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10 mai - Page 19

  • DSK : drôles de commentaires pour une triste affaire

    En parler ? Se taire ? Ecrire ? Qu’écrire, tellement nous avons été submergés ces derniers jours par un déluge d’images, de déclarations et d’émotions ? Comment rester de marbre face à une Dominique Strauss-Kahn, Martine Aubry, nicolas sarkozyaffaire qui monopolise toutes les attentions, qui alimente toutes les discussions en famille et les conversations de bistro? Alors, en parler, mais pour dire quoi? Essayons juste de proposer quelques éclairages avec le souci de dire ce qui nous semble juste, sans souci du politiquement correct mais sans volonté non plus de salir.

    Quand on me demande si je suis surpris par cette affaire, je réponds en général par la négative. Je ne m'y attendais pas au sens où je ne guettais pas la défaillance de cet homme, mais je ne suis pas franchement surpris. Depuis des années, j'entends, de la bouche de confrères ou de politiques, des allusions, plus ou moins précises, sur les démarches pressantes de l'ancien ministre des Finances envers les femmes, si possible jeunes et jolies. On m'avait ainsi raconté que, pendant ses conférences de presse à Bercy, il était coutumier de faire passer par l'entremise d'un de ses hommes de main – dont on a beaucoup parlé ces derniers temps – des messages adressés à des journalistes femmes, pas forcément les plus moches, pour leur proposer une entrevue en tête à tête au sortir de la conférence de presse. Cela n'en fait pas, pour autant, un violeur, mais cela indique un désir de séduire quasi-compulsif. Plus embêtant pour lui, les témoignages d'une jeune écrivain-journaliste qui l'accuse d'avoir cherché à la violer en 2002 ou celui, plus récent, de la députée PS Aurélie Filippetti envers qui DSK aurait eu des gestes déplacés. Embêtant également, la crainte qu'avait certains rédacteurs en chef à envoyer seule une jeune journaliste pour interviewer cet homme politique. S'agit-il simplement de don-juanisme dont a tendance, sous nos latitudes latines, à affubler tout séducteur même très lourd ?

    Quand j'ai entendu les cris d'orfraie de certains de ses proches – sans oublier la saillie inqualifiable de Jack Lang « y'a pas mort d'homme » -, je me suis dit que ces gens-là se moquaient du monde. Ils savaient que DSK était suspendu à un fil, lié à sa frénésie de sexe, et qu'il pouvait tomber à l'occasion de l'un de ses dérapages. Certes, de façon peu probable en France où l'on a l'habitude d'étouffer telle ou telle sale affaire, moyennant un gentil chèque et/ou de méchantes pressions, mais peut-être dans un pays comme les Etats-Unis où l'on ne rigole avec ce genre de comportements, sans se préoccuper de la position sociale de l'homme incriminé. Souvenons-nous tout de même des ennuis considérables qu'a eus Bill Clinton au sujet d'une liaison consentie avec une stagiaire de la Maison blanche...

    Les proches de DSK savaient que leur protégé était, de ce point-là, un candidat fragile pour la présidentielle, d'autant que Sarkozy ne s'était pas privé de claironner qu'il avait un dossier lourd sur le directeur général du FMI. D'une certaine manière, il vaut mieux que cette triste affaire survienne aujourd'hui avant le lancement des primaires socialistes... Sinon, à quelle campagne aurions-nous pu assister, tellement il est peu probable qu'en la matière, le camp UMP fasse dans la retenue?

    L'autre point qui m'a stupéfait, c'est le dédain affichée pour la présumée victime de DSK. Il a fallu attendre la déclaration sobre de Martine Aubry mardi dernier, pour qu'elle soit citée de façon tout à fait respectueuse. Dans notre pays qui a la passion de l'égalité (dans les discours du moins), on a suggéré qu'une modeste femme de ménage, a fortiori une immigrée africaine vivant dans un immeuble sordide (on ne nous a rien épargné depuis quelques jours) ne pouvait pas détruire la carrière d'un homme aussi puissant que Dominique Strauss-Kahn si elle n'avait pas été envoyée ou payée par d'autres. Et chacun d'y aller dans ses commentaires sur les invraisemblances des faits, tels qu'ils sont rapportés par la presse ou les (puissants) avocats de l'accusé – alors que personne ne connait le fond du dossier dans ses détails et que l'enquête ne fait que commencer.

    Mon propos n'est pas de dire que DSK est forcément coupable parce qu'il est riche, puissant et de gauche. Il est juste d'en appeler à un peu plus de retenue et de ne pas mettre en cause d'office le propos de cette femme, au motif qu'elle serait forcément vénale, manipulable et peu fiable parce que femme de ménage. Cela me rappelle un peu trop le doute qui entoure si souvent les plaintes des femmes battues ou violées, même dans les commissariats. Quand on connait leur compagnon ou mari, surtout s'il est issu de milieux bien éduqués, certains se disent facilement que cela ne lui ressemble pas, qu'il ne peut faire cela. Et bien justement, ce type de violence et de comportement concerne tous les milieux sociaux et toutes les cultures. Le vecteur qui déclenche le passage à l'acte est d'ordre intime et peut difficilement se discerner à l'oeil nu. D'où le ridicule des commentaires entendus ici ou là, témoin d'un mépris de classe et/ou d'une méconnaissance crasse des mécanismes psychologiques à l'oeuvre sous toutes les latitudes.

    Dernier commentaire relatif au monde de la presse. Celui-ci étant au courant des comportements plus que limite de DSK, devait-il enquêter et révéler les débordements de celui-ci? On connait le refrain entonné par beaucoup de confrères respectables, comme Le Canard enchaîné, pour qui il faut préserver la vie privée de tout un chacun, y compris des puissants, et ne pas céder à la spirale régressive de la presse-caniveau qui sévirait outre-Manche et outre-Atlantique. Certes, mais on remarquera que certains titres ont moins d'égards pour le respect de la vie privée de jeunes ou moins jeunes qui habitent des quartiers dégradés ou qui portent des noms-pas-très-catholiques.

    Non, ce qui en jeu, ce n'est pas la fréquentation de boites à partouze ou les nombreuses conquêtes de tel ou tel, mais des comportements d'abus de pouvoir où grâce à une autorité hiérarchique, intellectuelle ou politique, on obtient les faveurs d'une femme (ou d'un homme) qu'on n'aurait pas eues autrement. Cela s'appelle, qu'on le veuille ou non, du harcèlement et c'est vraiment la question qui est posée au monde politique à la suite de cette ténébreuse affaire DSK qui va sans doute prendre la forme d'un feuilleton, palpitant et écoeurant. 

  • PUBLICITE : Mon livre bientôt disponible

    image livre.jpgOn n'est jamais mieux servi que par soi-même...

    Chers amis lecteurs de ce blog, je vous informe que le livre d'entretiens que je prépare depuis plus d'un an va sortir le 20 mai.

    La personne que je souhaite vous faire découvrir s'appelle Hamou Bouakkaz, "aveugle, arabe et homme politique". Depuis trois ans, il est adjoint au maire de Paris chargé de la vie associative et de la démocratie locale.

    Ensemble, nous parlons de thèmes souvent abordés dans ce blog : renouveau de la vie politique, place de l'islam, laïcité, diversité, inégalités, sans oublier des dates célèbres : 1981, 2007, 2012. Vous retrouverez au fil de ces pages quelques personnages bien connus : Bertrand, Rachida, Fadela, Malek, Ségolène, Lionel, Nicolas, sans oublier les deux François, Barak... 

    Hamou Bouakkaz développe également ses idées, sa vision du handicap. "Il peut représenter un approfondissement de l'être, une plus-value et non simplement un coût", explique-t-il.

     

    Extrait de mon introduction

    Sans donner de leçons, Hamou Bouakkaz nous interroge sur ce que nous, voyants, ne voyons plus, sur ce qui nous, valides, nous handicape tant: manque d'ouverture aux autres, manque de sensibilité aux différences, à la pauvreté et - osons le mot - manque d'amour. Plus qu'un manifeste politique (même si des propositions concrètes concluent ce livre), celui-ci est un plaidoyer pour un vivre ensemble dans une société traversée par des aspirations contradictoires et menacée par une série de régressions."

     

    Aveugle, Arabe et homme politique, ça vous étonne ?, Hamou Bouakkaz, entretiens avec Noël Bouttier, éditions Desclée de Brouwer, 234 p., 18 euros.

  • 10 mai 81 : se souvenir ou vénérer ?

    Tout le monde ne parle que de ça depuis quelques jours. En tout cas, tous ceux qui s'intéressent un tant soit peu à la politique et qui ont une trentaine bien frappée. Au cas où cela vous aurait Mitterrand.jpgéchappé, on fête, en ce 10 mai, les 30 ans de la victoire de François Mitterrrand à l'élection présidentielle. Chacun y va de ses souvenirs, de sa mélancolie et je vous ferai grâce des miens même s'ils restent bien ancrés dans ma mémoire. Le lecteur attentif aura noté que ce blog porte le nom de cet événement, marquant de façon très claire le début de ma « passion » pour la chose politique. Donc, pas question pour moi de cracher dans la soupe, même s'il est légitime de regarder à quoi elle ressemble trois décennies plus tard.

    Pourquoi revenir sur cette phase historique abondamment commentée par les gazettes, les écrans et les ouvrages? Parce deux aspects ont, à mon avis, été insuffisamment commentés et méritent d'être développés. Dans cet intérêt, au moins médiatique, pour le 10 mai 1981, il y a, me semble-t-il, une fascination pour une façon de faire de la politique tout à fait différente. Même si, depuis Vichy jusqu'à sa mort, Mitterrand a été une « bête politique », il exerçait son art de façon quasi artisanale.

    Un documentaire, diffusé dimanche 8 mai sur France3, racontant cette journée vue par les deux adversaires du second tour, indiquait qu'après avoir appris sa victoire aux alentours de 18-19 heures, le nouveau Président avait continué de souper comme si de rien n'était, dissertMitterrand affiche.jpgant sur le climat du Morvan. Ensuite il avait tranquillement rédigé, sur un coin de table dans sa modeste chambre "de VRP", selon le documentaire, le discours qu'il prononcerait devant le pays tout entier après son visage a apparu sur les écrans de télé à 20 heures pétantes. Qui peut penser qu'aujourd'hui, un finaliste de la présidentielle attende la fin de la journée pour rédiger un discours historique ? On le voyait ensuite rentrer tranquillement dans la nuit humide de ce 10-11 mai vers la capitale, installé devant à côté de son fidèle chauffeur.

    Aujourd'hui, un tel trajet serait escorté par une myriade de caméras, de téléphones portables (se rappeler de la « traversée de Paris » de Jacques Chirac lors de sa victoire en 1995), sans oublier un ballet d'hélicoptères. Ce qui a rendu la fête de victoire inoubliable, c'est ce côté amateur, cette supériorité du mot sur l'image. Et c'est d'ailleurs pourquoi les images de la fête de la Bastille et de milliers d'autres plus ou moins improvisées ont ce charme désuet : elles ne sont pas fabriquées. En (re)vivant ce moment si particulier, les Français oublient les moeurs politiques actuelles marquées par la règle de la petite phrase, le règne des conseillers et sondeurs et (trop souvent) le piège de la pensée vide. A presque tous égards, le souvenir idéalisé (et donc déformant par rapport à la réalité) de François Mitterrand leur fait oublier la présidence calamiteuse, au moins sur le style - « Casse-toi, pov' con ! » - de Nicolas Sarkozy.

    L'autre point qui me frappe, c'est l'absence de tout regard critique mesuré sur François Mitterrand. Cet homme qui a été haï à droite et (parfois) à gauche devient un modèle pour (presque) tout le monde. Comme pour de Gaulle – mais pour lui, les raisons se comprennent davantage à cause de sa résistance acharnée au nazisme -, on lui dresse une statut du Commandeur. Cela aboutit à oublier les critiques ou du moins à en atténuer la portée. Il ne s'agit pas de remuer le couteau dans la plaie, en oubliant l'abolition de la peine de mort, la décentralisation, les libertés pour les étrangers et pour l'expression publique sans compter la 5e semaine de congés payés, mais tout de même, comment ne pas rappeler le règne du cynisme, l'usage des écoutes téléphoniques à des fins personnelles, l'aveuglement devant l'enrichissement de certains ou devant les crimes de Touvier sans oublier le renoncement à s'attaquer avec férocité contre le chômage de masse ?

    Tous ces petits et grands scandales, cette aisance dénuée de scrupules à se mouvoir dans un monde de paillettes (la 5e chaine concédée à Berlusconi), comme s'il fallait profiter de ce dont on été si longtemps privé, ont fait un mal terrible à la gauche. Celle-ci ne peut plus se réclamer de la vertu, ne peut plus invoquer l'affrontement entre la lumière et l'ombre (qu'avait cité, je crois, Jack Lang). D'une certaine manière, c'est tant mieux car à vouloir absolutiser la politique, à l'apparenter au discours religieux (vérité/erreur), on se trompe sur sa nature éminemment matérialiste : changer les choses pour espérer donner à chacun la possibilité de s'épanouir en lien avec les autres.

    Pour autant, les renoncements à toute éthique, notamment lors de la funeste période 1991/1993 (sur deux premiers ministres, l'une a été « carbonisée », l'autre s'est suicidé), ont introduit un soupçon indélibile sur l'honnêteté des politiques. Il n'est pas sûr que les gardiens du temple mitterrandien (les Lang, Charasse, Védrine et autres Bergé...) aient pleinement conscience de l'héritage étonnamment ambigu que nous laisse le premier - et seul à ce jour – président de gauche de la Ve République. Et de la difficulté, pour 2012, à faire adhérer la population à une promesse de changement.

  • Extrême gauche : le choix d'Olivier

    De la semaine politique française, un fait marquant ressort. Non pas la pitoyable polémique autour de la Porsche empruntée par DSK (l'actuel patron du FMI a beaucoup d'amis qui aiment l'argent et qui savent le montrer ; cela ne doit pas être un argument de vente, ce ne peut être un crime de lèse majesté socialiste), mais l'annonce faite par Olivier Besancenot qu'il ne se présenterait pas pour la troisième fois à l'élection présidentielle de 2012.

    olivier besancenot,npaLa décision de l'un des plus jeunes (avec Alain Krivine, son mentor, en 1969) candidats au scrutin majeur de la vie politique est lourde de symboles et d'enseignements. A la différence du candidat socialiste soumis à rude épreuve avec la primaire ou du président sortant dont la candidature pourrait compromettre l'avenir de bien des députés UMP, Olivier Besancenot n'avait aucun souci à se faire pour son investiture par le NPA. Un éventuel échec n'aurait pas eu de conséquence irrémédiable pour les siens (aucune perspective d'élection ne s'annonce pour les législatives qui suivront).

    Olivier Besancenot constitue la meilleure vitrine de ce parti frondeur, « gauchiste » (sans appréciation péjorative) et son profil encore jeune de facteur, au verbe haut, aurait pu faire mouche une fois encore, dans une période où la jeunesse s'interroge sur sa place dans une société française vieillissante et conservatrice. Certains au sein de son parti voudraient le faire reconsidérer sa décision, mais c'est mal le connaître que de penser qu'il puisse se dédire.

    Cette décision, bien entendu, n'est pas sans lien avec les échecs de sa stratégie d'indépendance totale vis-à-vis des autres formations de la gauche de la gauche, notamment lors des scrutins européens et régionaux. Il n'est pas interdit de penser qu'il eut été enclin à reconsidérer sa position si son leadership à gauche du PS était indiscutable. Ce qui n'est pas le cas.

    Ce qu'avance Besancenot pour expliquer son retrait, c'est sa volonté de laisser son parti exister sans sa présence tutélaire. En quelque sorte, il se propose de tuer le fils prodige (à défaut du père) qui encombre son parti. Il a pressenti que son maintien comme candidat du NPA le condamnait à marcher sur les traces d'Arlette Laguiller, candidate à six reprises, et que son succès à chaque présidentielle ne vaut pas adhésion aux thèses de son parti d'extrême gauche, d'inspiration trotskyste.

    L'échec de la transformation de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) en Nouveau parti anticapitaliste, c'est-à-dire l'incapacité à créer une réelle dynamique populaire, est symptomatique de ce déphasage entre le succès d'estime lors des deux dernières présidentielles (4,2 % puis 4,1 %) et l'engagement concret pour faire vivre les idées dites révolutionnaires. Besancenot qui sent bien la société française (est-ce parce que, à la différence des autres leaders, il garde un pied dans le monde du travail?) a compris que sa performance éventuelle en 2012 n'aurait pas d'impact, ou si peu, sur l'influence de son parti.

    C'est évidemment la conception d'un parti (encore léniniste) qui parie sur la construction d'une élite éclairée qui est en cause dans une France hédoniste qui tient à ses RTT non pour s'engager auprès des autres (même si certains le font) mais pour s'inventer un monde meilleur à l'échelle de sa vie. Il est d'ailleurs cocasse que le leader d'un parti révolutionnaire se retire de la scène politique pour vivre davantage sa vie de jeune père de famille et pour retrouver ses potes du rap et du foot, loin des caméras. En même temps, cette décision courageuse (qui, à part Delors en son temps et pour d'autres raisons, a renoncé à se présenter alors qu'il avait un boulevard devant lui ?) et pathétique (d'un échec politique) est encourageante pour ceux qui pensent qu'il existe une vie en dehors de la politique professionnelle. Et que les leaders d'un parti doivent se renouveler régulièrement pour éviter personnalisation excessive et assèchement des idées.