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Parti socialiste - Page 8

  • Valls ou l'art de mal poser une vraie question

    Qu'a fait Manuel Valls le soir de son réveillon? La question se pose car le député-maire d'Evry a ouvert l'année politique, dès le 2 janvier, en lançant une petite bombe politique. En s'en prenant, manuel_valls.jpgsans beaucoup d'égards, à l'un des principaux acquis de l'ère Jospin, - les 35 heures - celui qui en fut son conseiller presse lorsque ce dernier était à Matignon, a décidé de semer le trouble dans les rangs socialistes et plus généralement ceux de la gauche.

    Cette sortie qui a ravi les pontes de l'UMP doit autant à la personnalité iconoclaste de Valls qu'au calendrier imposé pour la désignation du candidat socialiste. Nous l'avons déjà écrit, la volonté de retarder au maximum le choix du rival de Nicolas Sarkozy pour laisser la possibilité au « messie de Washington » (DSK) d'envisager son retour dans l'étroit hexagone est une terrible erreur politique. D'ici juin, date prévue pour le dépôt des candidatures aux primaires socialistes, les candidats à celles-ci, et surtout ceux dont les chances sont assez faibles, vont rivaliser de déclarations toutes plus provocatrices les unes que les autres. L'objectif est simple: se démarquer des autres rivaux, marquer sa singularité au risque d'être caricatural, comme a pu l'être le fougueux Catalan.

    Mais ses déclarations sur les 35 heures ne peuvent être simplement mises sur le compte de stratégies électoralistes. Elles traduisent un vrai désarroi sur la question du temps de travail. On aura beau dire et écrire que le mouvement historique des sociétés développées est à la réduction du temps de labeur, des interrogations nombreuses tournent autour de cette question. On ne peut les éluder comme l'a fait le commissaire politique Benoît Hamon, en demandant à l'impétrant de rentrer dans le « droit chemin ».

    Ces interrogations sont de deux ordres. D'abord sur le coût des 35 heures. Le choix qui avait été fait en son temps par le duo Aubry-Jospin d'imposer une réduction uniforme du travail, sans véritable négociation collective, et de compenser cette contrainte par un engagement massif des deniers publics s'est révélé extrêmement coûteux. D'autres choix étaient possibles, mais la vision assez technocratique de la gauche plurielle et la faible confiance accordée aux partenairesmaison (5).jpg sociaux avaient conduit à cette voie, d'autant plus contestable que la contrepartie en matière de créations d'emplois, surtout dans la seconde loi Aubry, n'était pas exigée. Si Manuel Valls a tort d'estimer que la réduction du temps de travail est ringarde, il aurait eu raison de pointer une méthode contestable, peu efficace et coûteuse. Sauf qu'il n'a pas dit cela, emporté par sa volonté de régler des comptes avec la première secrétaire Martine Aubry.

    Ensuite, depuis les années 1997-2002, la compétition économique s'est amplifiée, de nouveaux pays émergent à une vitesse incroyable: la Chine bien sûr - même si l'émergence date maintenant d'une vingtaine d'années -, le Brésil, l'Inde, mais aussi la Corée voire le Vietnam. Un reportage télévisé (France 2, le 3 janvier) racontait l'extraordinaire boom de l'économie coréenne, mais aussi sa vitalité culturelle. On y expliquait notamment que les Coréens travaillaient 10 à 12 heures par jour, souvent le samedi, et qu'ils ne prenaient pas forcément toutes leurs vacances.

    Avec notre ethnocentrisme légendaire, on pourra ironiser sur les conditions de vie ignobles subies par ce peuple. Mais il n'est pas évident que les Français soient plus heureux que nos amis - et concurrents – asiatiques. Le même jour, une information reprise par nos gazettes françaises (y compris Le Monde) indiquait que décidément nous n'avions pas de chance. Pensez donc, les 1er et 8 mai, fournisseurs de ponts presque aussi longs que celui d'Oléron, tombaient un dimanche. C'est à ce genre d'indice qu'on mesure l'enthousiasme d'un pays et sa confiance en l'avenir...

    Plus sérieusement, la question qui est posée n'est pas tellement de savoir s'il faut se battre pour ou contre les 35 heures (sachant que la gauche plurielle avait oublié d'appliquer cette mesure à des pans entiers du salariat). Il ne s'agit évidemment de partir en croisade, comme voudrait le faire le patron de l'UMP, J.-F. Copé, contre une mesure que la droite a gentiment détricoté depuis quelques années. La question est de savoir comment être compétitif en travaillant moins que les autres. Il faut donc trouver l'alchimie pour utiliser au mieux les gains de productivité encore importants dans l'économie française, en faire une arme économique et un facteur d'intégration sociale. Car ce qui coûte cher à notre pays, ce n'est pas tellement les 35 heures, mais la désespérance sociale qui ne fait que grandir, les quatre millions de chômeurs et les deux ou trois millions de précaires avec ou sans le RSA. Ce qui coûte cher à notre économie, ce sont les conséquences désastreuses de l'intensification du travail imposée en contrepartie de la réduction du temps dans l'entreprise, comme on l'a vu avec la vague de suicides chez France Télécom ou Renault, par exemple.

    Encore une fois la gauche aurait tout intérêt à s'intéresser à des questions qualitatives comme la reconnaissance des salariés, leur participation réelle aux décisions, l'encouragement à des formes d'entreprises coopératives (comme les Scop), plutôt que de se lancer dans une nouvelle guerre de religion. Il lui faudra peut-être avoir la sagesse de reconnaître que la durée du travail ne peut être identique pour tous et en tous lieux, ce qui n'est pas évident avec cette culture égalitariste. Ici, dans un secteur très pénible, les 32 heures s'imposent sans doute, ici, les 35 heures bien organisées doivent être maintenues; ailleurs, dans des secteurs exposées à la concurrence internationale, il n'est pas forcément idiot de pousser la durée à 38 ou 40 heures – à condition que des vraies contreparties soient accordées.

    Il faut espérer que la sortie provocatrice de Manuel Valls permette de lancer des débats profonds sur la place du travail dans la société française. Les slogans ne font pas une politique et pour être crédible, la gauche doit s'atteler à la complexité des problèmes. Le travail en est un; raison de plus pour ne pas escamoter ce débat, en se contentant de discréditer le lanceur de pavé dans le marigot socialiste qui, en tout cas, à réussi à animer ce début 2011.

     

  • La grande confusion des socialistes

    L'annonce surprise de la candidature aux primaires socialistes de l'ancienne candidate Ségolène Royal a affolé unesegolene_royal.jpg partie de l'appareil du PS. Cela prouve que le principal parti d'opposition n'est pas complètement remis de sa convalescence suite au calamiteux congrès de Reims. Car enfin, personne ne pouvait ignorer que la présidente du Poitou-Charentes ne rêvait que de prendre sa revanche face à un Nicolas Sarkozy beaucoup moins fringant qu'il ne l'était lors du scrutin de 2007. Alors pourquoi cette annonce crée-t-elle tant de gêne? Deux raisons expliquent cette situation alors même que les sondages donnent une confortable avance à tous les rivaux socialistes du président sortant.

    D'une part, la déclaration de Royal intervient quelques jours après la surréaliste déclaration de Martine Aubry concernant une entente entre elle, Dominique Strauss-Kahn et Royal pour Aubry.jpgune candidature commune. Cette dernière sait très bien que dans ce cas de figure - arrangement d'appareil – ses chances sont quasiment nulles car le TSS (« tout sauf Ségolène ») est encore très vivace, bien que moins visible, dans le parti. En faisant cette annonce de façon plus rapide que prévu, la candidate déclarée prend à témoin les adhérents et les sympathisants appelés à s'exprimer lors des primaires en leur montrant qu'elle ne mange pas de ce pain, celui des combines, et qu'elle fait confiance à l'expression citoyenne pour désigner le ou la candidat(e). Elle marque ainsi un point dans l'opinion face à une première secrétaire pour le moins maladroite.

    L'autre raison qui explique le malaise ambiant tient au calendrier choisi pour désigner le candidat socialiste. Comme on le sait, les postulants doivent déclarer leurs intentions en juin 2011 avant des primaires organisées en octobre. En gros, il s'agit du même calendrier que pour le scrutin de 2007. L'idée avancée pour le justifier était qu'il fallait faire précéder le travail sur le programme - qui doit être validé en mars prochain – sur la désignation du candidat. Mais c'était également un moyen de laisser plus de temps à DSK pour qu'éventuellement, il se déclare candidat. Car ne l'oublions pas, sans le soutien des partisans du patron du FMI, Martine Aubry n'a pas de majorité au PS.

    Mais revenons sur cette idée selon laquelle le candidat doit reprendre à son compte le programme de son parti et donc être désigné dans un second temps. Ce principe, plutôt positif, est en fait un écran de fumée. Tout le monde sait bien que le candidat investi a une telle légitimité populaire qu'il peut choisir dans le programme ce qui l'intéresse et laisser le reste dans les armoires poussiéreuses de la rue de Solférino. Cette distorsion créé immanquablement – comme on l'a vu en 2007 – une tension entre les deux pôles qui est fort préjudiciable pour la victoire. D'autre part, installer un candidat dans l'opinion en moins six mois est une chose périlleuse. Il faut du temps pour que les électeurs se familiarisent avec un candidat et pour que celui-ci soit en phase avec le pays. Le PS ne semble pas avoir tirer les leçons du fiasco de 2007.

    Les socialistes les plus intransigeants répondent qu'il faut éviter une présidentialisation du régime et donc désigner au dernier moment le candidat. La peur de la personnalisation est dans de nombreuses têtes. Mais ce genre de réflexe est assez curieux pour un parti qui a milité en faveur du quinquennat voulu par lionel Jospin. Cette mesure instaurée avant la scrutin de 2002 a contribué à déséquilibrer encore davantage les institutions de 1958 construites autour de la figure centrale du président. De deux choses l'une: soit les socialistes disent clairement qu'ils veulent changer les institutions pour rétablir les droits – sans cesse violés – du Parlement, en allant vers plus de participation citoyenne (par exemple en mettant en oeuvre le référendum d'initiative populaire) et alors leur critique du présidentialisme est cohérente; soit ils restent dans le flou ambiant et alors ils doivent assumer les institutions telles qu'elle sont et se plier au jeu. A ne pas mettre en conformité leur discours et leurs actes, les socialistes prêtent le flanc à l'accusation de duplicité.

    Toujours est-il que le curieux calendrier des socialistes sert le dessein de Nicolas Sarkozy qui va pouvoir continuer à diviser les rangs de l'opposition. A mesure que les tensions internes vont s'exacerber, à mesure que les candidats à la candidature vont se multiplier (cinq sont déjà en piste dont Valls et Montebourg), le président et ses affidés souffleront allègrement sur les braises. Un jour, il aura un mot sympa pour un postulant; le lendemain, il organisera un voyage présidentiel sur le territoire d'un autre, etc. Dans ce contexte passionnel, les socialistes auraient tout intérêt à rediscuter leur calendrier. Mais il est peu probable qu'ils le fassent, ne serait-ce que pour ne pas déplaire à leur célèbre adhérent new-yorkais...

     

  • Conflit social: qui a "gagné"?

    Voici deux semaines que le conflit social autour de la réforme des retraites s'est emballé. Alors que la loi degrève retraite.jpgvrait être votée dans deux ou trois jours par le Parlement, un premier bilan peut être esquissé. Certes, le mouvement est loin d'être terminé, les blocages de raffinerie, malgré les réquisitions des pouvoirs publics, se poursuivent, entraînant une pénurie partielle de carburant. Mais, on sent bien, à la faveur des vacances scolaires, très opportunes pour le pouvoir, et la fin du feuilleton législatif, que la protestation sociale va baisser d'un niveau. Que retenir de cette rentrée sociale particulièrement agitée? Trois enseignements peuvent être tirés:
     

    1/ Le pouvoir n'a rien cédé.

    En France, il est tout à fait nouveau qu'un mouvement social aussi important dans la durée et par la mobilisation populaire (sans doute plus de cinq millions de personnes ont, à un moment ou un autre, manifesté contre le projet de loi) ne donne aucun débouché politique. Le joli mois de mai (68) s'était traduit par des accords sociaux importants (sur les comités d'entreprises, la revalorisation des salaires) sans oublier la réforme de l'université. L'importante mobilisation des cheminots en 1995 avait conduit à l'abandon du projet de réforme des régimes spéciaux pour les retraites (déjà!). Le mouvement anti-CPE de 1996 avait abouti à sa non-application, malgré l'adoption du Contrat première embauche par le Parlement. Cette fois-ci, à part de très minces aménagements pour les mères de famille et les parents d'enfants handicapés, le pouvoir n'a rien lâché. On pouvait, par exemple, penser qu'il a lâché du lest sur le départ à 67 ans pour les personnes qui ont eu des carrières en dent de scie car il apparaissait choquant que des travailleurs déjà peu gâtés par la vie dussent trimer si longtemps. Dans une posture à la Thatcher, le Président a affiché sa détermination, imposant même au Sénat si jaloux de son indépendance, une accélération de l'examen du texte. Est-ce que cette fermeté sera analysée comme un élément positif, traduisant une capacité à résister à la pression extérieure, ou, au contraire, comme un entêtement fâcheux synonyme de refus de dialoguer? Il est encore trop tôt pour répondre à cette question, mais on observera qu'au moment le plus critique – montée de la pénurie d'essence, mobilisation massive des lycéens avec ici ou là des débordements ultra-violents – les Français ont continué à exprimer un soutien très large à ces grèves qui, pourtant, compliquaient les conditions de vie des gens, en compromettant certains départs en vacances.

     

    2/ Le mouvement social est resté uni de bout en bout.

    Même si la fin de conflit pourrait se faire dans la désunion, on notera que pour la première foisleaders syndicaux.jpg depuis bien longtemps, le front syndical est resté soudé, malgré les différences évidentes de sensibilité, par exemple entre Solidaires et la CFDT. Cette centrale qui n'a reçu aucun gage de la part du pouvoir a fait le choix du conflit jusqu'au bout, ce qui marque une vraie évolution dans la culture cédétiste sensible à l'idée du compromis. Le pouvoir aura donc réussi à radicaliser le syndicat le plus réformiste et à ne pas isoler les éléments les plus radicaux qui, par leur attitude responsable, ont gagné en crédibilité. Le pouvoir espérait par ailleurs exacerber les tensions au sein de la CGT entre une direction plutôt ouverte au compromis et privilégiant un accord solide avec la CFDT et certaines fédérations prêtes à en découdre et à se rapprocher de SUD. Sauf évolution de dernière heure, il n'en a rien été et cela marque un échec pour la stratégie de division tentée par le pouvoir sarkozyste. A l'avenir, toute volonté de réforme jugée libérale sera sévèrement combattue par un front syndical qui, malgré sa défaite sur le papier, a marqué des points pendant ces semaines de mobilisation.

     

    3/ La gauche a été très présente, mais pas toujours convaincante.

    De bout en bout, les partis de gauche ont collé au mouvement social, participant à toutes les manifestations et ne faisant aucun commentaire sur la gestion du conflit. C'est la preuve d'un vrai respect de l'autonomie des militants syndicaux. Pour autant, la gauche est restée peu loquace sur les solutions qu'elle propose pour sauver les retraites. Celle-ci a louvoyé entre une négation du problème (certains affirmant que la question démographique n'est pas si grave que cela...position irresponsable) et le flou autour des propositions. On n'a toujours pas compris si le PS est favorable à l'allongement de la durée de cotisation (ce qui semble être la position majoritaire) ou au maintien du nombre d'annuités avant les réformes Balladur-Fillon. La radicalité de l'affrontement entre la rue et le pouvoir a masqué le manque de clarté de la gauche sur cette question. Certains objecteront que le PS a élaboré un contre-projet, mais on s'étonnera tout de même qu'il ne l'ait pas mis plus en avant. Sans doute parce qu'il aurait été jugé trop modéré par un mouvement social dont une partie a décidé, dans un élan de générosité pas toujours responsable, de faire fi de toutes les contraintes de l'environnement international. Le retour sur terre risque d'être un peu difficile...

     

     

  • Pourquoi Sarkozy n'a pas encore perdu

    La partie est-elle bien engagée pour la gauche et fort mal pour la droite? La fin de l'été peut donner cette impression à dix-huit mois de l'élection présidentielle. L'offensive sécuritaire-Aubry.jpgxénophobe du Président de la République et de sa garde rapprochée a suscité une levée de boucliers des associations et partis de gauche (classique...), mais également – et c'est plus embêtant – de l'épiscopat catholique. La violence du propos sarkozyste contre les Roms, notamment, suscite un vrai malaise au sein des cadres de l'UMP, et notamment chez tous les anciens Premiers ministres (Juppé, Raffarin et bien sûr Villepin). L'actuel a même, par une formule jésuitique, pris ses distances avec la volonté de l'Elysée de trouver un nouvel bouc-émissaire (« l'affreux gitans voleur de poules ») aux difficultés économiques, sociales et politiques. Ce premier coup de canif public à la solidarité entre Sarko et Fillon annonce sans doute le prochain changement de locataire à Matignon dans quelques semaines.

    L'interminable feuilleton Woerth amène, jour après jour, des éléments qui semblent confirmerBettecourt - Woerth.jpg des connivences coupables entre l'ancien ministre du Budget (et ancien trésorier de l'UMP) et la première fortune de France. L'idée que ce gouvernement est complaisant avec les riches et impitoyable avec les faibles (Roms, mais aussi chômeurs en fin de droits, petits retraités...) fait son chemin dans la société.

    Pour autant, la gauche doit-elle claironner sa victoire prochaine? Elle se garde bien de le faire, mais on sent ici ou là une certaine euphorie gagner ses soutiens, d'autant qu'une récente enquête montre une large avance des deux candidats favoris (DSK et Aubry) sur le président sortant. Dans cette affaire, il faut garder la tête froide. L'issue du scrutin à venir est loin d'être acquis. Plusieurs raisons plaident en faveur de la plus grande prudence.

    Dans le camp présidentiel, on devrait, avec l'arrivée du nouveau gouvernement, assister à Sarko grimace.jpgl'émergence d'un nouveau discours. Dans un contexte de large incertitude, de difficile reprise économique et de tensions internationales (l'Iran, l'Afghanistan et peut-être Israël-Palestine), le pouvoir pourrait proposer de sécuriser la vie des Français. Pas seulement sur le plan de la sécurité des biens et des personnes, mais aussi par rapport à la vie quotidienne et les grands dossiers du moment. Il est difficilement imaginable que le gouvernement ne mette pas de l'eau dans son vin dans sa réforme des retraites pour la rendre plus acceptable. Pas simplement parce que la mobilisation à venir – du 7 septembre – s'annonce massive, que le ministre du Travail est passablement affaibli, mais aussi parce qu'il est important politiquement de donner le signe que le pouvoir entend la protestation populaire.

    Cet engagement à sécuriser le quotidien des Français, s'il se vérifie, devrait avoir pour conséquences logiques de conduire à un assouplissement du bouclier fiscal et un freinage dans la volonté de réduire les déficits publics. Quitte à se fâcher avec l'Europe (mais cela ne peut pas faire de mal dans l'opinion publique), le pouvoir pourrait choisir une voie audacieuse qui couperait en partie l'herbe sous le pied à la gauche. Mais aura-t-il la clairvoyance de s'éloigner des canons néo-libéraux qu'assènent à longueur de journées ses principaux soutiens, y compris financiers? Sous cela, on voit mal comment l'UMP pourrait reprendre un tant soit peu l'initiative. Sans cela, les tensions internes dans le parti gouvernemental vont s'exacerber, les soutiens à la candidature de Dominique de Villepin affluer et la voie centriste se dégager.

    Du côté de la gauche, le mieux enregistré ces derniers mois ne saurait signifier que le ciel est dégagé. D'abord, parce que la compétition risque d'être plus rude lors de la désignation du candidat socialiste. Avec un affaiblissement sans précédent du Président de la République, de nombreux challengers vont se sentir pousser des ailes. François Hollande, Ségolène Royal voire Manuel Valls peuvent croire en leurs chances de l'emporter face à un sortant si affaibli. Ils doivent dès lors l'emporter lors des primaires, ce qui devient possible si DSK, mobilisé par une sortie de crise difficile, privilégie le confort américain à l'incertitude française. Comme les cicatrices du passé sont loin d'être refermées (l'affrontement Aubry-Royal, mais aussi le ressentiment de François Hollande ou de Bertrand Delanoë à l'égard de l'actuelle première secrétaire), cette épreuve des primaires, louée comme le nec plus ultra de la démocratie moderne, pourrait se transformer en foire d'empoigne. Et à ce petit jeu, il faut compter sur les leaders socialistes pour se surpasser.

    Second facteur de prudence: le flou des propositions. Même si l'arrivée de Martine Aubry a permis d'ouvrir divers chantiers de réflexion, le vide programmatique depuis le début des années 2000 n'a pas été comblé en quelques mois. Sur la conversion écologique de l'économie, sur la réduction des déficits publics, sur la rénovation des services publics, mais aussi sur la sécurité, on sent le parti tiraillé et souvent divisé. Confronté à ce risque, la tentation est grandM.jpge d'entretenir un certain flou et de réfugier dans les généralités. Ce qui pourrait faciliter la percée de la candidate d'Europe écologie ou celle du candidat de « l'autre gauche », sans doute Jean-Luc Mélenchon.

    La troisième incertitude tient à la question des alliances. Le PS ne peut l'emporter seul. Il devra compter avec un courant écologiste qui pourrait peser 10% et une gauche de la gauche participationniste qui pourrait s'en approcher. La configuration de la gauche plurielle de Lionel Jospin en 1997 était totalement différente, ce qui suppose pour le PS d'en finir avec ses comportements hégémoniques et son sentiment de supériorité. Il faut espérer pour ce parti que Martine Aubry aura l'habileté d'un François Hollande et une autorité suffisante vis-à-vis des barons socialistes pour négocier une alliance équilibrée et durable.

    Comme on le voit, la route vers une victoire de la gauche au printemps 2012 est encore pleine d'embûches. L'euphorie n'est donc pas de mise, mais l'excès de prudence et la tiédeur non plus. Les conditions sont potentiellement réunies pour éviter un troisième échec successif de la gauche à la présidentielle. Celle-ci a la responsabilité historique de ne pas les gâcher.