super-prise s'appelle F. Mitterrand (F comme Frédéric). On ne sait rien des projets du nouveau ministre de la Culture, de sa réflexion par rapport à la loi Hadopi, inapplicable et vidée de sa substance par le Conseil constitutionnel, mais on imagine sans peine le plaisir intense de Nicolas Sarkozy à intégrer un Mitterrand dans son tableau de chasse. Lequel tableau de chasse est finalement assez maigre. Pas de socialiste, actuel ou repenti (Claude Allègre devra encore patienter), pas d'écologiste, pas même un radical de gauche, malgré les attentions du chef de l'Etat à leur égard. Simplement, l'arrivée d'un responsable du MoDem, le sénateur Michel Mercier qui avait déjà pris ses distances à l'égard de Bayrou. Pour amuser les journalistes, on a fait entrer une médecin d'origine algérienne, Nora Berra, dans
un nouveau secrétariat d'Etat aux Ainés (là aussi, même interrogation: quelle projet vis-à-vis des troisième et quatrième âges?). Mais elle n'aura pas la visibilité d'une Rachida Dati dont le ministère échoit à l'exfiltrée de l'Intérieur, Michèle Alliot-Marie (dont la longévité gouvernementale est exceptionnelle, n'ayant pas quitté le pouvoir depuis... 2002). On a également promu un jeunot de 39 ans, Benoist Apparu (Logement et urbanisme). Ces nouvelles figures permettront à Paris Match de nous proposer quelques beaux reportages pour faire oublier que l'ouverture, réelle ou tronquée, des premiers mois est bien derrière nous.
nement a été composé pour placer sur bonne orbite Nicolas Sarkozy en vue de 2012. Ceux qui n'auraient pas compris cela devront méditer sur le sort de Rama Yade, rétrogradée aux Sports – ce qui a permis de sortir le calamiteux Bernard Laporte – pour avoir résisté à la volonté de l'Empereur Sarkozy. Elle n'a dû son maintien au pouvoir qu'à la très bonne image qu'elle a dans l'opinion publique. Ce gouvernement, comme tant d'autres, ne répond pas à des critères de compétence et de talent, simplement à la recherche d'une belle image, d'un beau casting. Certains diront d'ailleurs, non sans raison, que toutes les décisions étant prises à l'Elysée, autant avoir des visages sympathiques à présenter pour exécuter la volonté impériale.