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Présidentielle 2012 - Page 7

  • Les écolos se sont-ils tirés une balle dans le pied ?

    Europe Ecologie Les Verts (EELV) a-t-il eu raison de se passer des services de Nicolas Hulot? Autreva joly,nicolas hulot,europe écologie les vertsement dit, les militants et sympathisants qui se sont exprimés en juin pour désigner leur porte-drapeau lors de la présidentielle de l'an prochain ont-ils fait le bon choix? Alors que le courant écolo fait sa rentrée lors de la sa traditionnelle université d'été, la question doit être posée, même si évidemment la réponse n'est pas aisée à huit mois de l'échéance.

    Pour quelles raisons l'ancienne juge franco-norvégienne Eva Joly lui a été préférée? Difficile de démêler ce qui relève des qualités de la première et des erreurs du second, mais il apparaît clairement que Hulot n'avait pas le profil-type pour plaire à la base électorale d'EELV. Il est trop « mouillé » avec la chaîne honnie, TF1, a développé des activités lucratives autour de son émission vedette... Passe encore, mais surtout il n'est pas vraiment « écologiquement correct ». eva joly,nicolas hulot,europe écologie les vertsSon avis nuancé sur le nucléaire (même s'il a durci ses positions depuis Fukushima), ses amitiés à droite (Chirac, Borloo) et son absence de militantisme dans l'organisation ne plaident pas en sa faveur. A contrario, le profil ultra-engagé contre les puissants du monde, les accents moraux, sans oublier sa bonne connaissance des réseaux locaux (elle a sillonné le pays pendant des mois) ont constitué des atouts de poids pour Eva Joly.

    Les militants ont donc choisi la solution la plus sure pour la campagne, celle qui appliquera le mieux les consignes de l'appareil. Avec Eva Joly, déjà aguerrie à la chose politique depuis son élection en 2009 au Parlement européen et surtout habituée aux rapports de force dans ses habits de juge, les risques de sortie de piste sont assez faibles alors qu'ils ne manquaient pas avec l'ex-animateur télé. Joly est déjà un « animal politique » que ne sera jamais Nicolas Hulot. Dans le contexte d'une formation qui préfère le tumulte à la sérénité, la solution de confiance incarnée par la candidate est précieuse.

    Pour autant, ce qui est bon pour l'appareil et ses fragiles équilibre de pouvoir l'est-il pour la cause qu'il s'agit de défendre? Là, il est permis d'être dubitatif. Quel sera, en effet, le contexte dans quelques mois? Au vu de la gravité de la crise liée à la dégringolade estivale des cours de la Bourse et la fragilisation de la zone euro, il est fort probable que l'attention sera monopolisée par les dimensions économiques et sociales. Et quel sera le grand oublié, le cocu de l'histoire? L'enjeu écologique, pardi ! La question du redressement de l'économie mondiale, l'hymne à la croissance vont être sur toutes les lèvres. Dans ce contexte qui pourrait être celui d'une dépression généralisée – surtout si la zone euro ne résiste pas aux assauts de la finance internationale qui veut sa peau -, il sera très difficile de faire entendre l'impérieuse nécessité de repenser notre développement. « On verra cela plus tard », diront les doctes politiques pour qui l'écologie se résume à construire un peu plus de pistes cyclables et à protéger deux ou trois espèces en danger.

    L'avantage que pouvait avoir dans ce contexte difficile pour l'écologie politique une personnalité comme Nicolas Hulot, c'est sa capacité à imposer l'enjeu écologique dans le débat par la crédibilité personnelle et sa notoriété. Quand il parle d'un patrimoine naturel en danger, il sait de quoi il parle!Hulot aurait peut-être pu faire comprendre que l'essoufflement du modèle libéral de mondialisation avait à voir avec l'épuisement de la Terre et que repenser notre rapport aux éléments naturels conduit à réorienter l'économie.

    eva joly,nicolas hulot,europe écologie les vertsBien entendu, Eva Joly va développer cette équation. Mais sa faible crédibilité sur ce terrain environnementaliste, sa popularité encore limitée risquent de l'handicaper grandement. C'est justement parce que Hulot touche ce public qui regarde TF1 et qui n'a jamais voté écolo qu'il pouvait susciter ce sursaut citoyen. Amener l'écologie politique au-dessus de la barre des 10% pouvait changer la donne, obliger le PS à prendre la question écologiste enfin au sérieux.

    Pour secouer les frilosités hexagonales, la posture prophétique – qui n'est pas toujours comprise de prime abord, mais marque les esprits – est préférable à la traditionnelle posture politicienne qui ménage tout le monde. En étant la candidate du plus petit dénominateur commun et la moins encombrante pour l'appareil EELV, Eva Joly prend le risque de ne pas bousculer beaucoup le débat politique (ce n'est pas la polémique, sympathique mais sans grand enjeu, autour du 14 juillet, qui le permettra). Il lui reste cependant quelques mois pour s'émanciper de cette lourde tutelle et incarner cette urgence écologique que tout le monde proclame, mais qui reste sans (grand) effet sur les politiques publiques...

  • Le pourrissement, jusqu'où ?

    Faisons, à regret, un pronostic : l'affaire Strauss-Kahn risque de pourrir jusqu'au bout la présidentielle, et singulièrement la campagne des socialistes. Trois jours après que la Première secrétaire du PS DSK, Martine Aubry, Nicolas Sarkozy(1) se soit déclarée officiellement candidate pour la primaire, des informations publiées par un grand journal américain mettait en avant les contradictions voire les mensonges de la femme de chambre qui accuse DSK de viol. Sur la base de quoi le procureur libérait l'ex-directeur général du FMI sans pour autant abandonner (pour l'instant?) les charges qui sont retenues contre lui.

    Trois raisons expliquent, à mon sens, pourquoi cette affaire trouble va pourrir la vie politique. D'abord, et cela saute aux yeux de tout le monde, le calendrier judiciaire de M. Strauss-Kahn entrechoque celui de la primaire socialiste. Au moment (le 18 juillet) où le tribunal de New-York devra se prononcer sur la suite à donner aux accusations, tous les postulants à cette primaire auront dû se faire connaître. D'où la demande de quelques strauss-kahniens, un peu exaltés, de reporter la clôture des candidats. Proposition idiote car comment caler un processus collectif, vivement attaqué par la direction de l'UMP et compliqué à mettre en oeuvre dans de nombreux départements, sur un destin individuel, aussi exceptionnel soit-il?

    Comment penser que DSK, si tant est qu'il soit lavé de tout soupçon (faut-il le rappeler, nous en sommes encore loin) se déclare, dans la foulée, candidat à la primaire, arrive à obtenir le retrait de Martine Aubry et obtienne un vote majoritaire du million de Français qui pourrait se déplacer en octobre ? Serait-ce d'ailleurs souhaitable ? La campagne de l'UMP en serait facilitée puisque le sexe à gogo et l'argent à profusion de l'ancien député-maire de... Sarcelles seraient brocardés par une droite qui se redécouvrirait morale. Et puis, il est à parier que la campagne se cristallise, au sein de l'électorat de gauche, non sur les propositions du socialiste DSK, mais sur la vie privée de l'homme et sa « consommation » de femmes (n'oublions pas que plusieurs témoignages, difficilement contestables, l'ont présenté autrement que sous les traits du latin lover qui plait tant dans nos contrées méditerranéennes). Sauf à considérer que certains socialistes sont plus importants que d'autres, et que -curieux argument – seul DSK peut battre Sarkozy, il faut banaliser l'affaire DSK, la laisser aux mains de la justice américaine et reparler politique.

    Deuxième raison de ce pourrissement prévisible de la vie politique : la place prise par les révélations sur la vie privée. Je ne suis pas de ceux qui s'offusquent quand on met en cause tel homme qui ne fait pas que tripoter des pieds ou tel autre qui confond un peu trop les caisses de l'Etat et ses propres comptes en banque. Je me demande simplement s'il ne faudrait pas rétablir un peu de hiérarchie de l'info. Cette semaine, par exemple, le chômage (on parle des chiffres officiels dont le calcul est hautement critiquable) est reparti de plus belle. Cela a fait quelques petits titres, mais rien à côté de l'agression, exceptionnelle mais de faible gravité, du Président de la République. Qu'est-ce qui impacte le plus le quotidien des gens ? Un mauvais geste d'un « pov'con » (comme aurait dit, en d'autres temps, sa victime) ou la perte de milliers d'emplois ? Bien entendu, pour savoir le traumatisme d'une situation de chômage, il faut l'avoir vécu dans sa chair ou dans son entourage proche... Les tweets, le buzz sur la Toile et autres inventions, par certains côtés, géniales peuvent-elles porter du débat politique? J'en doute énormément. Le pire est, sans doute, à venir...

    Troisième raison de ce pourrissement possible : le peuple français est de plus en plus réceptif à un discours qui ridiculise la politique puisque celle-ci salirait, serait source de corruption et, finalement, ne servirait pas à grand-chose. Si l'affaire DSK a passionné tant les Français à la fin du printemps, c'est qu'il est de plus en plus sensible à la dimension « trou de la serrure ». Comme la politique a perdu toute majesté, que beaucoup de promesses (du candidat Sarkozy, mais on pourrait parler des deux Présidents précédents pas vraiment exemplaires) sont enterrées après la prise du pouvoir, elle est banalisée comme une vulgaire émission de telé-réalité. Qui a couché avec qui ?, va devenir le jeu très à la mode. Il faut dire que les fréquentes liaisons sexuelles, conjugales ou non, entre politiques et journalistes très en vue, n'incitent guère, dans l'esprit du public, à séparer vie publique et vie privée.

    Après quatre années de présidence Sarkozy, marquées par le triomphe du vulgaire et par l'absence de tout scrupule, la société française hésite entre délectation et écoeurement face à cet étalage. L'actuel Président et futur candidat pourrait en jouer, et c'est peut-être sa seule chance d'éviter la débâcle (car comment s'appuyer sur un bilan aussi maigre?). A la gauche, si elle ne veut pas décevoir une fois encore, d'oublier un peu DSK (il se défendra bien tout seul) et de s'intéresser à ce qu'elle n'aurait jamais dû quitter des yeux : la situation du peuple qui, comme dirait l'autre, a beaucoup souffert et veut plus ne plus souffrir (en tout cas un peu moins).

    (1) Il faudra suggérer à Mme Aubry de conserver son sang-froid, surtout si elle représente l'opposition à M. Sarkozy. Comment parler de « fin du cauchemar » pour DSK alors que l'affaire n'est pas close ? Le terme de cauchemar, cette semaine, sonnait bizzarement: il pouvait s'appliquer aux 18 mois de captivité des otages en Afghanistan, à la situation de ce peuple pris entre les forces occidentales et les talibans, sans oublier, par exemple, la répression intense de la révolte du peuple syrienne... pas à la situation d'un prisonnier de luxe, ne manquant de rien et surtout pas du soutien de ses amis...

  • DSK : drôles de commentaires pour une triste affaire

    En parler ? Se taire ? Ecrire ? Qu’écrire, tellement nous avons été submergés ces derniers jours par un déluge d’images, de déclarations et d’émotions ? Comment rester de marbre face à une Dominique Strauss-Kahn, Martine Aubry, nicolas sarkozyaffaire qui monopolise toutes les attentions, qui alimente toutes les discussions en famille et les conversations de bistro? Alors, en parler, mais pour dire quoi? Essayons juste de proposer quelques éclairages avec le souci de dire ce qui nous semble juste, sans souci du politiquement correct mais sans volonté non plus de salir.

    Quand on me demande si je suis surpris par cette affaire, je réponds en général par la négative. Je ne m'y attendais pas au sens où je ne guettais pas la défaillance de cet homme, mais je ne suis pas franchement surpris. Depuis des années, j'entends, de la bouche de confrères ou de politiques, des allusions, plus ou moins précises, sur les démarches pressantes de l'ancien ministre des Finances envers les femmes, si possible jeunes et jolies. On m'avait ainsi raconté que, pendant ses conférences de presse à Bercy, il était coutumier de faire passer par l'entremise d'un de ses hommes de main – dont on a beaucoup parlé ces derniers temps – des messages adressés à des journalistes femmes, pas forcément les plus moches, pour leur proposer une entrevue en tête à tête au sortir de la conférence de presse. Cela n'en fait pas, pour autant, un violeur, mais cela indique un désir de séduire quasi-compulsif. Plus embêtant pour lui, les témoignages d'une jeune écrivain-journaliste qui l'accuse d'avoir cherché à la violer en 2002 ou celui, plus récent, de la députée PS Aurélie Filippetti envers qui DSK aurait eu des gestes déplacés. Embêtant également, la crainte qu'avait certains rédacteurs en chef à envoyer seule une jeune journaliste pour interviewer cet homme politique. S'agit-il simplement de don-juanisme dont a tendance, sous nos latitudes latines, à affubler tout séducteur même très lourd ?

    Quand j'ai entendu les cris d'orfraie de certains de ses proches – sans oublier la saillie inqualifiable de Jack Lang « y'a pas mort d'homme » -, je me suis dit que ces gens-là se moquaient du monde. Ils savaient que DSK était suspendu à un fil, lié à sa frénésie de sexe, et qu'il pouvait tomber à l'occasion de l'un de ses dérapages. Certes, de façon peu probable en France où l'on a l'habitude d'étouffer telle ou telle sale affaire, moyennant un gentil chèque et/ou de méchantes pressions, mais peut-être dans un pays comme les Etats-Unis où l'on ne rigole avec ce genre de comportements, sans se préoccuper de la position sociale de l'homme incriminé. Souvenons-nous tout de même des ennuis considérables qu'a eus Bill Clinton au sujet d'une liaison consentie avec une stagiaire de la Maison blanche...

    Les proches de DSK savaient que leur protégé était, de ce point-là, un candidat fragile pour la présidentielle, d'autant que Sarkozy ne s'était pas privé de claironner qu'il avait un dossier lourd sur le directeur général du FMI. D'une certaine manière, il vaut mieux que cette triste affaire survienne aujourd'hui avant le lancement des primaires socialistes... Sinon, à quelle campagne aurions-nous pu assister, tellement il est peu probable qu'en la matière, le camp UMP fasse dans la retenue?

    L'autre point qui m'a stupéfait, c'est le dédain affichée pour la présumée victime de DSK. Il a fallu attendre la déclaration sobre de Martine Aubry mardi dernier, pour qu'elle soit citée de façon tout à fait respectueuse. Dans notre pays qui a la passion de l'égalité (dans les discours du moins), on a suggéré qu'une modeste femme de ménage, a fortiori une immigrée africaine vivant dans un immeuble sordide (on ne nous a rien épargné depuis quelques jours) ne pouvait pas détruire la carrière d'un homme aussi puissant que Dominique Strauss-Kahn si elle n'avait pas été envoyée ou payée par d'autres. Et chacun d'y aller dans ses commentaires sur les invraisemblances des faits, tels qu'ils sont rapportés par la presse ou les (puissants) avocats de l'accusé – alors que personne ne connait le fond du dossier dans ses détails et que l'enquête ne fait que commencer.

    Mon propos n'est pas de dire que DSK est forcément coupable parce qu'il est riche, puissant et de gauche. Il est juste d'en appeler à un peu plus de retenue et de ne pas mettre en cause d'office le propos de cette femme, au motif qu'elle serait forcément vénale, manipulable et peu fiable parce que femme de ménage. Cela me rappelle un peu trop le doute qui entoure si souvent les plaintes des femmes battues ou violées, même dans les commissariats. Quand on connait leur compagnon ou mari, surtout s'il est issu de milieux bien éduqués, certains se disent facilement que cela ne lui ressemble pas, qu'il ne peut faire cela. Et bien justement, ce type de violence et de comportement concerne tous les milieux sociaux et toutes les cultures. Le vecteur qui déclenche le passage à l'acte est d'ordre intime et peut difficilement se discerner à l'oeil nu. D'où le ridicule des commentaires entendus ici ou là, témoin d'un mépris de classe et/ou d'une méconnaissance crasse des mécanismes psychologiques à l'oeuvre sous toutes les latitudes.

    Dernier commentaire relatif au monde de la presse. Celui-ci étant au courant des comportements plus que limite de DSK, devait-il enquêter et révéler les débordements de celui-ci? On connait le refrain entonné par beaucoup de confrères respectables, comme Le Canard enchaîné, pour qui il faut préserver la vie privée de tout un chacun, y compris des puissants, et ne pas céder à la spirale régressive de la presse-caniveau qui sévirait outre-Manche et outre-Atlantique. Certes, mais on remarquera que certains titres ont moins d'égards pour le respect de la vie privée de jeunes ou moins jeunes qui habitent des quartiers dégradés ou qui portent des noms-pas-très-catholiques.

    Non, ce qui en jeu, ce n'est pas la fréquentation de boites à partouze ou les nombreuses conquêtes de tel ou tel, mais des comportements d'abus de pouvoir où grâce à une autorité hiérarchique, intellectuelle ou politique, on obtient les faveurs d'une femme (ou d'un homme) qu'on n'aurait pas eues autrement. Cela s'appelle, qu'on le veuille ou non, du harcèlement et c'est vraiment la question qui est posée au monde politique à la suite de cette ténébreuse affaire DSK qui va sans doute prendre la forme d'un feuilleton, palpitant et écoeurant. 

  • Extrême gauche : le choix d'Olivier

    De la semaine politique française, un fait marquant ressort. Non pas la pitoyable polémique autour de la Porsche empruntée par DSK (l'actuel patron du FMI a beaucoup d'amis qui aiment l'argent et qui savent le montrer ; cela ne doit pas être un argument de vente, ce ne peut être un crime de lèse majesté socialiste), mais l'annonce faite par Olivier Besancenot qu'il ne se présenterait pas pour la troisième fois à l'élection présidentielle de 2012.

    olivier besancenot,npaLa décision de l'un des plus jeunes (avec Alain Krivine, son mentor, en 1969) candidats au scrutin majeur de la vie politique est lourde de symboles et d'enseignements. A la différence du candidat socialiste soumis à rude épreuve avec la primaire ou du président sortant dont la candidature pourrait compromettre l'avenir de bien des députés UMP, Olivier Besancenot n'avait aucun souci à se faire pour son investiture par le NPA. Un éventuel échec n'aurait pas eu de conséquence irrémédiable pour les siens (aucune perspective d'élection ne s'annonce pour les législatives qui suivront).

    Olivier Besancenot constitue la meilleure vitrine de ce parti frondeur, « gauchiste » (sans appréciation péjorative) et son profil encore jeune de facteur, au verbe haut, aurait pu faire mouche une fois encore, dans une période où la jeunesse s'interroge sur sa place dans une société française vieillissante et conservatrice. Certains au sein de son parti voudraient le faire reconsidérer sa décision, mais c'est mal le connaître que de penser qu'il puisse se dédire.

    Cette décision, bien entendu, n'est pas sans lien avec les échecs de sa stratégie d'indépendance totale vis-à-vis des autres formations de la gauche de la gauche, notamment lors des scrutins européens et régionaux. Il n'est pas interdit de penser qu'il eut été enclin à reconsidérer sa position si son leadership à gauche du PS était indiscutable. Ce qui n'est pas le cas.

    Ce qu'avance Besancenot pour expliquer son retrait, c'est sa volonté de laisser son parti exister sans sa présence tutélaire. En quelque sorte, il se propose de tuer le fils prodige (à défaut du père) qui encombre son parti. Il a pressenti que son maintien comme candidat du NPA le condamnait à marcher sur les traces d'Arlette Laguiller, candidate à six reprises, et que son succès à chaque présidentielle ne vaut pas adhésion aux thèses de son parti d'extrême gauche, d'inspiration trotskyste.

    L'échec de la transformation de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) en Nouveau parti anticapitaliste, c'est-à-dire l'incapacité à créer une réelle dynamique populaire, est symptomatique de ce déphasage entre le succès d'estime lors des deux dernières présidentielles (4,2 % puis 4,1 %) et l'engagement concret pour faire vivre les idées dites révolutionnaires. Besancenot qui sent bien la société française (est-ce parce que, à la différence des autres leaders, il garde un pied dans le monde du travail?) a compris que sa performance éventuelle en 2012 n'aurait pas d'impact, ou si peu, sur l'influence de son parti.

    C'est évidemment la conception d'un parti (encore léniniste) qui parie sur la construction d'une élite éclairée qui est en cause dans une France hédoniste qui tient à ses RTT non pour s'engager auprès des autres (même si certains le font) mais pour s'inventer un monde meilleur à l'échelle de sa vie. Il est d'ailleurs cocasse que le leader d'un parti révolutionnaire se retire de la scène politique pour vivre davantage sa vie de jeune père de famille et pour retrouver ses potes du rap et du foot, loin des caméras. En même temps, cette décision courageuse (qui, à part Delors en son temps et pour d'autres raisons, a renoncé à se présenter alors qu'il avait un boulevard devant lui ?) et pathétique (d'un échec politique) est encourageante pour ceux qui pensent qu'il existe une vie en dehors de la politique professionnelle. Et que les leaders d'un parti doivent se renouveler régulièrement pour éviter personnalisation excessive et assèchement des idées.