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Présidentielle 2012 - Page 5

  • Comment plomber Eva Joly, mode d'emploi

    Et si Daniel Cohn-Bendit avait eu raison voici un an lorsqu’il avait suggéré à son parti Europe écologie les Verts (EELV) de ne pas présenter de candidat(e) à l’élection présidentielle ?daniel cohn-bendit, eva joly, cécile duflot L’argument de « Dany » était le suivant : cette élection ne correspond pas à la culture politique de la formation écologiste et de toute façon, celle-ci est vouée à ne pas gagner l'élection suprême, tout juste à espérer atteindre la très symbolique barre des 5% ; il vaut mieux dès lors tout miser sur les élections législatives en faisant en sorte de peser sur le programme de gouvernement. Au vu des événements depuis une dizaine de jours et la priorité absolue donnée par l’appareil du parti à la constitution d’un groupe parlementaire, on peut affirmer que « Dany » avait visé juste.

    A quoi a-t-on assisté depuis plusieurs mois, si ce n'est l'accumulation des erreurs pour une stratégie gagnante à la présidentielle. D’abord, on a vu le candidat le plus populaire et le plus étiquetté « écolo », Nicolas Hulot, sèchement renvoyé à ses émissions télé dans le cadre d’une primairdaniel cohn-bendit, eva joly, cécile duflote (lire mon post du 20 août). Lui a été préférée une femme de caractère à la double nationalité - tout comme « Dany » - connue pour ses talents de juge (l’affaire Elf notamment), mais guère pour ses compétences en matière d’environnement. Mais comme Eva Joly apprend vite et qu’elle sent bien le vivier de militants de ce parti, elle a repris à son compte le « catéchisme » des Verts, parti qui s’est construit notamment sur son opposition viscérale au programme électro-nucléaire de la France. Alors même que l’Allemagne a décidé d’oublier l’atome, alors même que le traumatisme consécutif à la catastrophe de Fukushima est encore dans tous les esprits, la candidate écolo pensait que c'était le moment de faire preuve d’intransigeance car le fameux « consensus nucléaire » est en train de se fissurer.

    Problème : l’appareil EELV contrôlé par le duo Duflot-Placé a pour obsession de cdaniel cohn-bendit,eva joly,cécile duflotonstituer un groupe costaud à l’Assemblée, ce qui passe par un accord avec les socialistes qui doivent consentir à leur libérer une soixantaine de circonscriptions. Cette stratégie peut se défendre si on veut peser sur les choix et pour ce faire, éviter, au cas où François Hollande l’emporterait, que les socialistes aient une majorité écrasante à l’Assemblée. Mais dans ce cas-là, pourquoi aller « faire le mariole » à l’élection présidentielle du printemps puisqu’il ne sera pas possible pour ce parti, tenu par un accord de gouvernement, de défendre totalement ses convictions ?

    Si on veut caricaturer le trait, le parachutage de Cécile Duflot dans une circonscription parisienne en or est beaucoup plus stratégique (car elle permet de préparer l’élection municipale en rêvant de chipper la place à Anne Hidalgo) qu’un bon score à la présidentielle. Faire passer le score d’Eva Joly de 4 % à 7-8 % ne change presque rien pour la suite (les législatives) puisque tout est écrit d’avance et le nombre de députés EELV n’en dépend pas (ou à la marge). Il ne s’agit pas ici de nier les aspects novateurs de l’accord PS-EELV, notamment sur la réduction de la place du nucléaire, mais bien de s’interroger sur la cohérence d'une formation qui fait volontiers la morale à la terre entière dans un contexte de discrédit profond des politiques.

    Voilà comment on plombe une candidate nouvelle qui pouvait apporter, quoiqu'on en dise, de l'air frais dans une campagne très franco-française, voilà comment on dégoûte encore une fois des électeurs et militants qui ont cru qu’au moins dans ce parti, la parole politique était sincère. Dans ce contexte, il eût mieux valu écouter Dany et ne pas faire mine de courir deux lièvres à la fois. Ou alors négocier un accord avec le PS dans l’entre-deux tours de la présidentielle après avoir obtenu un bon score. Mais rester au milieu du gué comme le fait EELV, c’est non seulement condamner Joly à de l’équilibrisme (ce qui n’est pas sa spécialité) et affaiblir considérablement les idées que les écolos entendent porter.

     

    PS: Rien à voir avec ce qui précède (quoique): le livre « Le scandale des biens mal acquis » des journalistes Xavier Harel et Thomas Hoffnung (éditions La Découverte) montre formidablement l'envers noir (c'est le cas de le dire...) des campagnes électorales françaises. On espère, sans trop y croire, que cette pratique est vraiment derrière nous et que la redéfinition des relations France/Afrique ne sera pas oubliée lors de la campagne à venir...

  • Hollande : équipe-choc ou auberge espagnole ?

    Sur le front de la présidentielle, cette semaine a été animée par deux évéments d’intérêt inégal en apparence. D’une part, nous avons assisté au feuilleton des négociations entre PS et Europe écologie les Verts (EELV). Tragicomique, serait le mot qui convient le mieux puisque les deux partis ont voulu nous faire croire qu’une absence d’accord était possible. En fait, même si PS et EELV n’ont pas évolué d’un iota sur les sujets qui les divisent (l’EPR et l’aéroport nantais), l’un et l’autre ne pouvaient se permettre de se quitter sans aucun texte, fût-il de circonstances : François Hollande parce qu’il ne pouvait se mettre à dos la sensibilité écologiste en vue du second tour de la présidentielle ; les « écolos » parce que la constitution d’un groupe à l’Assemblée suppose de dégager des circonscriptions occupées par des « socialos ». On s’étonnera cependant que les seules pommes de discorde aient concernées des points certes importants, mais qui ne constituent pas l’olpha et l’omega de la politique française. Faut-il en conclure que sur la politique économique, la lutte contre la crise financiaro-économique, les deux partis sont totalement en phase ? Les symboles sont importants en politique (l’EPR et l’aéroport en sont), mais ils sont insuffisants pour gouverner.françois hollande,pierre moscovici,jack lang,arnaud montebourg

     

    D’autre part, le candidat Hollande a dévoilé son staff de campagne, proposant un organigramme d’une cinquantaine de noms. A y regarder de plus près, on ne peut manquer d’être étonné par deux points essentiels qui ne sont pas sans interroger sur la suite de la campagne.

     

    1/ Est-ce une équipe de campagne ou un avant-gouvernement ?

    Même si les sondages restent encore très avantageux pour le candidat socialiste, la victoire est loin d’être assurée. Nicolas Sarkozy a beau trainer quelques casseroles (un bilan plus que moyen, une situation économique dégradée, une fragilité financière, des affaires impliquant certains de ses proches…), il est en capacité de rebondir ou du moins de se présenter en rempart face aux périls qui menacent notre pays. Dans ce contexte, Hollande a besoin d’une équipe cohérente et de combat, capable d’être sur tous les fronts.. Alors à quoi sert-il d’avoir une armée mexicaines avec des généraux fatigués (à l’image d’un Jack Lang qui était déjà dans le staff de campagne en 1981 !) et des colonels qui se détestent mutuellement ? Comme il lui est trop souvent reproché, François Hollande a composé une équipe en fonction d’équilibres savants entre sensibilités historiques du PS et proches des divers candidats de la primaire. Le candidat semble être resté dans les habits de premier secrétaire du PS qu’il a endossés pendant une décennie. Il va devoir fendre l’armure : pour être l’homme d’une espérance, il va devoir prendre quelques risques et se dévoiler un peu. Il est à craindre que cette organisation hautement complexe révèle très vite des failles et des dysfonctionnements. Quelle sera l’utilité, par exemple, des « représentants particuliers » (en la personne de Lang, Anne Hidalgo, Gérard Collomb et Christiane Taubira) alors que le candidat a déjà quatre porte-parole sans oublier son monsieur communication (Manuel Valls) et  le porte-parole du PS (Benoît Hamon) ? A quoi serviront exactement les « représentants des candidats à la primaire », eux aussi membres de l’équipe ? Certes, il fallait éviter de se les mettre à dos, comme avait réussi à le faire à la perfection Ségolène Royal, mais ne pouvait-on pas faire autrement que de rassembler sans grande cohérence des personnes ?

     

    2/ L’élan de la primaire se serait-il déjà évanoui ?

    Plus rien ne devait être comme avant, le peuple avait pris le pouvoir et exigeait d’être associé plus étroitement à la chose publique, affirmait-on au soir du 16 octobre. Une demande de renouvellement de la pratique politique et de ceux qui la font s’était exprimée fortement via la candidature de Montebourg (qui est absent de l’organigramme de campagne, serait-ce un signe ?)

    Un mois après, on voit réapparaître une pléiade d’anciens ministres de Jospin ou de Mitterrand (Moscovici, Sapin, Trautmann, Bartolone, Lebranchu et toujours Lang), la garde-rapprochée de Hollande (Sapin, Le Foll, Le Roux, Cahuzac, Le Drian…), mais très peu de têtes nouvelles ou alors à des fonctions de second plan (l’économie sociale et solidaire, le numérique…). Surtout, pourquoi reproduire à l’infini cette vision gouvernementale de la politique ? Il était tout à fait possible de construire des équipes autour de trois ou quatre priorités fortes : la place de la jeunesse (de façon symptomatique, la question de la jeunesse est associée à celle de l’éducation, comme si elle ne concernait pas également le travail, le logement, le sport, la culture, etc.), la refonte de la fiscalité, la lutte contre l’économie financiarisée (en intégrant la recherche d’une stratégie européenne)… Au lieu de construire une usine à gaz, Hollande avait la possibilité d’avoir une approche beaucoup plus transversale de la politique, en identifiant mieux les grands enjeux proposés par le candidat.

     

    françois hollande,pierre moscovici,jack lang,arnaud montebourgUn dernier mot sur le choix des personnes. Pierre Moscovici a été nommé directeur de campagne. Le plus parisien des députés du Doubs ne manque pas de talent notamment dans les débats, avec un sens de la formule qui fait mouche. Sauf que depuis quinze ans, on cherche en vain une idée originale qu’aurait porté « Mosco ». Sauf que son passage aux affaires européennes a laissé le souvenir davantage d’un dandy que d’un ardent militant de la cause (alors même que la gauche était à la tête de la grande majorité des gouvernements européens). Et puis, ne tournons pas autour du pot : sa proximité historique avec Dominique Strauss-Kahn est un facteur de fragilisation potentiel pour le candidat. Vu le nombre d’affaires auxquelles semble être associé DSK, le nom de Moscovici est déjà cité et pourrait l’être de nouveau, ce qui constituerait alors un angle de tir idéal pour la droite.

     

    A l’aune de ce risque, calculé ou non, on s’étonne que Hollande n’ait pas pris un risque plus intéressant : faire émerger des têtes nouvelles, issues notamment des couches peu présentes dans le débat politique. Aucune personne handicapée n’est ainsi membre de l’équipe Hollande, comme s’il fallait être gens du sérail, entre soi. A part les « belles » porte-parole, aucune femme n’occupe de rôle de premier plan. Quant à la demi-douzaine de « personnes issues de la diversité », elles sont généralement « planquées » (à l’organisation de la campagne ou sur des thèmes secondaires), à l’exception de la porte-parole Najat Vallaud-Belkacem qui avait déjà servi pour la campagne de 2007. Pas une grande nouveauté donc !

     

    Le souci manifeste qu’a François Hollande de rassembler son camp peut lui éviter les couacs qui avaient émaillé la campagne de sa devencière et ex-compagne. Pour autant, il va devoir donner envie, faire adhérer à un espoir aussi fragile soit-il. Il n’est pas sûr qu’en faisant de la politique comme du temps de « grand-papa » François, il y parvienne…

  • DSK : le bal des hypocrites, acte II

    Maintenant que la personnalité de Dominique Strauss-Kahn semble éclairée suite aux révélations sur la « filière » de prostitution autour du Carlton de Lille dont aurait bénéficié l'ancien patron du FMI, voilà que ses « amis » sont aux abonnés absents. Plusieurs articles dans la presse ont révélé leur écœurement devant la multiplication des affaires de mœurs concernant leur « ami Dominique ». Leur ligne de défense est assez simple : nous ne savions rien de cette face complètement cachée de DSK. Cette réponse est assez piquante car les mêmes nous expliquaient, en mai-juin, la main sur le cœur, qu'ils le connaissaient suffisamment pour savoir qu'il n'avait pas pu faire « ça », autrement dit violer la femme de chambre du Sofitel (décidément, on n'a jamais autant parlé des hôtels de luxe ces dernières semaines...).

    Aujourd'hui, quatre mois plus tard, ces mêmes amis soutiennent qu'ils ignoraient tout des activités sexuelles, débridées et tarifées, de leur champion. Peut-être, mais alors on s'interroge : le connaissaient-ils ou ne le connaissaient-ils pas ? Il faudrait savoir. Si c'est la première hypothèse, alors ils ne pouvaient rien ignorer des pulsions puissantes de DSK et de son appétit sexuel quasi-insatiable. Pourquoi dès lors ne pas imaginer qu'un viol ait pu se produire dans cette fameuse chambre ? Il ne s'agissait pas d'accuser leur « ami », mais au moins, de rester prudent et de ne privilégier aucune thèse. Au lieu de cela, la victime était forcément une affabulatrice, assoiffée d'argent (alors que les proches de DSK, c'est bien connu, n'aiment pas l'argent...).

    Si c'est la seconde hypothèse (ils ne le connaissaient pas tant que cela), là aussi pourquoi ne se sont-ils pas tenus à une prudence de bon aloi ? La nature humaine et les affres de la sexualité étant ce qu'elles sont – compliquées -, il était tout de même présomptueux d'affirmer que DSK n'avait pas pu violer Nafissatou Diallo. Il serait cruel de leur poser la question aujourd'hui : prudemment, il dirait tout ignorer de ce qui s'est vraiment passé dans cette chambre du Sofitel...

    Tous ces amis auto-proclamés ou réels de DSK nous ont mentis. Et pour la plupart, sciemment. Même s'ils ignoraient sans doute tel ou tel détail de sa vie personnelle, ils savaient que « Dominique » était ultra-fragile et que les femmes étaient son talon d'Achille. Ils ont dû, à maintes reprises, à Sarcelle, à Paris, à New-York ou ailleurs, se démener comme de beaux diables pour étouffer telle ou telle affaire, quitte à monnayer le silence de l'une ou de l'autre des victimes. Il fallait que DSK « tienne », au moins jusqu'à la présidentielle qu'il était sûr de dominer impérialement. Après son élection à l'Elysée dans un fauteuil, ces spin doctors espéraient sans doute que la fonction présidentielle allait l'assagir, que sa libido omniprésente pourrait se transférer sur la chose politique. Sacrés apprentis sorciers ! Car ce scénario pouvait nous mener tout droit à un issue à la Berlusconi... A-t-on besoin de cela pour notre pays qui s'enfonce, mois après mois, dans la déprime généralisée et n'est pas à l'abri, quoiqu'en disent les cercles du pouvoir, d'une catastrophe économique ?

    Tous ces proches de DSK (expression qu'ils vont désormais réfuter puisqu'ils ne savaient pas...) étaient prêts à tout pour le faire élire en mai prochain. Qu'importe, au passage, si cet aveuglement aura abouti à la catastrophe pour leur « ami ». Aujourd'hui, Dominique Strauss-Kahn est la risée du monde entier, s'invite dans tous les cafés et les repas de famille pour des blagues d'un goût douteux. Il est partout dans la rubrique des faits divers et complètement évacué des articles politiques. Sauf pour recueillir les jérémiades de ceux qui voulaient poursuivre avant l'été les personnes qui mettaient en cause la version de DSK dans l'affaire du Sofitel.

    Voilà donc où l'idolâtrie en politique peut conduire. On l'a vu, dans un registre moins grave, avec l'humiliation qu'a subie Ségolène Royal lors des primaires. Le soutien inconditionnel à une personne, aussi brillante et charismatique soit-elle, favorise tous les aveuglements et finalement est source de mensonges. On espère que les apprentis sorciers qui ont manœuvré pendant des mois pour dissimuler la face inavouable de DSK (malade, pour reprendre le juste pronostic de Michel Rocard) sauront se souvenir de la terrible leçon d'une affaire qui a jeté encore un peu plus de discrédit sur notre démocratie déjà bien mal en point.

     

  • Primaires : pourquoi la droite n'a rien compris

    Voilà donc François Hollande désigné à une majorité très large, en ayant réussi à préserver le même écart que cnicolas sarkozy, françois hollande, françois fillonelui qui le séparait, au premier tour, de Martine Aubry. Pour le vrai rendez-vous avec le pays, l'homme fort de la Corrèze part avec un avantage certain : ces primaires ont mobilisé près de trois millions de citoyens et elles ont permis de dégager un résultat est très net. La droite ne pouvait pas redouter pire situation. Non seulement elle se retrouve face à un candidat redoutable – bon débatteur, calme, attractif pour le centre droit -, mais toute sa stratégie de discrédit des primaires a échoué. En l'occasion – et en tant d'autres -, elle se retrouve dans l'incapacité de saisir les attentes d'un corps électoral dont elle entend susciter l'adhésion. C'est fâcheux quand on aspire à conserver le pouvoir et pas simplement à proposer une candidature de témoignage.

    L'UMP, en tout cas ses deux pôles principaux (la direction du parti, avec le peu subtil Jean-François Copé, et l'Elysée), s'est trompé sur toute la ligne. Rappelons-nous la succession des attaques contre ces primaires citoyennes. Elles ont d'abord été accusées d'organiser le fichage de la population – l'accusation n'a pas fait long feu -, puis on leur a prédit un bide en termes de participation. Le pronostic était d'autant plus imprudent que toutes les enquêtes d'opinion – et l'audience des débats télévisés – révélaient un intérêt fort dans l'opinion publique pour ce mode de désignation des candidats à l'élection suprême. Et puis au soir du premier tour, la droite, prisonnière des éléments de langage élyséens, a sort la grosse caisse : ouh la la, le résultat sera serré et la guerre des chefs va se réinstaller au soir du 16 octobre. Le piège était un peu grossier d'autant que la mobilisation populaire oblige le PS à avoir le sens des responsabilités. Si bagarres il y a (et il y en aura) dans les prochaines semaines, les socialistes ne sont pas complètement demeurés pour étaler leurs bisbilles en public, surtout un soir de l'élection.

    Ce raté magistral qui tient tant de l'erreur d'analyse sur l'état de la société (le besoin de respiration démocratique) que de la volonté de taper à bras raccourcis sur les socialisnicolas sarkozy, françois hollande, françois fillontes pourrait, une nouvelle fois, aggraver le malaise au sein de la majorité. La seule personne qui a eu une position lucide sur les primaires n'est autre que le Premier ministre qui en a salué le succès et la modernité. Ce n'est pas la première fois que François Fillon se singularise par rapport au chef de l'Etat – et l'ennemi juré, J.-F. Copé – mais cette affaire va au-delà d'un simple désaccord gouvernemental. Il s'agit de la conception qu'on a de la fonction présidentielle. La question que vont poser dans les semaines à venir les (rares et courageux) trublions de la droite est celle qui traverse le pays depuis les derniers échecs électoraux (municipales, régionales et surtout sénatoriales) : le président de la République a-t-il un droit automatique à se représenter sans que son bilan ne soit examiné et que des candidatures plus crédibles ne soient sollicitées ? Autrement dit, l'UMP doit-elle, peut-elle accepter que son suivisme vis-à-vis d'un président qui se coupe de plus en plus du peuple, non seulement le conduise à un échec probable, mais en plus risque un implosion au lendemain de législatives où son groupe parlmentaire pourrait fondre de moitié ?

    Mais les cnicolas sarkozy, françois hollande, françois fillonhoses devraient se passer autrement. Nicolas Sarkozy cherchera à se succéder à lui-même et il prendra sa décision sans consulter qui que ce soit, si ce n'est les beni oui oui de l'Elysée et ceux dans l'appareil dont la servilité n'a d'égal que le manque de culture politique, du genre Nadine Morano. Vu le manque criant d'espace de débat au sein de l'appareil UMP, il est peu probable que des voix fortes s'élèvent pour critiquer la décision élyséenne. Tout le monde assurera que bien sûr que c'est le meilleur choix, qu'il a su éviter à la France la bourrasque qu'ont connue certains de nos voisins avec la crise, et patati et patata.

    Sur le terrain, les maires, les parlementaires qui assurent toutes les semaines des permanences dans leur circonscription entendent un tout autre discours : celui d'un pays qui ne supporte plus l'étalage des richesses alors que tant de salariés survivent avec le Smic ; d'une population qui n'en peut plus de voir ses gamins passer de stage en stage, de CDD en CDD, quand ils n'ont pas tout simplement décroché pour préférer s'évader dans la « défonce » ou les réseaux sociaux. Les 80 % de la population inquiète pour l'avenir de ses enfants va très mal vivre le vacarme médiatique qui risque d'accompagner fleurir la naissance de l'enfant du président. L'exaspération risque de monter d'un cran dans ce pays : une partie de ceux qui ont voté Sarko en 2007 vont se dire que non seulement « on » les a trompés, mais qu' « on » est incapable d'admettre les échecs et d'en tirer des conséquences.

    L'acharnement des responsables UMP à combattre toute idée de primaire – ou à la renvoyer aux calendes grecques – tient sans doute à l'intuition présente ici ou là que, dans le cadre d'une primaire ouverte au « peuple de droite », le président sortant pourrait être battu par un Fillon ou un Juppé. Alors, pour éviter de se rendre à l'évidence – que la candidature Sarko mène très probablement la droite dans le mur -, les leaders de l'UMP ont choisi une autre tactique : taper sans discernement sur les primaires. Manque de bol pour elle, tous ses arguments lui reviennent comme un boomerang.

    Projetons-nous dans les six mois. Lorsque le débat au second tour opposera Hollande à Sarkozy (pour peu que celui-ci parvienne à distancer Marine Le Pen...), le premier ne manquera pas de rappeler au second que sa candidature à lui a été avalisée après un long processus et deux votes, alors que la sienne ne procède que de sa volonté souveraine et du suivisme de quelques caciques de l'UMP (dont certains ont tout intérêt à la défaite en 2012). Il va sans dire que le candidat sortant aura bien du mal à reprendre les arguments – pour le moins fragiles – qui ont servi à discréditer la désignation d'un candidat par un corps électoral élargi. La primaire apparaîtra alors comme une formidable machine de guerre contre la logique bonapartiste du président sortant. Et le piège se refermera sur une majorité qui, en l'occurrence, a oublié se se servir de son intelligence politique.