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Présidentielle 2012 - Page 4

  • Hollande / Sarkozy : le match peut commencer

    Voilà donc la campagne réellement lancée avec l'acte de candidature posé par le Président de la République pour un second mandat. Remarquons que le fait d'avancer d'un mois l'annonce de hollande-sarkozy.jpgcette candidature (initialement, le calendrier prévoyait une campagne courte, sur le thème : « Le Président gouverne jusqu'au bout ») traduit une inquiétude sérieuse à l'UMP et dans les cercles élyséens. Le fait que les sondages pronostiquent invariablement un avantage sérieux de François Hollande au premier comme au second tour n'est pas pour rien dans ce qui ressemble à de la précipitation. Le pari de Nicolas Sarkozy est aussi simple que risqué : occuper le terrain massivement pour reprendre la main et stopper nette la domination du candidat socialiste. Ce faisant, le Président sortant donne le sentiment de ne plus être maître de son destin et de devoir pédaler de façon outrancière pour rattraper son retard. De quoi, une fois encore, brouiller l'image sereine et apaisée qu'il entendait – à son corps défendant – imprimer à sa candidature.

    A moins de dix semaines du premier tour de la présidentielle, essayons d'examiner les atouts, mais aussi les fragilités, des deux favoris, au regard de l'état de leur corpus idéologique et de la concurrence électorale qu'ils doivent affronter.

    FRANCOIS HOLLANDE

    Incontestablement, son début de campagne a été plutôt réussi. En termes de calendrier, il n'a rien changé alors même que les commentateurs, toujours un peu frénétiques, s'interrogeaient en Hollande 2012.jpgdécembre dernier sur un essoufflement possible. L'homme que d'aucuns disaient, de façon assez méprisante, inexpérimenté prouve dans cette campagne une maîtrise des événements et des nerfs que le camp d'en face doit envier. François Hollande a également su se tenir dans une bonne distance avec le Président en évitant de répliquer à chacune de ses attaques depuis un mois où la vraie-fausse campagne de Sarkozy est engagée. Il est apparu comme un candidat tranquille, sûr de lui, sans être arrogant et de ce point de vue-là, il offre un sérieux contre-modèle au candidat sortant qui pense, à tort, que créer un événement par jour va le réconcilier avec les Français.

    Même s'il fait figure de favori, François Hollande n'est pas exempt de fragilités davantage autour de son programme que de sa personnalité. Car, tout de même, qui peut croire que le dauphin de Lionel Jospin qui a dirigé le principal parti d'opposition pendant une dizaine d'années n'ait pas la capacité de gérer le paquebot France? Il lui faudra sans doute quelques semaines pour être parfaitement « au jus », mais faire croire aux Français que cela peut être un handicap lourd pour le pays est non seulement peu crédible, mais est potentiellement contre-productif pour la droite. Deux grandes questions entourent le projet Hollande :

    1/ A-t-il un vrai destin à proposer aux Français ?

    François Hollande parle régulièrement de rêve français mais quel contenu lui donne-t-il ? On a souvent le sentiment qu'il suffirait de rétablir en le rafraichissant quelque peu le modèle républicain classique - que le Président sortant aurait soigneusement détricoté - pour s'en sortir. Si la critique est assez juste, elle oublie de dire que ledit modèle était gravement en crise quand Nicolas Sarkozy a pris le pouvoir. Vouloir remettre une bête malade dans l'état où elle était en 2007 n'est pas un projet très convaincant. Vouloir rétablir « l'égalité des chances », par exemple en mettant plus de moyens (emplois, école...) dans les quartiers défavorisés, n'a de sens que si les inégalités ne sont pas aussi criantes qu'elles le sont aujourd'hui. Sinon, cela se résumera mettre un pansement sur une jambe déjà gangrénée. Même si la période ne se prête pas à toutes les innovations possibles, François Hollande devra identifier les leviers qu'il souhaite activer pour changer la donne.

    De même sur la question écologique complètement escamotée dans cette campagne (le choix de la candidate d'Europe écologie les Verts n'y est pas pour rien), François Hollande devra indiquer si c'est un vrai vecteur de changement politique ou si c'est un simple gadget pour séduire un électorat écologiste en déshérence. La question du nucléaire ne peut résumer l'équation environnementale et on aimerait que Hollande soit un peu plus explicite sur ce qu'il entend faire pour accompagner la mutation écologique de la France.

    2/ Aura-t-il les moyens de ses ambitions ?

    Du haut de ses 80 balais bien tassés, Michel Rocard a une fois encore soulevé un lièvre. Les prévisions de taux de croissance sur lesquelles le programme socialiste (notamment les créations de poste dans l'éducation nationale et le désendettement français) a été établi seraient exagérement optimistes. Il n'est pas le seul à jouer ce petit jeu dangereux, mais en l'occurrence, ce classique est particulièrement dangereux par les temps qui courent. Que ferait-il si la récession s'installait durablement en France et en Europe, si les taux d'intérêt s'envolaient suite à la dégradation de la note de la France ? A-t-il un plan B et dans ce cas-là, pourquoi n'en parle-t-il pas ? Certes, on peut comprendre qu'un candidat à l'élection suprême ne souhaite pas se présenter en « apporteur de mauvaises nouvelles », mais ne risque-t-il pas de semer de nouvelles désillusions ? La situation en Grèce montre la fragilité de nos démocraties dans lesquelles le pouvoir national joue parfois un rôle de figurant. Le bon score prévisible de Jean-Luc Mélenchon devrait d'ailleurs compliquer la donne pour François Hollande qui va devoir gauchir son discours pour rassembler au second tour, sans pour autant décrébiliser sa candidature et faire paniquer les fameux marchés.

     

    NICOLAS SARKOZY

    L'équation pour le Président sortant est encore plus compliquée. Pour justifier sa nouvelle candidature, il indique vouloir continuer le travail accompli pendant cinq ans. Sauf que le jugement sarko candidat.jpgdes Français sur son bilan quinquennal est très négatif, y compris dans les domaines où il semblait exceller, comme la sécurité. L'argument est donc à double tranchant et il devra s'en méfier s'il ne veut dévisser dans les sondages.

    L'argumentaire très identifié à droite (valeur travail, immigration...) qui a été mis en avant dans l'interview-programme donnée au Figaro magazine a pour objectif d'aller repêcher des voix en déperdition chez Marine Le Pen. Il serait plus utile que le candidat fasse un bilan crédible de son action en n'omettant pas les zones d'ombre. La volonté de braconnage de Nicolas Sarkozy sur les terres frontistes est doublement risquée. D'une part, elle réinstalle Le Pen au centre du débat en légitimant une partie de ses thèses (voir les déclarations du poisson-pilote Guéant) et lui donne une occasion de rebondir. La très fûtée Marine Le Pen aura beau jeu de dire que Nicolas Sarkozy ne va pas au bout de la logique souverainiste, à savoir la remise en cause de la zone euro et du « libre-échangisme mondialisé ». Dans ce contexte, le Président sortant prend le risque de faire remonter le score du FN qui pourrait d'ailleurs venir concurrencer sérieusement le candidat soutenu par l'UMP. Risqué pour le premier tour ! Quant au second (tour), il va être beaucoup plus compliqué de récupérer une bonne part des voix centristes effrayées par les appels du pied en direction de l'extrême droite.

    Sans doute, les spin doctors qui entourent le Président sortant ont-ils quelques cartouches en réserve pour faire décoller la candidature de leur poulain. Ils vont en tout cas vouloir nous en persuader. Mais dans ce jeu de poker-menteur qui se déploie actuellement, il n'est pas sûr que l'équipe qui phosphore dans le vase-clos élyséen n'envoie pas dans le mur le combattant opiniâtre, mais parfois peu lucide, qu'est Nicolas Sarkozy.

  • Est-ce ainsi qu'il peut gagner ?

    Il a joué son va-tout lors de cette émission télévisée du 28 janvier qui a connu une audience-record. Il a fait feu de tout-bois, confirmant les diverses mesures dont il avait esquissé les contours Sarkozy télé.jpgdepuis début janvier. On ne sera pas surpris d'apprendre que le taux le plus élevé de TVA devrait augmenter en échange d'une exonération des charges patronales sur les cotisations familiales ; que la CSG sur le capital va augmenter ; qu'une taxe sur les transactions financières devrait être instituée ; que les pénalités pour les entreprises ne prenant pas assez de jeunes en apprentissage devraient croître considérablement...

    Toutes ces mesures ne peuvent être balayées d'un revers de la main ; en tout cas, elles devraient susciter le débat. Il n'est pas complètement illogique de s'interroger sur le fait que la protection sociale est assise essentiellement sur le travail. Cette mesure serait cependant plus acceptable si les cotisations des salariées étaient amenées, elles aussi, à baisser. D'autant que la hausse de la TVA dite sociale ne sera pas neutre pour le pouvoir d'achat de ces mêmes salariés. Quant à la taxe Tobin, il est difficile de s'élever contre une mesure que les altermondialistes réclament depuis une dizaine d'années, et qui suscitait les quolibets d'une bonne partie de la droite, dont un certain... Nicolas Sarkozy.

    Ce n'est tant les conversions inavouées du Président qui suscitent interrogation et scepticisme que l'absence de méthode présidentielle et ce sentiment d'une improvisation permanente, de cette capacité, à la longue usante, de prendre tout le monde à contre-pied. Deux éléments étayent ce sentiment.

    D'une part, il est tout de même curieux de s'engager sur un vrai programme présidentiel alors qu'on se déclare toujours en exercice pour un mandat qui se termine en mai. Comment peut-il engager le pays dans de grands chantiers alors qu'il n'est officiellement (toujours) pas déclaré candidat à sa réélection ? Il y a quelque chose de choquant à vouloir faire voter en février (est-ce possible d'ailleurs ?) une réforme de la fiscalité et du financement de la protection sociale qui engage forcément le prochain mandat présidentiel et qui d'ailleurs s'appliquerait cet automne. A vouloir accélérer le rythme à un moment où il s'apprête à ne plus avoir la main, Nicolas Sarkozy préempte le débat politique. Car de deux choses, l'une : soit il est en campagne et il a le devoir de tracer des perspectives pour la période 2012 - 2017 ; soit il ne l'est pas encore (comme il l'a redit ce dimanche) et alors il doit se contenter de balayer l'horizon pour les trois mois à venir et si possible esquisser un premier bilan de l'action. Là encore, il participe à la grande confusion politique qu'il a (involontairement ?) contribué à aggraver et dont Marine Le Pen fait son miel.

    L'autre reproche majeur concerne la méthode qu'il utilise envers les partenaires sociaux. Aprèsleaders syndicaux.jpg avoir organisé un pseudo sommet social (puisqu'il s'agissait d'une consultation et aucunement d'un moment de co-construction des politiques sociales et économiques), voilà que le Président les convoque à une négociation expresse (moins de deux mois) pour détricoter une partie des acquis sociaux, notamment en termes de temps de travail. L'argument de la compétitivité - qu'on sert aux salariés depuis une dizaine d'années avec des résultats économiques peu convaincants - est bien dérisoire par rapport au risque de régression sociale. Comment le Président de la République peut-il appeler "négociation" ce qui ressemble davantage à un marché de dupes ? Et puis, l'idée de court-circuiter l'échelon des branches pour les négociations pour tout concentrer sur les entreprises a le double inconvénient d'accentuer les inégalités entre salariés (ceux qui ont les statuts les plus protégés sont aussi ceux qui ont généralement des syndicats puissants) et de priver les organisations d'une vraie capacité de négociation.

    Dans ces conditions, Nicolas Sarkozy sait qu'il va se heurter à une opposition ("idéologique", dit-il de façon très provocatrice) des syndicats et donc cristalliser une nouvelle situation conflictuelle. Outre qu'il n'est peut-être pas nécessaire de se mettre encore plus à dos les syndicalistes - dont l'influence reste non négligeable -, la nécessité de rassembler le pays si on veut le placer en position de bataille est une nouvelle fois affaiblie. 

    Il sera dit que jusqu'au dernier instant, Nicolas Sarkozy se battra pour renverser la vapeur ; que sa combativité est indéniable et même exceptionnelle. Mais il sera dit également qu'il a vraiment du mal à comprendre pourquoi la France se sent si souvent brutalisée par ses coups de menton permanents et son incapacité à composer, à trouver des compromis avec ceux qui ne pensent pas comme lui (les syndicats, associations d'élus, magistrats, etc.) mais dont le rôle est essentiel pour préserver une cohésion nationale qui n'a pas été depuis longtemps autant fragilisée.

  • Sarko : « la fin du AAA peut me tuer »

    A cent jours du premier tour de la présidentielle, le nouvelle ne pouvait pas tomber plus mal. La France a vu sa note auprès de l'une des trois grandes agences de notation internationale rétrogradée d'un cran. Voici peu, le président français avait confié que ce type de décision était de nature à lui faire perdre l'élection présidentielle. Rien n'est moins sûr (tout comme l'inverse ne l'était pas non plus), mais les choses se compliquent sérieusement pour lui.

    Ce n'est pasnicolas sarkozy,françois bayrou,françois hollande,marine le pen tant les conséquences de cette décision (avec un probable renchérissement du coût de l'argent sur les marchés internationaux) qui vont peser sur la campagne. Les effets ne devraient pas se faire sentir immédiatement, d'autant que les autres agences n'ont, pour l'instant, pas modifié leur appréciation. Ce qui pèse lourdement, c'est l'incidence psychologique de cet avertissement sérieux adressé à la situation budgétaire française. On peut évidemment contester – non sans raison – la pertinence des notes données par ces agences qui se sont plus d'une fois trompées et qui échappent curieusement à toute évaluation (celles qui s'égarent lourdement devraient voir leur note sérieusement écornée...). Mais cela n'a absolument pas été le discours et la stratégie suivis par l'exécutif français qui, depuis un semestre, a calqué toutes ses décisions sur le regard que risquaient de porter les nouveaux manitous de l'économie mondiale. Une réforme comme celle de la dépendance – au demeurant incomplète et critiquable - a été enterrée, entre autres parce que son coût allait donner un mauvais signal aux marchés.

    Eh bien tant de prudence a été mal récompensée. Bien entendu, on ne connait pas les raisons précises qui ont conduit Standard & Poor's à déprécier la note de notre pays. Ce qui est clair, en revanche, c'est que cela donne un sérieux avertissement au pouvoir. Etant pieds et mains liés au bon vouloir des agences, le gouvernement français se trouve complètement démuni pour réagir et trouver une parade efficace. de son côté, le citoyen lambda ne peut qu'être désorienté par le discours à géométrie variable de ses gouvernants. A l'automne, il fallait coûte que coûte engager la guerre contre l'endettement public – alors que cette idée, portée notamment par François Bayrou, avait été si longtemps combattue. L'obligation de ne pas froisser ces fameux marchés était l'argument béton pour justifier le refus de tout investissement public (alors que voici deux ans, le grand emprunt devait financer la relance de l'économie). Depuis décembre, alors que la dégradation de la note française était attendue, le ton a changé : ce n'était plus un drame ! Les agences, tout d'un coup, n'avaient aucune légitimité pour juger la France ! Et puis, l'accord européen (sans les Britanniques) allait nous permettre de résister aux assauts des marchés... Las !

    La stratégie élyséenne est plus fragilisée que jamais. Nicolas Sarkozy peut-il encore se présenter comme un président protecteur -alors que la voie Hollande serait celle d'une aventure risquée – quand une agence de notation exprime ses réserves sur la fiabilité de notre stratégie? Va-t-il être celui qui nous protégera de l'impérialisme des agences ? Mais comment et pour faire quelle politique? Dans cette affaire, le crédit du chef de l'Etat est sérieusement entamé. Non parce qu'il serait à lui seul responsable de la dégradation de la note française. La situation inquiétante du marché du travail et l'envolée des chiffres du chômage sont des éléments autrement plus inquiétants pour la vie des Français au quotidien.

    Dans cette affaire, ce qui peut lui être reproché, c'est cette absence de vision à moyen terme, ou plutôt cette succession de stratégies plus ou moins bricolées. Le "bougisme" du président se retrouve également dans les (non) choix politiques. Un jour, on mobilise le ban et l'arrière-ban pour dire « sus à la dette ». Quand on constate l'échec de cette stratégie, on reprend un outil défendu pendant des années par le mouvement altermondialiste, la taxe Tobin, sans convaincre de la possibilité de le mettre en oeuvre dans des délais si courts. Et puis, on fait du pâle Churchill en annonçant du sang et des larmes, ou plutôt en se lançant dans l'aventure – à tous égards – de la TVA sociale. Un peu de protectionnisme et beaucoup de prélèvements... voilà le soldat Sarkozy remonté sur son cheval.

    Deux jours après le coup de Trafalgar, on ne sait même pas si le TT (Tobin + TVA) va résister longtemps à la fin du AAA ou si les conseillers de Sarko vont nous sortir une nouvelle idée lumineuse de leur chapeau . Ce qu'on sait seulement, c'est que les deux challengers de la présidentielle (Bayrou et surtout Le Pen) sortent renforcés de cet épisode. Le premier parce qu'il peut entonner son discours d'unité nationale après avoir justement pointé le risque de notre surendettement. La seconde parce qu'elle ramasse toujours une bonne partie de la mise lorsque l'incertitude grandit. Elle se nourrit du climat anxiogène qui saisit semaine après semaine notre pays (il ne manque plus qu'un ouragan pour que la barque soit pleine...).

    Il n'est panicolas sarkozy,françois bayrou,françois hollande,marine le pens sûr que ceux qui pourraient voter pour elle croient en l'efficacité de sa mesure-phare : la sortie de l'euro. Mais ils se retrouvent peu ou, prou dans cette envie qu'ont de plus en plus de Français de dire « merde » au système, de renverser la table. Avec son côté « copine-sympa-franche-du-collier », Marine Le Pen se pose en recours face à des discours techno et girouette. A cent jours du premier tour, elle est en passe de talonner le président actuel (les intentions de vote minimisent systématiquement le vote FN, donc il faut toujours ajouter 2 à 3 points). Au lieu de taper de façon quasi-obsessionnelle sur le candidat Hollande qui fait la course en tête, les snipers de l'UMP auraient tout intérêt à comprendre que la menace pour que Nicolas Sarkozy soit présent au second tour s'appelle Marine Le Pen. A bon entendeur...

  • Le « cadavre du sarkozysme » bouge encore...

    Pour le président Sarkozy, le coup de tonnerre de l'annonce de la candidature de Dominique de Villepin est dominique de villepin, nicolas sarkozyune très mauvaise nouvelle. Non pas parce que l'ancien Premier ministre serait susceptible de perturber gravement le score de Sarkozy au premier tour (on peut même penser qu'il pourrait capter principalement des voix qui se porteraient sinon sur Bayrou, Le Pen ou se réfugieraient dans l'abstention), mais parce que sa présence au scrutin majeur de la vie politique remettrait en selle les fantômes de la droite.

    Dominique de Villepin est très encombrant pour l'UMP car il est au coeur d'une quinzaine d'années de divisions et de coups tordus à droite. Sa querelle avec Sarkozy n'est pas liée à la présidence depuis 2007, ni même à la période 2005-2006 où Villepin fut le chef de l'exécutif – contesté en permanence par son ministre de l'Intérieur. Tout remonte à 1995 où, l'on se rappelle, Sarkozy choisit le mauvais cheval (Balladur) alors que Villepin était déjà dans le sillage de Chirac. Tout le travail de Sarkozy fut de revenir dans le jeu, de sortir de son statut de « traître » et d'âme damnée de la droite.

    Il y a réussi merveilleusement en se faisant passer pour indispensable, d'abord en venant à la rescousse de Philippe Séguin qui avait abandonné la tête de liste aux européenndominique de villepin, nicolas sarkozyes de 1999, puis en conquérant l'UMP après la sortie de route d'Alain Juppé, condamné sur l'affaire des emplois fictifs de la ville de Paris (déjà). Il est apparu aux yeux d'une opinion de droite fatiguée par le style de plus en plus « rad'soc » (radical-socialiste) du Président Chirac comme une alternative dans le même camp. Sans cela, la droite n'avait aucune chance de garder le pouvoir en 2007. D'ailleurs, une grande partie du malentendu entre Sarkozy et l'opinion publique vient de cette stratégie séduisante sur le papier, mais porteuse de bien des malentendus...

    L'homme qui pouvait s'opposer à ce captage d'héritage par l'élément le plus turbulent n'était autre que Dominique de Villepin. Il a gravement échoué pour des raisons qui tiennent d'abord à sa personnalité incompatible avec les traits de la classe politique. Il a rebondi à l'occasion du procès Clearstream où l'incapacité congénitale du Président à respecter les principes de droit (notamment la présomption d'innocence) lui a fait endosser des habits un peu trop étroits de victime qui plaisent tant à l'opinion publique française. La volonté de faire exister un mouvement autonome « République solidaire » dont il s'est ensuite fort curieusement éloigné, ne s'est appuyé sur aucune stratégie claire et sur aucune dynamique collective. Si bien que la plupart de ses soutiens l'ont quitté les uns après les autres, soucieux de ne pas être marginalisés politiquement et de ne plus avaler des couleuvres d'un homme d'abord mu par ses propres passions.

    Ces derniers mois, des fils avaient été retissés entre les deux frères ennemis de la droite de ce début de siècle, mais pour des raisons complexes (volonté de faire diversion par rapport à des affaires qui le menacent, volonté de revanche, ennui personnel...), il a décidé le 11 décembre dernier de ne pas en tenir compte en annonçant sa candidature. Contrairement à une opinion répandue, il me semble peu probable qu'il abandonne sa course vers l'Elysée (sauf à ce qu'il ne rassemble pas les 500 signatures d'élus nécessaires). 

    Les raisons de cet entêtement à se présenter pour un résultat très hypothétique tiennent, à mon avis, davantage à la psychologie de Villepin qu'à une stratégie politique visionnaire. Celui-ci doit savoir que son avenir politique est très fragile. Si Sarko se succède à lui-même, il sera défintivement banni à droite (puisqu'il aura tenté de lui barrer la route). Et s'il échoue, la droite se passera de lui pour sa recomposition. Nous sommes davantage dans l'optique d'un chevalier qui entend laver son honneur politique dans un duel au sommet, que dans celle d'un homme qui entend reconstruire autour de lui.

    Qu'importe les peaux de banane (autour de sa fortune, de son activité d'avocat auprès de dirigeants étrangers peu recommandables...) qu'on va méthodiquement mettre sous ses pieds pour le faire tomber ! Lui convoquera les mânes de la culture française, se moquera de l'absence de souffle d'un Président qui a trop longtemps cru qu'il était le patron de « l'entreprise France ». Même seul, même privé de soutiens logistiques, il entendra emporter dans sa chûte celui qui a été son pire cauchemar depuis 15 ans, Nicolas Sarlozy. Ceux qui rigolent davance sur l'issue d'un combat inégal devrait se méfier. Si Villepin a souvent échoué politiquement, il connait la force des mots dans notre pays ! Lui ne s'encombrera pas de chiffres et de démonstrations, il essaiera de parler à l'âme républicaine de ce pays qui est loin d'être éteinte...