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10 mai - Page 11

  • PS : le congrès de Toulouse n'aura pas lieu

    A quoi peut encore servir le congrès du parti socialiste qui aura lieu dans la cité rose dans moins d'un mois ? Poser cette question, c'est s'interroger sur l'impossibilité pour ce parti d'affronter les affres du pouvoir. Par deux fois (dans les années 80 ; entre 1997 et 2002), le PS a contrôlé, la plupart du temps avec une majorité absolue à l'Assemblée, le pouvoir central. Le parti est devenu alors une chambre d'enregistrements, incapable de mettre en garde sur les dérives d'un Mitterrand se délectant des intrigues du pouvoir. On a vu ce que cela avait donné, avec la faillite morale, l'échec économique et la bérézina électorale (en 1993, les socialistes ont moins de 100 députés).

    En 1997, le contexte est assez différent puisque la gauche gouverne avec un président de droite (Jacques Chirac). Lionel Jospin transmet les rênes du parti à un jeune poulain promis à un bel avenir, François Hollande. Lequel va passer les cinq années à esquiver tout débat. Même en 2000, lorsqu'on s'engage sur la voie contestable de la réduction de la fiscalité, même lorsqu'on négocie une seconde loi Aubry sur la réduction du temps de travail faiblement créatrice en emplois, le parti se tait, laissant juste quelques râleurs exprimer leurs critiques. Il ne faut pas gêner le camarade Lionel pour l'emporter lors de la grande explication de 2002. On se rappelle de la suite : Lionel dépassé par Le Pen, le sursaut républicain autour de Chirac et puis 10 années d'opposition...

    A même scénario, même résultat ? Difficile de savoir si l'échec sera au rendez-vous, mais en tout cas, on reprend les mêmes et on recommence. Au sommet, on règle, non sans loupés, la succession de MartiH. Désir.jpgne Aubry, choisissant un apparatchik qui a pu faire rêver un temps (il n'était pas Désir pour rien) et qui s'est aménagé une petite carrière à Solférino. Dans cette affaire, au motif que le dernier congrès avait donné lieu à un méchant cafouillage, on dit gentiment aux militants qu'on se passera de leur avis pour la désignation du nouveau premier secrétaire. On vous a bien mobilisés pour la primaire de l'automne 2011 ; on a fait rêver quelques millions de Français sur le renouveau de la politique. Et puis patatras, la victoire tant attendue débouche sur un scénario digne du parti communiste à son heure de gloire où tout se réglait dans les sous-sols du bunker de la place du colonel Fabien. Chassez le naturel...

    A quoi sert normalement le congrès d'un parti politique? Outre la désignation des instances dirigeantes, il vise à organiser un débat ouvert, à mettre en débat différentes thèses. Même si les orientations prises par le parti ne s'imposent aux gouvernants, elles permettent de sentir ce qui monte comme aspirations et d'être vigilant par rapport aux dérives (inévitables?) de l'exercice du pouvoir. En clair, un parti qui débat, qui propose et qui marque parfois ses différences doit permettre de ne pas se retrouver "à poil" face aux désarrois populaires. Un parti qui fonctionne n'est pas une entrave à l'exercice des responsabilités, mais joue le rôle de vigie, de boussole.

    A quoi va-t-on assister courant octobre ? A un simulacre de débat entre une motion ultra-majoritaire qui épouse tout l'arc-en-ciel socialiste et 3 ou 4 petites motions qui rassembleront entre 2 et 10 % des suffrages des militants. Le Premier ministre, en bon petit soldat d'une Hollandie qui a décidément bien du mal à sortir de la vision de la Mitterrandie, s'est escrimé, avec succès, à rassembler tout le monde, de Hamon à Valls en passant par Montebourg et Peillon, sur un texte qui ressemble à de l'eau tiède. Comment penser que le représentant de l'aile de gauche (Hamon) partage le point de vue de l'aile plus à droite qu'incarne, avec talent, le ministre de l'Intérieur? Comment croire que les amis de Aubry qui croient au développement durable et à la conversion écologique de l'économie ait tant de points communs avec le ministre du Redressement productif qui joue la partition d'un Chevènement? Pourquoi refuser que ces divergences soient débattues, fassent l'objet d'une explication ? On a peur d'effrayer les Français comme s'ils n'avaient pas compris que le PS regroupe des sensibilités différentes et que le débat interne est plutôt sain. Méthode Coué, quand tu nous tiens...

    Comme on pouvait s'y attendre, la rentrée du gouvernement est difficile. Les cotes de popularité sont en chute libre ; les tensions avec les Verts menacent l'éuilibre interne ; la gauche de la gauche mobilise contre le traité européen qui ressemble peu ou prou au texte négocié en début d'année par Nicolas Sarkozy. Là aussi, on peut expliquer qu'il en va de la survie de l'espace européen et que cela mérite bien quelques entorses aux convictions de gauche. Mais ne faisons pas croire que, dans un contexte dominé par les partis de droite, Hollande, avec ses petits muscles, a inversé le cours de la construction européenne. Sans doute a-t-il obtenu quelques aménagements à la marge, mais là encore, cela mérite débat. A enfouir systématiquement les désaccords sous le tapis, le PS doit s'attendre à ce qu'ils se transforment en bombe à retardement. Une fois encore, l'exercice du pouvoir risque d'annihiler toute lucidité et tout discours de vérité. Dommage !             

  • Malaise sur la planète Hollande

    En cette rentrée politique marquée par les traditionnelles universités des partis (dont on aimerait que la fonction de formation des militants soit réaffirmée), le climat n'est plus du tout le même que celui que nous avions laissé lors de mon dernier post, fin juin. L'euphorie tranquille qui régnait, consécutive à une victoire assez large de l'alliance PS-EELV couplée avec une large défaithollande inquiet.jpge de la droite et du... Front de gauche, a laissé place à un inquiétant attentisme. La cote de popularité de l'exécutif est déjà très dégradée alors que rien de sérieux (et de très impopulaire) n'a été décidé. Que deviendra-t-elle dans deux mois si la tonalité de la nouvelle majorité se fait plus « churchillienne » avec des efforts importants, pas simplement pour les « plus riches »?

    Difficile de comprendre les raisons de ce lancinant malaise que traduit inversement le retour en grâce de Nicolas Sarkozy dont on va finir par oublier qu'il a été le Président de la république le plus détesté de la Ve (avec peut-être VGE). En effet, qui peut attendre sérieusement des résultats probants au bout de 100 jours, en partie estivaux? Rien, d'ailleurs, dans les premières décisions n'a donné lieu à un vrai cafouillage ou à des reniements. Jusque-là, les engagements ont été grosso modo respectés (on regrettera tout de même les ratés sur l'écologie avec le départ de Nicole Bricq et la gestion, au début calamiteuse car exclusivement policière, du dossier Rom).

    Non, le problème est ailleurs et il tient, à mon sens, à deux éléments majeurs. D'une part, François Hollande n'est pas encore vraiment dans les habits du Président. Ses débuts ont, il est vrai, été paralysés par les caprices de « ses » deux femmes dont les règlements de compte ont eu des effets collatéraux sur son image. Avec cette interrogation triviale, machiste à souhait, qui, pourtant a eu un impact dans l'opinion : un homme qui a tant de mal à réguler sa vie personnelle a-t-il la poigne pour conduire les affaires de la France ? Cet épisode était d'autant plus fâcheux qu'il rappelait les premiers mois de l'ancien Président empêtré dans sa relation avec Cécilia.

    D'autant plus fâcheux, dis-je, car l'obsession de Hollande a été (est?) de se démarquer totalement de son prédécesseur. Ce qui a marché à merveille pendant la campagne (même s'il n'a réuni que 52% des suffrages) se révèle un peu court une fois les mains dans le cambouis. Réduire le train de vie de l'exécutif et troquer l'avion pour le train sont des gestes plutôt sympathiques, mais qui semblent trop répondre aux exigences de la communication politique pour être totalement convaincants.

    Cette obsession à prendre le contre-pied de Sarkozy lasse à la fin car elle ne construit pas une politique. De plus, la lecture du bilan de l'ex président mériterait d'être moins caricaturale : si les Français ont rejeté le style bling-bling du « Président des riches », s'ils l'ont trouvé brouillons et éventuellement diviseurs, ils ont pu être épatés par l'énergie du bonhomme, sa capacité (pas toujours très productive) à soulever toutes les montagnes pour débloquer la crise. On pense notamment à sa présidence de l'Union europhollande bregançon.jpgéenne et son rôle de la guerre libyenne. En l'occurrence, il n'aurait pas été totalement déplacé que Hollande interrompe ses vacances à Brégançon pour essayer d'enclencher une mobilisation mondiale en faveur du peuple syrien. Si une intervention militaire est une idée assez grotesque, l'attentisme de la communauté internationale (au motif que la Chine et surtout la Russie bloquent toute résolution à l'Onu) est scandaleuse. Hollande aurait pu sonner le tocsin, il ne l'a pas fait. Dommage !

    L'autre élément qui suscite le malaise tient au manque de perspective dessiné par le nouvel exécutif. Aligner des mesures techniques (retraite, emplois d'avenir, livret A...) n'indique pas un cap, mais plus une gestion à la godille. Chaque récif est négocié souvent avec intelligence, mais cela ne donne pas une lecture claire du dessein présidentiel. Les grands choix dans notre rapport au système de protection social, à l'environnement ou à l'Europe ne sont jamais précisés.

    La mesure et le sens des équilibres qui ont fait le succès de Hollande face à une Aubry plus volontariste et un Sarkozy plus imprévisible ne peuvent être sans cesse convoqués quand il faut réfléchir pas sur les 12 mois à venir, mais préparer la future décennie de notre pays. Dans le livre du journaliste Eric Dupin (1), le responsable des études au PS, Alain Bergounioux estimait avant l'élection : « Le corpus hollandais n'existe pas, il reste à construire. C'est un grand point d'interrogation ». Six mois après, nous ne sommes pas beaucoup plus avancés. Le corpus indispensable à l'action sur le long terme ne s'est pas bien clarifié.

    Même si le jugement de Mélenchon sur les 100 jours était, comme d'habitude, excessif, Mélenchon 2012.jpgvoire injuste, il comportait une part de vérité. Lorsqu'on fait une campagne sur le thème « le changement, c'est maintenant ! », on prépare pour les premières semaines des mesures fortes qui vont marquer les esprits. Là rien ou pas grand-chose de marquant (le rétablissement de la retraite à 60 ans pour les travailleurs ayant commencé tôt ne concerne que quelques dizaines de milliers de personnes). D'ailleurs, les observateurs ont noté que peu de textes étaient prêts pour la session extraordinaire au Parlement de juillet...

    Qu'est ce qui empêchait de donner un calendrier pour la grande réforme fiscale qui a toutes les chances d'être renvoyée aux calendes grecques ? Pourquoi avoir retardé à 2014 la réforme contre le cumul des mandats qui déplait tant à bien des cadres du PS et dont on voit, avec le nombre de députés-maires, l'urgente actualité ? Sur le nucléaire, pourquoi ne pas annoncer le calendrier du démantèlement de la centrale de Fessenheim ? Les dossiers n'étaient-ils pas prêts alors que Hollande est en campagne depuis près de deux ans?

    Au lieu de ménager tous les conservatismes de ce pays (et de ce parti), François Hollande devait montrer un peu de détermination et tracer une route. C'est plus facile de le faire aujourd'hui qu'en 2013 lorsque la situation risque d'être particulièrement tendue. En ce début septembre, il est encore temps de le faire. Mais il ne faut pas trop trainer. Le pays s'impatiente.     

    (1) « La victoire empoisonnée », mai 2012, éditions du Seuil. Entre septembre 2011 et l'élection de mai, le journaliste (ex-Libé) propose une plongée dans une France inquiète, désorientée, très sceptique sur la capacité de redresser le pays. « En redonnant le pouvoir à la gauche alors que la crise économique et sociale ne cesse d'empirer, les électeurs ne lui ont-ils pas offert un cadeau empoisonné », écrit-il. 

  • Nouvelle majorité : faire de bons choix !

    Voilà déjà six semaines que l'équipe Ayrault est en place. Certes, il y a eu sa version revue et corrigée avec le remaniement post-législatives, mais celle-ci est très proche de la précédente, au point qu'on peut dire que le gouvernement est en place depuis la mi-mai. Donc, il est déjà possible (même si la prudence et la retenue s'imposent) de dessiner de quelques lignes de force et de... faiblesse.

    Le remaniement du 21 juin a laissé paraître des signes qui ne traduisent pas une grande solidité. A tort ou à raison, il a été dit que la promotion à l'Environnement (suite à l'éviction de Nicole Bricq qui laisse un goût amer) de Delphine Batho (qui avait Garot + ségo.jpgsuccédé à Ségolène Royal comme députée dans les Deux-Sèvres) ainsi que l'arrivée à l'Agroalimentaire de Guillaume Garot (député-maire en Mayenne et l'ancien porte-parole de "Ségo") étaient des signes envoyés à celle qui fut la compagne du président de la République. Ces appréciations tout à fait plausibles (et assez désagréables pour les deux personnes susnommées) traduisent un vrai malaise dans la majorité.

    Depuis le premier tour calamiteux de Royal à la Rochelle, on a senti beaucoup de fébrilité du côté des proches de Hollande. D'abord, il a été assez reproché à l'ancien Président de ne pas séparer (c'est le moins qu'on puisse écrire) vie publique et vie privée pour ne pas être mal-à-l'aise face aux excès d'égard qu'on a eus envers l'ex du président. Certes, on m'objectera que c'est un personnage public avant d'être l'ancienne compagne de Hollande, mais on a bien senti que l'attention presque obsessionnelle en direction de Royal (« on te réserve le perchoir et puis, comme ça ne marche pas, les électeurs étant des imbéciles, incapables de comprendre l'intérêt supérieur de la Nation que représentait ce parachutage, on te console avec la nomination de de tes proches ») n'était pas simplement dictée par des considérations politiques. A moins que (je n'ose l'imaginer, mais il ne faut rien s'empêcher de penser) Ségo ne connaisse quelque secret dont l'entourage du président voudrait éviter la divulgation.

    Peu importe à la rigueur, mais ce mélange des genres et cette impression que décidément, les chefs d'Etat ont du mal à prendHollande + trieweiller.jpgre de la hauteur, ne poussent à la sérénité. Peut-être faut-il en prendre son parti et s'habituer à ce fait : les hommes (ou femmes) politiques sont un peu comme tout le monde, souvent empêtrés dans leurs histoires de couples et de libido. Dans ce cas-là, la Ve République, taillée pour un homme aussi exceptionnel que de Gaulle, doit être revue dare-dare, pour accentuer les contre-pouvoirs et limiter les faits du prince (ou de la princesse).

    Depuis quelques jours, le discours gouvernemental est à la rigueur tous azimuts. Il faut être de mauvaise foi (ou un éternel optimiste) pour s'en étonner. Hollande n'avait pas fait une campagne à la Mélenchon, sur le thème : on ouvre les vannes à plein tube. Il avait réaffirmé l'objectif (qui me semble totalement irréaliste dans le contexte actuel) de ramener le déficit budgétaire aux 3 % du PIB. Ce qui pose question, en revanche, c'est la compatibilité réelle entre cet objectif et des ambitions (certes mesurées, mais réelles) en matière sociale. Un exemple tout à fait récent.

    Le 28 juin, Cécile Duflot, ministre à l'Egalité des territoires et au Logement, a annoncé la fermeture de la plupart des centres d'hébergement d'urgence à partir du 1er juillet. Or, tout le monde le sait, la possibilité de trouver des solutions durables pour des gens à la rue, SDF.jpgsouvent très déstructurés, suppose de les stabiliser, d'éviter de les balloter d'un lieu à l'autre pour qu'ils ne replongent dans l'enfer de la rue. Quoi que dise la ministre, une partie de ces SDF actuellement hébergés va se retrouver à la rue, l'autre navigant d'un hôtel à l'autre (solution d'ailleurs très coûteuse). Selon des estimations assez crédibles, il fallait trouver 10 millions d'euros pour péréniser des centres d'urgence toute l'année. Et bien, manifestement, malgré les efforts de l'ex-patronne d'EELV, on ne les a pas trouvés !

    La gauche ne sera pas jugée sur ses proclamations de foi, sur ses bons mots généreux, ni sur ses gestes plutôt bienvenus (réduction du train de vie des uns et des autres, plus grande simplicité dans l'exercice des fonctions). Elle le sera sur sa capacité à redonner un cap à ce pays et à faire des choix à la fois courageux et acceptable dans le cadre contraint dans lequel nous évoluons.

    Il faut bien l'écrire : en cette fin juin, sans enterrer cette équipe (ce serait totalement loufoque), il est permis de se poser quelques questions sur la clarté des choix et sur la cohérence de l'équipe en place. L'été, même s'il va être studieux et animé (avec par exemple la fermeture annoncé de PSA à Aulnay et les nombreux plans de licenciements annoncés), doit permettre de préciser les objectifs et surtout les méthodes de gouvernement.

    En clair, après cette séquence occupée par la joie - légitime - des vainqueurs et les sautes d'humeur, moins légitimes, des « femmes » du Président, il va falloir refaire de la politique. Et, si possible avec les marges de manoeuvre ultra-limitées que nous connaissons, ne pas se tromper...

  • Législatives : la révolte des territoires

    Ségolène Royal en passe d’être battue (ou du moins fortement inquiétée) par un dissident socialiste, ancien premier secrétaire fédéral de Charente-Maritime ; des législatives,ségolène royal,parachutage,décentralisationcandidats UMP ou PS qui passent outre les consignes de l’appareil parisien, ici pour se maintenir (dans le Vaucluse), ailleurs pour se retirer (dans les Pyrénées orientales), Claude Guéant en situation difficile à Boulogne-Billancourt face à l’ancien premier adjoint de la ville, sans oublier des candidats écolos dépassés (parfois largement) par des socialistes non investis nationalement… cette élection législative a été marquée par la grande fronde des militants locaux face aux consignes (ou oukazes) de leur appareil.

    Bien entendu, on se saurait oublier le laminage par le PS des autres forces à gauche (le Front de gauche, très en forme à la présidentielle, pourrait perdre son groupe parlementaire), l’ancrage profond, notamment, et c'est nouveau, en milieu rural, d'un Front national décomplexé (ce qui le rend d’autant plus dangereux) et la disparition possible de représentants du MoDem.

    Mais en prenant un peu de recul, par-delà la multiplication des polémiques, tweetisées ou pas, ce qui est frappant dans cette affaire, c’est bien ce sentiment que les territoires s’autonomisent de plus en plus du centre politique qu’est Paris. D’ailleurs, l’écart entre le comportement électoral de la région parisienne (affirmation du PS, résistance inégale de l’UMP, faibles scores FN et étouffement du PC qui pourrait perdre plus de la moitié de ses représentants) et celui de la moitié Est de la France (où les tendances inversées se remarquent) est éclairant sur les diféfrences très profondes de comportement qui saisissent notre pays.

    Voici une ou deux décennies, la menace d’une exclusion faisait très souvent reculer les volontés (ou velléités) d’autonomisation politique. Aujourd’hui, la plupart des candidats savent qu’une grande partie de leur score est due à leur notoriété ou aux réseaux qu’ils ont su mailler sur le territoire. Ceci explique, en grande partie, pourquoi l’essentiel des ministres du gouvernement Sarkozy devraient être réélus malgré des scores impressionnants de François Hollande le 6 mai dernier. Si Nadine Morano ou Nathalie Koziusko-Morizet sont bien parties pour abondonner l’assemblée, c’est que leur ancrage est loin d'être aussi solide qu’elles veulent bien le dire. N’oublions pas que la première a échoué à prendre la mairie de Toul et que la seconde est devenue maire de Longjumepar la grâce de quelques dizaines de voix d’avance.

    En 2012, les équipes politiques locales font à peu près ce qu'elles veulent et sont, en général, légitimées par les citoyens. Cela s'explique par différents facteurs. D'une part, du fait de l'instauration du quinquennat et de l'inversion du calendrier électoral (merci Lionel !), l'élection des députés est devenue une élection secondaire, presque une formalité. Elle confirme, de façon forte ou plus mesurée (comme en 2007 où l'écart avait été moins important que prévu entre la gauche et la droite), le résultat de la présidentielle qui la précède d'un mois. C'est une des raisons pour laquelle le Front de gauche a échoué, les électeurs se demandant si celui-ci faisait ou non partie de la nouvelle majorité.

    D'autre part, et cela est corrélé avec ce qui précède, les enjeux idéologiques, les clivages partisans, même s'ils sont encore présents, apparaissent comme très atténués par rapport à ce qu'ils purent être dans les années 70 et 80. et surtout, ils ne concernent qu'une frange réduite, très politisée de la population. Dans un contexte de crise des territoires, ruraux, industriels et péri-urbains, les électeurs cherchent surtout l'élu qui a suffisamment d'assise locale et/ou de contacts parisiens (d'où le succès des ministres des gouvernements actuel et précédent) pour les protéger ou pour atténuer les chocs à venir.

    La troisième raison résulte de l'aboutissement de la logique de décentralisation qui a fait émerger des pouvoirs locaux puissants et des chefs influents. On peut le regretter, mais c'est ainsi, le maire de Lyon, par exemple, ne peut accepter que législatives,ségolène royal,parachutage,décentralisation« Paris » lui impose un élu écolo trublion (Philippe Mérieu) dont il ne veut pas. Ailleurs, la logique locale a produit des effets plus intéressants puisqu'elle a permis de faire émerger des personnalités que jamais l'échelon national n'aurait retenu. C'est ainsi que face à l'irremplaçable Nadine Morano (qui risque de perdre dans ce scrutin et son siège et son honneur), les militants socialistes du Toulois (Meurthe-et-Moselle) ont choisi un agriculteur bio, maire de son village. Encore une fois, la décentralisation n'aboutit pas forcément à des constiitutions de féodalités locales, aux moeurs parfois détestables (comme ce fut le cas autour de Georges Frêche), parfois elle est facteur de débats locaux et de renouvellement démocratique.

    Voilà donc les appareils prévenus. Ils doivent changer leur façon de considérer le terrain, de ne pas en faire des chasses gardées dans des logiques de fief attribué à telle ou telle personnalité. Il n'est pas interdit qu'une personnalité, parisienne ou autre, souhaite s'implanter dans un territoire qui n'est pas le sien. Cela peut même être souhaitable dans certains territoires appauvris ou gangrénés par les systèmes plus ou moins mafieux (comme dans les Bouches-du-Rhône). Cela peut permettre de renouveler les pratiques et d'amener du sang neuf. Mais dans ce cas-là, lesdites personnalités doivent faire le choix de s'y implanter plusieurs années avant l'élection pour que la greffe prenne et surtout se soumettre aux procédures de droit commun (le vote dans le cadre de primaires internes ou, espérons-le bientôt ouvertes aux citoyens). Sinon, elles prennent le risque, comme à la Rochelle, de provoquer une dissidence qui pourrait être victorieuse.

    L'état d'inquiétude qui traverse notre pays suppose des réponses politiques à la hauteur, mais aussi des façons de faire plus douces, moins imposées d'en-haut. Un pays traumatisé par les coups de menton du sarkozysme et par les aléas de la conjoncture internationale ne peut plus accepter que la logique napoléonienne soit encore celle des appareils parisiens.Par exemple, il est tout à fait incompréhensible que dans le cas d'un duel de deux candidats de gauche, l'un doit s'effacer au nom de je ne sais quelle discipline dite républicaine. Dans une démocratie, les citoyens sont souverains ; ils acceptent de moins et moins que des chefs de partis à la base de plus en plus faible, de moins en moins représentatifs sociologiquement, dictent la conduite à suivre dans telle ou telle circonscription. Une page se tourne. A bon entendeur, salut !