A l'occasion du Salon de l'agriculture, tous les prétendants à l'Elysée ont fait le détour par la porte de Versailles.
Et certains, à l'image de François Hollande, s'y sont particulièrement attardés avec un marathon de près de 12 heures. On ne discutera pas de l'amour, sans doute immodéré, des belles aquitaines ou des rondes normandes que peut avoir l'actuel président de la très rurale Corrèze. On notera simplement que le candidat socialiste présente un retard considérable dans la population agricole en termes d'intentions de vote, ceci expliquant sans doute cela.
Selon un récent sondage, il serait crédité de 14 % alors que le président-candidat culminerait à 40 %. Fait exceptionnel : Hollande est doublé sur cet électorat par Marine Le Pen et François Bayrou. Les socialistes se rassurent - comme ils peuvent – en notant que ces 14 % représentent un doublement par rapport à 2007 où Ségolène Royal n'avait obtenu que 7 % des suffrages des agriculteurs. On pourrait penser que les faibles résultats de la présidence Sarkozy – au cours de laquelle le revenu de certaines catégories, notamment en fruits et légumes, a dégrigolé – pouvait profiter à un candidat socialiste qui marche régulièrement sur les pas de son devancier corrézien, Jacques Chirac. Eh bien non !
Plusieurs types d'explication peuvent être avancées pour interpréter ce désamour persistant. Historiquement, la gauche a été portée par des forces urbaines, professeurs des villes, ouvriers des grands centres industriels ; les campagnes étant majoritairement acquises à des forces plutôt conservatrices et cléricales. De plus, la domination pendant des lustres des thèses marxisantes, avec la logique de collectivisation des terres, a été un épouvantail pour des campagnes, même dans les contrées radicales-socialistes, attachées à la petite propriété familiale. Pourtant, divers acquis pour l'émancipation paysanne, comme le statut du fermage – pour en finir avec l'archaïque métayage – ou les offices fonciers, ont été portés par des gouvernements de gauche (1936, 1945). Mais la gauche n'a pas su capitaliser sur ses avancées. Elle doit tenter d'en comprendre les raisons si elle veut conquérir une partie des agriculteurs.
Elle doit proposer une lecture fine de cette catégorie qui ne représente plus que 3 % de la population active. Celle-ci est à la fois très disparate (en termes d'activité, de type d'exploitation et surtout de revenus) et très soudée. Dans un contexte où les terres agricoles continuent à être grignotées par la voirie et la ville (grave erreur écologique !) et où la logique de compétition mondiale fragilise les solidarités et la politique agricole commune, les agriculteurs ont tendance à faire corps face à l'adversité. C'est la raison pour laquelle un syndicat aussi contesté - et contestable – que la FNSEA résiste assez bien aux coup de butoir de la Confédération paysanne (gauche écolo) et la Coordination rurale (droite poujadiste).
La gauche est trop souvent arrivée au pouvoir avec une forme de morgue, un mélange de technocratisme et de mépris pour cette culture paysanne dite archaïque et droitière. A y regarder de près, les campagnes sont pourtant porteuses, depuis une vingtaine d'années, de stratégies innovantes (accueil à la ferme, ventes directes, animations culturelles, nouvelles productions, agriculture bio) qui ont permis de limiter la casse et de maintenir de nombreux exploitants. Sans cela, la France compterait 1 ou 2 % d'agriculteurs sur des domaines de 100 à 200 hectares.
Derrière un vernis de traditions inébranlables (que les urbains, éternels nostalgiques d'une campagne mythifiée, adorent, comme en témoigne notamment le succès du Salon de l'agriculture), ce sont des espaces en profonde mutation. Les tristes réalités – désertification, endettement, pollutions agricoles, solitude d'agriculteurs restant célibataires – ne doivent pas cacher les profonds changements qu'ont su impulser, parfois contraints et forcés, de très nombreux paysans.
Pour que la gauche séduise les campagnes, elle doit changer en profondeur sa matrice culturelle. Elle doit notamment penser que le progrès social et humain sur lequel elle a construit son discours, peut également se développer dans ces campagnes dont les solidarités pourraient inspirer bien des territoires urbains en souffrance. François Hollande, s'il est élu, impulsera-t-il un nouveau rapport de la gauche au monde paysan ?
cette candidature (initialement, le calendrier prévoyait une campagne courte, sur le thème : « Le Président gouverne jusqu'au bout ») traduit une inquiétude sérieuse à l'UMP et dans les cercles élyséens. Le fait que les sondages pronostiquent invariablement un avantage sérieux de François Hollande au premier comme au second tour n'est pas pour rien dans ce qui ressemble à de la précipitation. Le pari de Nicolas Sarkozy est aussi simple que risqué : occuper le terrain massivement pour reprendre la main et stopper nette la domination du candidat socialiste. Ce faisant, le Président sortant donne le sentiment de ne plus être maître de son destin et de devoir pédaler de façon outrancière pour rattraper son retard. De quoi, une fois encore, brouiller l'image sereine et apaisée qu'il entendait – à son corps défendant – imprimer à sa candidature.
décembre dernier sur un essoufflement possible. L'homme que d'aucuns disaient, de façon assez méprisante, inexpérimenté prouve dans cette campagne une maîtrise des événements et des nerfs que le camp d'en face doit envier. François Hollande a également su se tenir dans une bonne distance avec le Président en évitant de répliquer à chacune de ses attaques depuis un mois où la vraie-fausse campagne de Sarkozy est engagée. Il est apparu comme un candidat tranquille, sûr de lui, sans être arrogant et de ce point de vue-là, il offre un sérieux contre-modèle au candidat sortant qui pense, à tort, que créer un événement par jour va le réconcilier avec les Français.
des Français sur son bilan quinquennal est très négatif, y compris dans les domaines où il semblait exceller, comme la sécurité. L'argument est donc à double tranchant et il devra s'en méfier s'il ne veut dévisser dans les sondages.
Un dernier mot sur le choix des personnes. Pierre Moscovici a été nommé directeur de campagne. Le plus parisien des députés du Doubs ne manque pas de talent notamment dans les débats, avec un sens de la formule qui fait mouche. Sauf que depuis quinze ans, on cherche en vain une idée originale qu’aurait porté « Mosco ». Sauf que son passage aux affaires européennes a laissé le souvenir davantage d’un dandy que d’un ardent militant de la cause (alors même que la gauche était à la tête de la grande majorité des gouvernements européens). Et puis, ne tournons pas autour du pot : sa proximité historique avec Dominique Strauss-Kahn est un facteur de fragilisation potentiel pour le candidat. Vu le nombre d’affaires auxquelles semble être associé DSK, le nom de Moscovici est déjà cité et pourrait l’être de nouveau, ce qui constituerait alors un angle de tir idéal pour la droite.