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Parti socialiste - Page 9

  • Pourquoi DSK pose un problème à la gauche

    A un peu moins de deux ans de la présidentielle, voilà qu'une avalanche de sondages nous plonge déjà dans cette échéance. Tous disent la même chose: le président sortant peut être battu (ce que personne n'imaginait voici un an) et Dominique Strauss-Kahn est le mieux DSK.jpgplacé pour lui ravir la place. Une enquête de CSA pour LCP indique, le 4 juin, que DSK gagnerait largement la primaire socialiste avec 33% des suffrages contre 12% à Aubry et 10% à Royal. Notons que ce sondage concerne l'ensemble des Français et non les adhérents et sympathisants socialistes, seuls appelés à s'exprimer. Or, on sait que le directeur général du FMI a une bonne cote parmi les électeurs de droite, ce qui remonte mécaniquement son score.

    Quittons la cuisine électorale pour essayer d'analyser cette candidature qui, si elle n'est pas déclarée, est déjà sur la table. Sur le papier, DSK a de nombreux atouts. Il est expérimenté (ministre, FMI) sans être trop âgé; il a une dimension internationale sans être déconnecté des réalités françaises (il a été maire de Sarcelles); il bénéficie d'un vrai réseau au sein du PS et de relais dans les médias et parmi les intellectuels; c'est un homme d'action tout en étant immergé dans le débat d'idées. Tout cela est vrai, et il serait malhonnête de le nier.

    Pour autant, cette candidature pose plus de problèmes qu'elle n'en résout. Essayons de nous projeter dans deux ans, quand le pays va s'exprimer. La situation sociale et économique française risque d'être calamiteuse: déficits record (malgré la comm' sur la réduction du train de vie de l'Etat), taux de chômage élevé, précarité et misère massives. L'Europe pourrait bien être encore engluée dans les suites de la crise 2008-2009, avec des problèmes de gouvernance toujours pas résolus. Sur le plan international, en l'absence de plan de paix au Proche-Orient (comment y croire à moyen terme?), l'isolement d'Israël pourrait être renforcé et l'Etat hébreu sera tenté d'alimenter sa tension avec l'Iran qui a également besoin de ce moteur pour exister. Les tensions politiques et commerciales avec la Chine, elle-même plongée dans une grave crise suite à la contraction de la demande internationale, pourraient s'aggraver. Pour Barak Obama, l'approche de l'élection présidentielle - qui pourrait être difficile vu la montée logique des mécontentements - devrait le conduire à se concentrer sur les enjeux intérieurs et à défendre bec et ongle les intérêts, réels ou supposés, des Etats-Unis.

    C'est dans ce contexte (tout à fait possible) qu'il faut analyser la candidature de DSK, et non pas avec les lunettes de 2010 où le pouvoir est tellement discrédité et où l'éloignement de Paris pour le patron du FMI lui donne cette dimension d'homme providentiel qui sied tant auDSK, sarko.jpg peuple français. D'ici là, Nicolas Sarkozy aura enfourché une nouvelle marotte, trouvé deux ou trois idées géniales pour faire meilleure figure. Et puis, la situation sociale mauvaise, voire calamiteuse, sera mise sur le dos de la crise internationale, donc attribuée à DSK. N'est ce pas Sarko qui a fait des pieds et des mains pour que l'ancien ministre de Jospin y soit nommé?

    Début 2012, s'il est désigné par les primaires, DSK débarquera à Paris avec son habit de directeur général du FMI dont l'intervention aura été déterminante en Europe, en Grèce évidemment, peut-être demain en Espagne et au Portugal. Comme on le voit déjà chez nos amis hellènes, les solutions plus ou moins imposées par le FMI pour secourir des Etats proches de la banqueroute auront saigné les peuples. La colère face à l'injustice de sacrifices imposés aux plus modestes sera grande. Comment notre fringant patron du système financier international pourra-t-il se présenter devant les Français avec des solutions de gauche? Qui le croira, lui qui a mis en oeuvre des solutions libérales, proches du fameux et critiqué ajustement structurel qui a ruiné de nombreux Etats du Sud?

    Cette candidature serait du pain béni pour la droite et la gauche radicale qui dénonceront, non sans raison, la duplicité des socialistes, partisans de l'iDSK, aubry.jpgntervention publique à Paris et de la dérégulation à New-York. Par ailleurs, celle-ci créerait des tensions fortes avec l'appareil socialiste comme on en a connu déjà en 2007. Comment croire, en effet, que l'ancien DG du FMI défende le retour de la retraite à 60 ans ou la forte taxation des dividendes et autres jeux spéculatifs qui seront au programme du PS. Ce n'est pas faire injure à DSK que de rappeler qu'il a plus d'entrées et d'amitiés dans les milieux patronaux que chez les camarades de la CGT. Ce n'est pas criminel, cela ne mérite pas le peloton d'exécution, mais cela augure mal de la nécessité d'avoir des dirigeants moins liés aux grands intérêts.

    En tout cas, une chose est sure: une candidature DSK ne ferait que renforcer Mélenchon et Besancenot qui, à deux, pourraient atteindre les 12 et 15%. Au second tour, cela promet bien du plaisir au candidat « socialiste » pour rassembler toute la gauche, d'autant qu'il aura peu de réserves au centre, ayant largement aspiré cet électorat rassuré par la pragmatisme de DSK.

    L'autre préoccupation de 2012 pourrait être écologique. Là dessus, on n'a jamais perçu beaucoup d'audace de la part de DSK, engoncé dans ses certitudes productivistes et pro-nucléaires. Là aussi, le report des voix écologistes pourrait ne pas être si évident.

    Bien entendu, la logique de communication dont il est l'un des maîtres avec... Sarkozy et l'appui précieux dont il bénéficie de la part des dirigeants d'Euro RSCG (Fouks, Finkelstein) pourraient l'aider à gommer les incongruités de son parcours d'homme de gauche. Même si les vieux médias pourraient, après avoir joué la carte Sarkozy, se rabattre sur la candidature DSK, celui-ci devra faire face à l'interpellation des nouveaux médias (réseaux sociaux, blog...) qui ne sont prêts à gober facilement le repositionnement stratégique du grand argentier international devenu le porte-drapeau de l'alternance de gauche.

     

  • Pourquoi tant de violences en politique ?

    Guerre ouverte entre Dominique de Villepin et Nicolas Sarkozy. Attaque de Bernard Accoyer contre Jean-François CoVillepin - Sarko.jpgpé. Compétition sans merci entre Martine Aubry et Ségolène Royal. Opposition forte entre Daniel Cohn-Bendit et Cécile Duflot. La politique est monopolisée, ces derniers temps, par des affrontements souvent musclés entre des hommes et des femmes qui sont, théoriquement, dans le même camp. La chose n'est pas nouvelle – pensez aux oppositions Chirac / VGE et Mitterrand / Rocard par exemple. Mais elle revêt de plus de plus une dimension obsessionnelle comme s'il fallait s'affirmer par rapport à celui qui est politiquement proche de soi. Tous les coups, toutes les allusions (notamment à la folie supposée de son rival) sont permis On est assez loin d'une éthique démocratique qui suppose un respect mutuel. On est plutôt dans l'étalage quotidien de la haine.

    Quelles conséquences cela a-t-il sur l'espace politique? Soyons clair: cela contribue encore à assombrir le blason d'une sphère fortement discréditée. Pour de nombreux concitoyens, non seulement les politiques mentent allègrement et manquent de courage, mais ils se conduisent comme des gamins insupportables, se chamaillant et incapables de se maîtriser. Dans une société où le « moi je » règne en maître et où se banalise la violence, il y a un besoin fort de préserver un espace ouvert qui obéisse à d'autres règles. Qui valorise l'intelligence et l'art de la conviction sur les ficelles faciles de la démagogie et de l'humiliation de l'autre. Mais quand un président de la République traite un citoyen de « pauv'con », quand le principal parti d'opposition se déchire lors d'uAubry - Ségo.jpgn congrès, s'accusant mutuellement de tricherie, quand un socialiste change de camp en pleine campagne présidentielle et reprend à son compte les thèmes auparavant honnis de l'identité nationale et de la chasse aux immigrés, on « trivialise » la politique; on en fait simplement un objet marchand puisque tout s'achète et que toutes les valeurs sont fonction du contexte et des opportunités.

    Cette affaire est grave car le politique n'a plus aucune légitimité à s'opposer à la montée des violences. Comment rendre crédibles les discours sur le « vivre ensemble », sur les voies pacifiques de résolution des conflits quand le « spectacle » de la politique n'obéit qu'aux lois de la trahison et du cynisme? Comment le Premier des Français peut-il donner envie d'entraîner le peuple dans son exhortation de la tolérance et de l'écoute des autres (message de voeux 2010) quand lui-même poursuit avec obsession l'idée de se venger d'un ancien Premier ministre? Comment faire évoluer la réflexion de certains jeunes embués dans la violence qui sont persuadés d'être victimes d'un complot dirigé contre eux, quand un conseiller de l'Elysée brandit cet argument à propos d'une vague et banale rumeur d'adultère? Bien des politiques qui font et défont les carrières devraient penser à l'image qu'ils donnent. Ils n'ont pas conscience, les malheureux, qu'ils sont en train de scier la fragile branche sur laquelle ils évoluent.

    Dans la sphère politique, il existait un courant qui semblait préservé des affres de la violence destructrice. Les Verts entendaient ainsi « faire de la politique autrement », respecter les personnes et ne s'opposer que sur des idées. Si tant est que cela ait un jour existé, il faut dire tranquillement que ce temps est révolu. Le mois qui a suivi la bonne perfoDuflot - Dany.jpgrmance d'Europe écologie a été marqué par des affrontements internes d'une rare violence entre les camps Duflot et Cohn-Bendit. Au centre des « débats », la question de la transformation des structures et l'éventuelle dissolution des Verts dans un ensemble plus vaste. Un ami arrivé récemment à Europe écologie me racontait l'avalanche de mots assassins qu'il a entendus et parfois endurés (« Je vais t'écrabouiller »...). Curieux scénario d'un mouvement qui se déchire alors qu'il est, à la différence de l'UMP ou du MoDem, dans une phase ascendante.

    Il n'y a pas d'explication simple à cette dégradation des moeurs en politique (même s'il faut se garder d'idéaliser le passé). Peut-être faut-il y voir la conséquence de cet affaiblissement prodigieux des références idéologiques, qui a libéré l'affirmation des ambitions personnelles. Plus de tabou, par exemple, à dire deux ans avant l'échéance, qu'on est candidat à l'Elysée! Les partis ne sont plus, pour certains de ses responsables, qu'un espace destiné à la conquête du pouvoir. La réflexion peut attendre ou alors elle est sous-traités à des thinks tank ou laboratoires internes.

    Dans ce contexte, la décision de communistes critiques (comme Patrick Braouezec) de quitter leur parti pour imaginer de nouveaux lieux politiques et la proposition de Dany Cohn-Bendit d'organiser Europe écologie sous la forme d'une coopérative (reste à en préciser les contours...) sont des initiatives intéressantes pour réfléchir à un dépassement de la forme « parti » qui s'est transformé en simple machine électorale.

  • Régionales: les cinq enseignements nationaux

    La tradition électorale est respectée: le second tour confirme, voire amplifie, la tendance du premier. Les princes de la Sarkozye, brieffés par les sorciers de l'Elysée, avaient fait mine de croire que le 21 mars pouvait défaire ce que le 14 mars avait dessiné, c'est-à-dire un désavurnes électorales.jpgeu majeur du pouvoir. Certes, il s'agissait de vingt-deux scrutins régionaux (pour ne parler que de la métropole) avec ses particularités et le poids des majorités sortantes – pratiquement toutes de gauche. Mais quand tant de ministres concourent, que le Premier ministre mouille autant sa chemise et que le Président, décidément incapable de rester en retrait, coache l'ensemble, allant jusqu'à arbitrer telle ou telle place sur une liste, il est difficile de penser que ce scrutin ne propose pas d'enseignements nationaux. En voici cinq, majeurs.

    1/ La montée de l'indifférence électorale.

    Un citoyen français sur deux est resté étranger au scrutin. La participation est légèrement supérieure pour ce second tour, mais reste dans des eaux très basses, de plus de dix points inférieure à ce qu'elle fut en 2004. A part l'Alsace où les campagnes fortement conservatrices, notamment dans le nord du Bas-Rhin, ont voté pour le candidat UMP, les électeurs de droite ont boudé le scrutin. Exemple emblématique, les Hauts-de-Seine où la gauche est en tête: l'abstention touche un électeur sur deux – alors qu'en 2004, elle n'en concernait qu'un sur trois. Le discours de déni de la réalité entonné par les leaders de droite (« on ne peut tirer aucun enseignement d'un scrutin marqué par un tel taux d'abstention ») a renforcé chez les sympathisants UMP l'idée selon laquelle la majorité, Président en tête, était incapable de les écouter.

    A côté de cette abstention très politique – qui ne représente sans doute pas plus de 5-6 points – existe et se développe une indifférence électorale très préoccupante, sur le registre: « Puisque les politiques ne s'intéressent pas à mon sort, je me détourne de leur univers et de leurs jeux politiciens. » Il ne s'agit pas forcément de populisme (mot fourre-tout), mais plutôt d'une coupure entre des mondes qui devraient s'interpénétrer. Ceux qui se détournent des scrutins le font, pour certains, de façon délibérée. Aux partis politiques d'en tenir compte!

    2/ L'ancrage du Front national

    C'est la grande surprise de ce scrutin qu'aucun institut de sondage n'avait vu veniLe Pen JM et Marine.jpgr – comme en 2002 lors de la présidentielle: la remontée du parti de la famille Le Pen. Non seulement le FN a réussi à dépasser la barre des 10% dans une douzaine de régions, mais il progresse sensiblement d'un tour sur l'autre. C'est un fait nouveau (et inquiétant): jusque-là, les électeurs du FN donnaient un coup de semonce au premier tour et, pour certains, retrouvaient leur famille politique d'origine au second tour (la droite parlementaire pour une majorité, la gauche pour les autres). Cette fois-ci, non seulement les électeurs du premier tour sont restés fidèles à leur choix, mais le score du FN d'un dimanche à l'autre a été renforcé, dépassant les 20% dans deux régions. Dans le Nord-Pas-de-Calais, celui-ci progresse de 4 points, tout comme en Picardie et en Lorraine. En Languedoc-Roussillon, la hausse atteint les 7 points. Les régions où le FN avait provoqué une triangulaire sont aussi celles où la participation a le plus progressé: + 7 points en PACA, + 5 points en Picardie et en Lorraine, + 4 dans le Nord-Pas-de-Calais. Difficile de faire la part des divers facteurs explicatifs de ce rebond du FN – l'aggravation des difficultés économiques, la déception vis-à-vis de Sarkozy, la montée de l'islamophobie, le débat sur l'identité nationale, la personnalité de Marine Le Pen – mais une certitude: le Président de la République qui n'enorgueillait d'avoir terrassé l'hydre frontiste en 2007 a, une nouvelle fois, échoué, malgré ses appels du pied insistants en direction de cet électorat.

    3/ Les couleurs retrouvées du PS

    Même si Martine Aubry n'a pas réussi son pari du grand chelem, même si Georges Frêche la nargue avec son score de 55% - et ce dans le cadre d'une triangulaire -, le parti socialisAubry.jpgte gravement fragilisé depuis l'échec de 2007 retrouve une vraie légitimité. Attention, il ne s'agit pas d'une adhésion à son programme national et à ses leaders, mais d'une confiance dans ses élus locaux, notamment régionaux, qui ont su développer quelques politiques intéressantes en matière de transports notamment. Les présidents de région, parfois peu connus, ne sont pas associés dans l'esprit de la population aux batailles de chef qui secouent la rue de Solférino (même s'ils y participent parfois). Ils bossent plutôt bien, donc on les récompense d'un second voire d'un troisième mandat.

    Comment passer d'un carton presque plein localement (21 régions métropolitaines, les 2/3 des départements, les ¾ des grandes villes) à une crédibilité nationale? Cette équation suppose au minimum d'articuler trois axes:

    • réussir les politiques régionales, notamment en mettant en oeuvre ce fameux bouclier social promis aux Français. Avec la crise économique et de la volonté de l'Etat de reprendre une partie de l'autonomie des régions (suppression de la taxe professionnelle, réforme des collectivités locales), la partie ne va pas être simple pour les exécutifs régionaux.

    • définir un projet national. Sur un tas de questions (retraite, fiscalité, énergie nucléaire, politique industrielle), difficile de savoir que ferait le PS arrivé au pouvoir. Il faut vraiment que ce parti, tellement à l'aise dans les campagnes électorales, se mette à travailler intellectuellement et à faire des arbitrages. L'exercice si longtemps différé par François Hollande sera-t-il enfin mené à terme par Martine Aubry? Sa crédibilité pour la présidentielle en dépend.

    • clarifier son mode de désignation. On le sait, les adhérents ont largement approuvé, à l'automne dernier, le recours aux primaires larges de la gauche. Mais on ignore toujours les modalités de cette formule, son ouverture à d'autres formations et bien sûr la date. Les organiser trop tôt (printemps 2011) risque de précipiter le travail programmatique nécessaire; les prévoir à l'automne 2011, comme la dernière fois, aurait l'inconvénient de laisser un temps réduit au candidat pour s'installer dans l'opinion. Le PS doit, par ailleurs, méditer la leçon des régionales à droite: il faut respecter la diversité des sensibilités des électeurs; un candidat unique peut être un handicap pour le second tour.

    4/ Les promesses d'Europe écologie

    En termes de sièges régionaux, la constellation écologiste est la grande vainqueur de ce scrutin: Europe écologie (EE) devrait doubler le nombre des conseillers Verts et surtout celui de ses vice-présidences. L'écologie ne peut plus être la roue de secours d'une gauche mal inspirée. Elle doit l'aider à faire sa mue en reconsidérant ses postulats scientisDany.jpgtes et productivistes qui marquent encore sa pensée. Après deux scrutins réussis, les difficultés commencent pour EE. Elle va devoir s'organiser dans un nouveau cadre. Dany Cohn-Bendit propose plus ou moins la dissolution des Verts et l'organisation d'une sorte de fédération plus souple et ouverte qu'un parti. L'appareil des Verts ne semble pas emballée par cette perspective. Débats en perspective.

    D'autre part, 2012 pourrait être un piège pour EE. Faut-il ou non se présenter à cette élection ultra-personnalisée qui ne correspond pas à la culture écolo? Faut-il négocier avec le PS pour avoir des places éligibles? Mais alors comment conserver une forme d'autonomie qui a fait le succès d'EE? Le scénario de la Bretagne doit, en tout cas, faire réfléchir les dirigeants. Dans le cadre d'une triangulaire avec la gauche, Guy Hascoët a fait passer le score d'EE de 12 à 17 % alors même que la participation a augmenté de 4 points. Une partie de l'électorat écologiste ne veut pas d'alliance avec la gauche traditionnelle, du moins tant que celle-ci ne s'est pas profondément rénovée.

    5/ Le désarroi de la droite

    La conservation de l'Alsace et la conquête de la Réunion et la Guyane (avec des spécificités locales très fortes) ne peut consoler la droite. Non seulement elle ne reconquiert aucune des régions prises par la gauche en 2004, mais elle est souvent battue largement par celle-ci. L'UMP est toujours à plus de dix points du président sortant et dans certaines régions, elle subit une humiliation: 26% pour Valérie Létard dans le Nord-Pas-de-Calais (quatre points de plus que Marine Le Pen), 28 % pour Xavier Darcos en Aquitaine... Étonnamment, le discours du second tour ressemblait à celui du premier: on a certes perdu, mais on ne va pas changer grand-chose dans notre façon de faire. Un petit reliftage gouvernemental – avec l'éventuel départ des Hirsch ou Bockel, symboles de l'ouverture sarkozyenne – n'est pas à la hauteur du désarroi d'un électorat qui est nostalgique de l'élan de 2007 et ne retrouve plus son « Nicolas ». La difficulté pour la droite est la rançon de son succès: comme l'UMP a « caporalisé » son organisation, évacué tout débat depuis sa victoire, Copé.jpgtoute critique, même mesurée, est vécue comme un affront, un vrai crime-de-lèse-majesté. La période est propice à des tentatives de dissidence. Dissidence ouverte pour Dominique de Villepin qui veut empêcher la réélection de Sarkozy en 2012. Dissidence feutrée pour Jean-François Copé qui veut se placer en embuscade pour réorganiser la droite après un éventuel échec à la présidentielle. Au centre droit, l'échec du MoDem pourrait donner des envies d'autonomie (relative). L'enjeu pour la droite est le suivant: faire accepter au président de la République l'idée selon laquelle le débat et la contradiction peuvent servir son dessein pour 2012 et non l'entraver. Au vu de l'autisme élyséen, c'est pas gagné...

  • Ca l'affiche plutôt bien ou... mal

    A une dizaine de jours du premier tour des régionales, il faut bien reconnaître que l'intérêt pour cette campagne se limite surtout aux militants et journalistes politiques. Les partis politiques portent une responsabilité dans ce faible intérêt en ayant « pollué » la campagne par des considérations tout à fait marginales. La droite francilienne (ou du moins une partie d'entre elle) a commis le pêché de vouloir discréditer le PS sortant par l'amalgame et le mensonge (en formulant des accusations graves et en partie infondées contre la tête de liste dans le Val d'Oise, Ali Soumaré). Elle a pris le risque de salir la campagne et d'accroître la méfiance des quartiers populaires à l'égard de la politique. Quant à la gauche, elle s'est emmêlé les pinceaux en Languedoc-Roussillon en attaquant beaucoup trop tardivement le bien peu recommandable Georges Frêche, sans trouver de solution crédible (on imagine mal que Hélène Mandroux, maire de Montpellier, choisisse en cas de victoire d'abandonner un poste qui reviendrait sans nul doute à un « Frêchiste »). Elle a montré ainsi que le niveau national avait un poids de plus en plus réduit par rapport aux notables locaux qui font ici ou là la pluie ou le beau temps.

    Par-delà ces péripéties politiciennes, le faible intérêt pour les régionales traduit aussi la difficulté pour les électeurs à comprendre les clivages politiques sur les domaines d'action des régions. Dans la construction et l'entretien des lycées, dans la mise en oeuvre de la formation professionnelle, pour les transports régionaux, on peine à voir clairement en quoi des politiques de gauche et de droite se séparent foncièrement. C'est d'autant plus difficile de comparer que l'ensemble des régions (à l'exception de deux régions très singulières – la Corse et l'Alsace) a été gérée pendant six ans par la gauche. Il n'en reste pas moins qu'à l'heure de la sur-médiatisation des « bruits de chiotte » politiques, il est très difficile de rentrer dans la complexité des choix politiques. D'une certaine manière, ce constat ne peut que renforcer la volonté du président de la République d'affaiblir les échelons territoriaux, en particulier la région. La défense de celle-ci ne mobilisera pas les foules...

    Prenons la campagne autrement, peut-être par le petit bout de la lorgnette: les affiches électorales des panneaux officiels (en tout cas celles en Ile-de-France). A travers elles, on peut mieux comprendre la stratégie des principales listes. Bien entendu, cet affichage public a un rôle limit155.JPGé dans le choix final des électeurs, mais il est loin d'être anodin.

    Commençons par la liste conduite par Jean-Paul Huchon. Là, on joue la carte de la personnalisation à outrance du président sortant (depuis huit ans). Il s'agit clairement d'installer dans l'opinion l'autorité du chef de la région que le pouvoir central conteste régulièrement, notamment via le chantier du Grand Paris qui vise à affaiblir terriblement l'échelon régional. On remarquera que le slogan « Une région pour tous, une région pour vous » peut convenir à n'importe quel électeur modéré et que le sous-titre Huchon 2010 est écrit en caractère plus gros que « la gauche pour Ile-de-France ». Comme si le clivage politique était finalement très secondaire par rapport au sérieux et à la compétence 160.JPGdu chef de l'exécutif.

    Diamétralement opposé, le choix du Front de gauche. Le slogan choisi (« Une bonne gauche face à la droite »), la photo d'une quinzaine de personnes et surtout les six engagements écrits en bas de l'affiche proposent clairement une alternative au président sortant (même si les deux devraient fusionner au second tour). Pour autant, le message n'est pas très clair. La tête de liste – Pierre Laurent – n'est visuellement pas bien identifiée et elle semble chaperonnée par les trois « ténors » du Front de gauche (Buffet, Mélenchon et Picquet). Alors démarche réellement collective ou accord d'appareil pour constituer une liste?

    A droite, on retrouve un peu le même clivage entre la liste UMP et celle présentée par Debout la République de Nicolas Dupont-Aignan141.JPG. D'un côté, la plastique impeccable de Valérie Pécresse avec un sourire absolument imbattable, plus les deux premiers de la liste départementale. Le slogan (« Changer pour mieux vivre en Ile-de-France ») est assez discret, écrit en caractères deux ou trois fois moins gros que l'identité des têtes de liste. On a le sentiment que la liste UMP n'a pas su choisir entre l'affichage d'un changement auquel elle ne croit peut-être pas (les sondages lui étant très défavorables) et le côté rassurant de deux figures gouvernementales (P156.JPGécresse et Jouanno). Vu le discrédit qui frappe le gouvernement, il n'est sûr que ce choix soit si judicieux...

    La liste Dupont-Aignan prend le risque d'être bavarde en jouant la carte de la dénonciation. Stigmatisant « le PS, l'UMP et les Verts », le député non-inscrit de l'Essonne croit savoir que la bande des 3 (Le Pen parlait voici une quinzaine d'années de la bande des Quatre mise sur l'abstention des électeurs pour « conserver leur place ». Debout la République enjoint les électeurs de « voter pour les sanctionner » en choisissant des « élus de terrain, courageux,100 % indépendants ». Le propos est « légèrement » démagogique (Dupont-Aignan a longtemps été au RPR puis à l'UMP), mais il surfe habilement sur le désintérêt pour ces élections. Quant à savoir quel programme défendent les « 100 % indépen142.JPGdants », n'en demandons pas trop! 

    A mi-chemin entre la carte perso et la dimension collective, l'affiche d'Europe écologie. Belle photo de Céline Duflot sur fond vert et sur le côté, les petites photos de quatre personnalités: D. Cohn-Bendit, E. Joly, J. Bové et A. Legrand. A part ce dernier, leader des Enfants de Don Quichotte, les trois autres ne sont pas candidats aux régionales, mais ont été les figures médiatiques de la victoire aux européennes. Le fait que la liste mette en avant la carte « Europe écologie » plus qu'un slogan pour le scrutin régional prouve que le choi146.JPGx a été clairement fait de surfer sur la victoire de juin dernier. Attention tout de même à ne pas trop abuser de cette carte de visite!

    Les concurrents de « l'écologie indépendante » prennent le contre-pied d'Europe écologie en valorisant leur slogan assez décroissant (« l'heure n'est plus à aménager le territoire mais à le ménager ») au détriment des têtes de liste dont la notoriété est très limitée. Seule curiosité : une madame Hulot dont on ne connaît pas l'éventuel lien de parenté avec notre Nicolas national...

    Sans vouloir c162.JPGomparer de158.JPGux listes qui ne jouent pas dans la même division, on constatera les choix différents faits par le MoDem et Emergence (une démarche d'essence associative) pour valoriser des candidatures issus de la diversité de la société française. Le sérieux et la personnalisation d'Alain Dolium (MoDem), chef d'entreprise dans le civil, qui entend donner « De l'oxygène pour l'Ile-de-France » (tout un programme!); l'esprit collectif, mais un peu aventurier (« Ensemble, bouleversons la donne ») pour une liste black-blanc-beur conduite par Almany Kanouté, dont la barbe en forme de collier inquiétera certains électeurs-qui-voient-des-islamistes-partout...

     

    PS: Je n'ai volontairement pas traité les affiches du FN (priorité aux Français, comme d'hab') et celle de Lutte Ouvrière (avec deux tonnes de texte). Celle de NPA n'était pas visible le 4 mars, du moins dans mon quartier.