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10 mai - Page 8

  • UMP : quand "le gentil" s'accommode du "grand méchant loup"

    Lors du duel en fin d'année dernière entre François Fillon et Jean-François Copé pour le contrôle de l'appareil UMP, les rôles semblaient clairs. L'ancien Premier ministre était dans un positionnement plus centriste, ferme dans les valeurs de refus de toute complaisance avec le Front national et ses "valeurs". C'était le "gentil"... Le secrétaire général sortant, le "méchant", apparaissait plus flottant dans ses relations avec le FN : pas d'alliance certes, mais des proximités idéologiques que réfutait fermement Fillon. Jugé plus opportuniste, Copé semblait mettre sur le même plan le centre-gauche incarné par le PS et l'extrême droite de la fille Le Pen, avec sa fameuse théorie du "ni, ni".

    Surprise, voilà que début septembre, le "gentil" faisait cette hallucinante déclaration, rejoignant en cela le "méchant" : en cas de second tour entre un FN et un PS, je voterais, disait-il, pour "le moins sectaire". En n'indiquant pas où était le camp du sectarisme, et comme il tape à bras raccourcis sur la majorité socialiste, critiquant souvent son idéologie sectaire, l'ancien PremierEntrer des mots clefs ministre semblait laisser la possibilité pour un électeur de droite modérée de voter pour un FN. Cette nouvelle brèche ouverte dans le cordon sanitaire, de plus en plus inefficace, contre le parti aux idées extrémistes n'est pas dû au hasard ou à une maladresse de l'ancien Premier ministre. Elle résulte d'un pari électoral qui découle d'un diagnostic sur l'état de la société française.

    Sur un plan électoral, il apparaît à une bonne partie (majoritaire?) de la droite qu'elle ne pourra pas revenir aux affaires sans trouver un compromis avec le FN jugé fréquentable depuis le passage de témoin entre le père et la fille. Comme les références antisémites y sont bannis, du moins en haut lieu, comme trois ou quatre nouveaux leaders qui ne n'ont pas fait leurs classes dans les groupes de jeunesse nationaliste ou nazillons sont mis en avant, il apparaît aux plus naïfs (ou aux plus cyniques) que ce parti a réintégré le bercail républicain. Ils pensent que l'exercice des responsabilités leur fera abandonner leur fonds de commerce anti-européen et anti-étranger. Les plus instruits font référence au scénario italien où l'ancien parti fasciste est devenu un parti (l'Alliance nationale) membre d'une coalition gouvernementale. Ils oublient de rappeler que le partis 'était transformé, avait changé de nom et renouvelé profondément son équipe de direction, ce qui est loin d'être le cas d'un parti qui s'appelle toujours le Front national   

    Il faut dire que le quinquennat de Nicolas Sarkozy a profondément bouleversé les repères. Quand un Président de la République prononce un discours paternalo-raciste devant les Africains (à Dakar en 2007), quand le même s'en prend nommément à un groupe de Français, les gens du voyage (à Grenoble en 2011), quand il conduit la campagne de sa réélection en 2012 (sous l'influence d'un conseiller venu de l'extrême droite), non pas pour rassembler les Français, mais pour cliver parfois avec des relents xénophobes, faut-il s'étonner que celui qui fut son Premier ministre pendant 5 ans considère que tout compte fait, le sectarisme n'est pas le monopole du FN...

    S'il faudrait trouver un compromis avec le "grand méchant loup", c'est que la société française adhérerait à une bonne partie du logiciel frontiste, estiment de nombreuses voix à l'UMP. Il est indiscutable que sur les questions de sécurité, de refus de l'assistance et de volonté d'en finir avec "l'immigration sauvage" (musulmane, sous entendu), les idées du FN trouvent un écho. Même sur l'Europe - qui constitue un vrai clivage avec l'UMP -, la volonté de sortir de l'Union fait son chemin. Le principal parti d'opposition considère qu'il doit se positionner sur ces questions (coller, sauf sur l'Europe, aux thèses du FN) pour éviter qu'une grande partie des électeurs qui adhèrent à ses idées ne se décident à voter pour le parti jusque-là honni. Le pari de certains à l'UMP, c'est que le corps électoral préférera voter pour la copie "light" plutôt que pour l'original. C'est pour le moins risqué pour la vie démocratique dans notre pari. 

    Les prochains mois vont être musclés. Les élections municipales de mars prochain seront marqués par l'installation réelle de groupes politiques FN dans de nombreuses grandes et moyennes villes. Jusque-là, la plupart des élus municipaux frontistes étaient soit des extrémistes incapables de proposer des solutions crédibles aux réalités locales, soit des "pauvres types" incapables d'aligner trois phrases. En 2014, le parti de Marine Le Pen souhaite faire émerger une génération "bleue marine", respectable, crédible qui épouse la diversité de la société française (il y aura sans doute des candidats aux patronymes non européens). De nombreux leaders de droite partant à l'assaut de mairies de gauche vont être tentés de négocier, souvent en sous mains, des accords avec les leaders frontistes. La nécessaire clarté des alliances et des programmes va largement en souffrir. Puisque, comme le laisse entendre François Fillon, le sectarisme est aussi bien au PS qu'au FN, pourquoi ne pas s'allier avec certains leaders frontistes qui paraissent si fréquentables ?  

  • La France empêtrée dans l'imbroglio syrien

    Les déclarations martiales de l'exécutif français qui sort volontiers ses muscles en réponse aux provocations
    du dictateur syrien ne peuvent faire oublier la situation très embarrassante dans laquelle il s'est placé. Dans cette affaire, il a pâti d'un diagnostic un peu simpliste et d'un concours de circonstances fâcheux. Ce dernier élément, tout le monde en connait les ingrédients : un vote défavorable - apparemment surprenant - du Parlement britannique ; la décision du président américain d'attendre un accord – tout à fait incertain - de ses parlementaires ; le refus des autres membres de l'Otan d'intervenir au Proche-Orient.

    Mais la situation d'isolement de la France est liée également à un diagnostic pour le moins simpliste du pouvoir. Suite au gazage de sa population par les militaires syriens, le pouvoir incarné par Bachar El-Assad devait être puni. Pour le pouvoir français, laisser ce crime de guerre et cette violation des conventions internationales sur les armes chimiques sans réaction ne pouvait qu'encourager le régime syrien à poursuivre sa spirale de mssacres et de répression aveugles. Une intervention ciblée contre des installations militaires devait permettre de lui mettre un coup d'arrêt et de favoriser une opposition syrienne en situation délicate depuis quelques semaines (le régime ayant, semble-t-il repris le contrôle de diverses villes jusque-là aux mains des rebelles).

    Le raisonnement français souffre de faiblesses structurelles qui sont apparues de façon encore plus manifeste à mesure que les autres puissances prenaient la tangente sur une intervention en Syrie. Trois faiblesses majeures peuvent être relevées.

    1/ L'idée d'une punition est ambigüe

    Que veut dire « punir » le régime syrien ? Ce langage moralisant qui présente quelque proximité avec le discours de la « guerre contre le Mal » cher à George W. Bush n'est pas adapté à une situation complexe, traversée par de multiples contradictions. L'issue du conflit syrien aura forcément un impact sur les autres points sensibles de la région (Liban, Israël/Palestine, voire Egypte). On a parfois le sentiment que le pouvoir français cherche à se rattraper après plus de trois années de vaine agitation diplomatique et de laisser-faire de la communauté internationale. L'utilisation de ce langage de père-fouettard traduit une sorte de culpabilité générale (sentiment qu'on peut comprendre au vu des dizaines de milliers de morts). Il n'est pas sûr qu'on fasse une bonne politique internationale en agitant des sentiments, fussent-ils nobles. Veut-on réellement punir le régime syrien ou bien se punir de la position de spectateur désolé que nous avons eue depuis le début de la guerre syrienne ? 

    2/ L'exemple malien est inopérant en Syrie.

    Reconnaissons-le : l'intervention française au Mali - sur laquelle j'avais exprimé quelques réserves - est un franc succès, même si tous les problèmes de fond (notamment la place des Touaregs et le développement du nord du pays) sont loin d'être réglés. Un pouvoir civil légitime est en place suite à une élection présidentielle qui s'est déroulée dans un climat serein. Très bien, mais l'exemple malien n'a aucune utilité pour comprendre la situation syrienne. Sans faire de procès d'intention à François Hollande, on a pu sentir ici ou là un peu d'orgueil de l'exécutif français par rapport au succès de cette intervention.

    Le Président français n'a pas oublié que sa volonté de porter secours à un pouvoir politico-militaire exsangue menacé par des djihadistes avait été accueillie avec beaucoup de scepticisme par nos partenaires. Au regard de cette issue favorable, Hollande peut se dire que là encore, il va tordre le cou à des critiques qui peuvent être interprétées comme des refus de s'engager.

    Sauf que la situation n'est absolument pas comparable. Dans un cas (le Mali), la France venait au secours d'un pays ami dont une partie du territoire était occcupée par des forces rebelles en partie étrangères au pays. Dans le second cas, la France s'attaque à un pouvoir installé depuis des décennies qui bénéficie de soutiens solides dans une partie de la population. Son allié objectif qu'il entend aider par cette intervention est profondément divisé et ne présente aucune garantie de sa volonté d'installer un pouvoir démocratique. A cet égard, l'épilogue malheureux de la révolution égyptienne (un coup d'Etat contre un pouvoir islamiste contesté mais légal) ne plaide pas en faveur d'une opposition dans laquelle la composante islamiste n'est pas négligeable.

    3/ Les buts de guerre ne sont absolument pas clairs et les risques d'embrasement réels.

    Il faut bien comprendre que le pouvoir syrien est aux abois et qu'il fera tout pour ne pas tomber. Ne pas oublier également qu'il bénéficie de relais importants auprès d'un pays (l'Iran) et de groupes politico-militaires (le Hezbollah libanais) qui peuvent ou ont pu mener des actions terroristes.

    Il est donc peu probable que deux ou trois jours d'attaques ciblées (même si elles atteignent leurs objectifs) suffisent à faire plier un régime prêt à perpétuer tous les massacres. Il serait naïf d'espérer que celui-ci affaibli par ces attaques reviendra autour de la table des négociations pour trouver un compromis politique. Il est également illusoire d'espérer que l'allié russe abandonne son soutien à « l'ami Assad » ou fasse pression sur lui pour revenir à de meilleures dispositions. Donc, si les attaques ne servent pas à grand-chose, il faut soit abandonner cette idée, soit aller plus loin : armer les rebelles syriens (avec les risques de dissémination qui se sont vérifiés en Lybie), envisager une action terrestre permettant de déloger le pouvoir tyrannique. S'en tenir à cette chimère des interventions punitives est dangereux car il ne permettra pas de dénouer l'impasse syrienne et risque de nous entraîner dans un conflit dont on mesure mal les conséquences collatérales aussi bien sur place que chez les voisins.

    Il est donc urgent non pas d'attendre, mais de reprendre le chemin des diplomaties pour imaginer une riposte concertée et réaliste aux agressions répétées et inacceptables du pouvoir syrien contre son peuple.

  • Le nouvel abécédaire ivoirien

    De retour d'un voyage privé en Côte d'Ivoire (août 2013), je vous propose ce regard sur ce pays que je commence à connaître, deux ans après l'arrivée mouvementée - pour ne pas dire plus - d'Alassane Ouattara au pouvoir. Ce panorama sous forme d'abécédaire (incomplet) est évidemment partiel et subjectif et il ne vise ni à encenser le pays ni à le dépeindre en noir. La forme de l'abécédaire suppose des paragraphes courts là où de grands développements seraient nécessaires. D'où certains raccourcis et des formules lapidaires... Bonne lecture qui peut se faire dans n'importe quel ordre !

    A comme Amour 

    Pas très original comme entame, me direz-vous, mais l'amour emplit (peut-être plus qu'ailleurs) les conversations. Entre ceux qui vous demandent de leur trouver un(e) Français(e), ceux qui ne voudraient se marier mais n'ont pas les moyens et ceux qui "jonglent" entre plusieurs relations de façon plus ou moins ouverte... l'amour est le sujet number one. Avec des incompréhensions réciproques. Pour schématiser, les hommes reprochent aux femmes d'être vénales et de se donner au plus offrant. Tel jeune me raconte que la femme avec qui il a eu un enfant est partie dans les bras d'un autre car celui-ci était plus fortuné. Les femmes, de leur côté, jugent les hommes peu sérieux, coureurs et sans souci du lendemain. D'où l'espoir de conquérir le coeur d'un Européen jugé plus sérieux. Les blagues, les taquineries entre hommes et femmes sont permanentes, mélange d'humour (une spécialité ivoirienne) et de malaise ambiant...

    B comme Brouteurs

    Attention, il ne s'agit pas de ruminants locaux ! Les "brouteurs" sont des jeunes hommes férus de nouvelles technologies qui escroquent des Occidentaux en se faisant souvent passer pour de jeunes et belles jeunes filles. En clair, grâce aux divers réseaux sociaux et tchat de dialogue/drague, ils entrent en relation avec des hommes souvent d'âge mur en Europe et une fois la confiance instaurée, lui demandent de leur envoyer une somme plus ou moins importante pour faire face aux aléas de la vie: maladie, décès d'un proche ou tout simplement galère* quotidienne. Le phénomène est loin d'être anecdotique : selon une étude du gouvernement ivoirien, cette arnaque aurait rapporté 21 millions d'euros en 2010. Alors que le salaire moyen d'un enseignant (considéré comme plutôt bien payé par rapport aux autres fonctionnaires) est compris entre 400 et 800 euros, les" brouteurs" reçoivent régulièrement des sommes de 200 à 1000 euros. Le système est bien organisé avec des complicités dans les boutiques d'envoi international d'argent (car sinon, comment retirer le mandat avec une identité qui ne correspond pas ?). Cela peut choquer, mais la vie nocturne particulièrement animée est grandement financée par le pouvoir d'achat conséquent de ces "brouteurs". Pour un jeune lambda, il est impossible de financer une soirée particulièrement arrosée (et Dieu sait si la bière coule à flot) qui va coûter, au bas mot, 10 000 à 15 000 Fcfa (soit 15 à 20 euros). Cette situation renvoie évidemment au manque de perspectives d'avenir pour nombre de jeunes trop vite déscolarisés.  

    C comme Corruption 

    Impossible de les rater, ces grands panneaux d'affichage du pays ! La lutte contre la corruption est devenue une priorité gouvernementale. Entre les policiers qui "rançonnent" les taxis, lesEntrer des mots clefs fonctionnaires qui accélèrent subitement la délivrance de papiers dès que quelques billets leur sont donnés ou les juges qu'on accuse de remettre très vite en liberté des condamnés grâce à des sommes rondelettes, etc., le pays vit au quotidien ces pratiques. Alors, le pari gouvernemental peut-il être gagné ? Ce sera, de toute façon, long tellement cette pratique semble ancrée dans les habitudes. Un administré, même s'il se déclare hostile à la corruption, considère qu'il n'a pas d'autre choix que de "graisser la patte" d'un fonctionnaire (dont le salaire est souvent médiocre) plutôt que d'activer les différentes voies de recours possible face à un blocage. Pour être crédible, le nouveau pouvoir devrait sans doute lancer des enquêtes sur les pratiques de certains hauts fonctionnaires ou responsables politiques qui ont la fâcheuse tendance de s'enrichir presque aussi vite que notre Tapie national...

    D comme Désarmement  

    L'un des grands problèmes en Côte d'Ivoire a pour nom l'insécurité. Les années de guerre ont conduit à la dissémination des armes parfois très modernes. Les miliciens n'ont pas été désarmés, même si le gouvernement a constitué un organisme "Désarmement, Démobilisation et Réintégration" (DDR) chargé de recaser dans la vie civile ou dans l'armée régulière les anciens miliciens qui ont très souvent rançonné les populations. En moyenne, 800 000 Fcfa (environ 1200 €) seraient alloués aux anciens combattants qui rendraient les armes et s'inscriraient dans un  projet de réinsertion. C'est beaucoup pour un pays pauvre, mais c'est sans doute trop peu pour des personnes qui ont vécu la grande vie pendant plusieurs années. De plus, certains ex-miliciens craignent pour leur sécurité, une fois désarmés. Des proches de leurs victimes pourraient être tentés de se venger, en l'absence de justice. Comme beaucoup de pays sortant de guerre, la Côte d'Ivoire est confrontée au dilemme de la nécessaire réconciliation face à la difficile justice par rapport à des milliers d'actes criminels.      

    E comme Environnement

    Bien entendu, face à la pauvreté endémique d'une partie de la population, il n'est pas facile d'intéresser les Ivoiriens au drame écologique ! Et pourtant, il y a urgence dans ce pays : la dégradation de l'environnement constitue une vraie menace pour la santé des populations. L'état de la lagune Ebrié autour de laquelle  s'est construite la grande agglomération d'Abidjan est Entrer des mots clefscatastrophique : l'eau est empli de déchets de tous ordres (y compris pharmaceutiques) et les poissons qui y sont (encore) pêchés seraient très souvent contaminés par divers métaux. Il faut dire que tout le monde (ménages, industries et même hôpitaux) déversent allègrement ses déchets dans les eaux. Au quotidien, trouver une poubelle dans les rues relève de l'exploit, si bien qu'on finit par faire comme tout le monde : jeter par terre. A la question de savoir pourquoi on n'installe pas des poubelles, on me répond qu'elles seraient immédiatement arrachées pour que le fer soit revendu... Toujours est-il qu'une bombe silencieuse est en train de se préparer dans ce pays de 22 millions d'habitants qui voit sa population augmenter de 2 % l'an. 

    G comme Galère

    "Fier d'être truand ? Oui. Parce que la galère m'oblige à l'être". Sur un tee-shirt, un jeune n'hésite pas à afficher ainsi son "identité". Ce mot galère est dans toutes les conversations. La vie chère, les salaires versés avec beaucoup de retard, le chômage massif, les embouteillages permanents à Abidjan... tout conduit à diffuser ce sentiment d'une galère permanente, d'une vie impossible. Dans ce contexte, les batailles politiciennes, les luttes de succession (pour remplacer l'octogénaire Bédié à la tête du PDCI ou pour reprendre le flambeau de Gbagbo, détenu à la Haye, à la direction du FPI) et le chemin étroit pour la réconciliation ont tendance à ne passionner que modérément les habitants qui ont pris, ici comme ailleurs, beaucoup de distance avec les intrigues du sommet.

    I comme Ivoirité

    Ce concept mis en avant par le gouvernement Bédié visait, entre autres, à écarter l'ancien rival devenu président, Ouattara, dont la nationalité ivoirienne était jugée douteuse. Cette idée reprise ensuite à son compte par le président Gbagbo, toujours avec le même objectif, a alimenté un sentiment de xénophobie latent dirigé notamment contre les Burkinabès qui sont arrivés nombreux à la faveur du boom économique lié à l'envolée des cours du cacao/café lors des années 70/80. Populisme (malheureusement) classique en temps de crise ! L'arrivée au pouvoir de celui dont on jugeait l'ivoirité douteuse a évidemment mis un point d'arrêt à cette idée mortifère pour ce pays profondément métissé.  Par un autre biais, la question de l'ivoirité est revenue au centre des débats : le pouvoir a défendu une loi (récemment adoptée par l'Assemblée) permettant à des milliers d'apatrides d'obtenir - sous conditions - la nationalité ivoirienne. Pour les opposants à Ouattara, il s'agit d'un moyen de préparer sa réélection en 2015, cette population étant considérée comme lui étant favorable. Pour autant, le climat semble apaisé : les Ivoiriens ont assez "soupé" des divisions pour se déchirer à nouveau sur l'ivoirité. Personne ne s'en plaindra !    

    K comme Korhogo

    La grande ville du Nord du pays a des allures de grand bourg tranquille de province. Ici, les milliers de motos envahissent le bitume (ou très souvent la terre battue) et les voitures sont plutôt rares par rapport à la capitale économique. La belle cité du Nord qui s'inscrit dans une région agricole tient Entrer des mots clefspeut-être sa revanche avec l'élection de Ouattara qui a des soutiens importants dans la région. D'ailleurs, celui-ci y a fait une visite importante ces derniers mois. Ce qui a eu pour effet d'accélérer le goudronnage de routes urbaines au centre même de la ville. Indéniablement, le Nord du pays souffre d'un retard de développement important. Dans cette région agricole qui fournit le pays en manioc (essentiel pour le plat national qu'est l'attiéké), en arachide, en riz ou en fruits divers, de nombreux villages souffrent de vrais problèmes alimentaires. Des ONG internationales interviennent notamment à la période de la soudure, ce moment où les réserves alimentaires sont épuisées alors que les récoltes se font encore attendre. Les potentialités de développement agricole semblent importants, mais cela supposerait que le pays croit un peu plus dans ses paysans et rêve un peu moins dans le matérialisme des villes qui n'est que mirage par la majorité désargentée de la population.

    M comme Maquis

    Même si certains opposants rêvent de résistance, le maquis n'a aucune connotation politique. Il désigne ce lieu semi-ouvert où Entrer des mots clefsbeaucoup de jeunes - mais pas simplement - de retrouvent en fin de journée pour des soirées riches en musique (avec un fort volume sonore) et en boissons (surtout la bière). Ces maquis ne semblent pas connaître la crise car ils ne désemplissent que tard dans la nuit. Ils sont souvent l'occasion de joutes oratoires de "boucantiers" qui, sur des musiques endiablées, commentent l'actualité musicale ou sociale. Mas certains de ces lieux sont face à une menace lancinante, celle de la fermeture par les autorités de police pour cause tapage nocturne. Des activités illicites sont également dénoncées, sans que l'on sache si la présence massive des "brouteurs" pose un problème aux autorités censées combattre cette activité. 

    O comme Ouattara

    Après une dizaine d'années de vaines tentatives, l'ancien Premier ministre de Houphouët-Boigny est enfin arrivé à la tête de l'Etat. Tout le monde se souvient encore des circonstances dramatiques lors de l'hiver 2010-2011 par lesquelles il est devenu chef de l'Etat : victoire électorale contestée par le sortant, retranchement dans un  hôtel bunkérisé, bombardements et tueries, interventions de l'armée française pour déloger Gbagbo... Depuis un peu plus de deux ans, il est donc aux manettes de laEntrer des mots clefs Côte d'Ivoire. Alors quel premier bilan ? Disons qu'il n'a pas fait de miracle. Si des grands travaux d'infrastructures ont été lancés ou relancés, si la propreté de la capitale est moins catastrophique, le quotidien d'une grande majorité de la population ne s'est guère amélioré. Le président est également accusé de n'être que trop rarement présent dans le pays, multipliant les voyages à l'extérieur. Lui plaide que son pays doit retrouver sa place dans le concert des Nations (ce qui importe peu au peuple) et que le redémarrage du pays passe par des soutiens financiers importants. Qui tardent à arriver. Reste que Ouattara a toutes les chances de se succéder à lui-même en 2015. Même si son bilan risque d'être assez maigre, il est sur la voie d'un désarmement progressif des milices et semble réussir à rétablir la paix troublée depuis une quinzaine d'années dans ce pays où se sont succédés coup d'Etat, violences et impunité des groupes armés qui n'étaient parfois rien d'autre que des bandits de grand chemin.      

    P comme Presse

    Pas de kiosque à journaux avec des présentoirs modernes ! A Abidjan, comme dans les grandes villes, les gens découvrent les titres de la presse quotidienne punaisés sur une planche de bois. Les lecteurs sont scotchés devant ce présentoir de longues minutes sans forcément sortir les 200 Fcfajournaux rue.jpg (0,30€) nécessaires à l'achat. Il faut dire qu'il y a de quoi lire avec la quinzaine de titres quotidiens nationaux aux titres souvent tranchés. L'actualité strictement politique occupe le devant de la scène, avec souvent des retours sur les évènements de fin 2010-début 2011 (le duel présidentiel Ouattara/Gbagbo. Deux exemples. "De retour d'exil du Ghana après 2 ans, un "patriote" [partisan de Gbagbo] se déchaîne. Tout sur la méchanceté des barons du FPI" [parti de l'ancien président], titre ainsi L'Expression le 12 août.Quelques jours plus tôt, Aujourd'hui (qui ressemble furieusement au Figaro françaisproposait un "témoignage exclusif" : "J'étais à la résidence. Gbagbo n'avait pas de bunker. C'est Dieu qui l'a sauvé." Parfois, l'information proposée n'est pas tout à fait à la hauteur du titre alléchant. La presse a tendance à voir des complots partout sans étayer ses affirmations. En revanche, peu de reportages sur les réalités sociales vécues par la population, sur la galère quotidienne, l'enfer des transports ou la pauvreté endémiques de certains villages. La faiblesse des moyens accordés aux rédactions explique-t-elle ce désintérêt pour la vie quotidienne ? Sans doute en partie, mais il faudrait également s'interroger sur les liens qui unissent les directeurs de rédaction avec tel ou tel ténor politique et sur le fait qu'aucun journal important n'est imprimé à l'extérieur d'Abidjan. Citons Entrer des mots clefscependant un satirique bien inspiré, L'éléphant déchaîné qui n'a pas sa langue dans sa poche face au pouvoir et à son opposition. Ses titres sont souvent bien sentis, comme celui-ci en référence à l'inamovible Bédié : "Journée internationale de la jeunesse: célébrons nos jeunes de 80 ans". 

     

    R comme Réconciliation

    C'est l'un des maîtres-mots du nouveau pouvoir. Il faut tourner la page des années noires de la Côte d'Ivoire, en un mot se ré-con-ci-lier. Ces dernières semaines, deux gestes forts se sont inscrits dans cette direction. Juste avant la fête nationale début août, 14 proches de l'ancien président sont sortis de prison (semble-t-il sous la pression des bailleurs internationaux). d'autre part, l'actuel président de l'Assemblée, l'ambitieux Guillaume Soro, a fait un voyage très médiatisé en terres bété, fief de Laurent Gbagbo. Reste que la réconciliation est encore loin d'être aboutie. Les rancoeurs sont encore trop fortes dans le camp de l'ex-président et la presse a tendance (pour vendre ?) à alimenter les tensions, relayant les déclarations va-t-en-guerre des uns et des autres (à l'exception, notamment, du journal Le Jour qui propose des pages "de la réconciliation et de la reconstruction"). Il faut dire également que la façon de juger les crimes de guerre est particulièrement inéquitable. La justice poursuit des dizaines d'anciens partisans de Gbagbo, mais a "oublié" d'enquêter sur des crimes (notamment dans l'ouest du pays) attribués à des miliciens proches de Ouattara. La réconciliation annoncée demande de l'exemplarité. On en est loin...

    V comme Village

    "Je vais au village". Cette formule, vous l'entendrez souvent dans la bouche d'Abidjanais qui n'ont pas oublié d'où ils venaient ou d'où leurs parents sont issus. Le village représente beaucoup Entrer des mots clefsdans l'imaginaire de ces nouveaux urbains. L'endroit un peu idéalisé où l'on oublie le stress d'une capitale qui compterait environ 5 millions d'habitants, où l'on parle la langue de son ethnie (alors qu'Abidjan est très francophone) et où l'on ressoude les liens familiaux souvent distendus. Le village assure également une sorte de sécurité alimentaire puisqu'on y cultive des produits fort utiles quand l'argent s'envole du porte-monnaie. De nombreux urbains y ont leur petite (ou grande) maison et quelques ares de terre. Le village a également constitué un refuge pendant la période de violences (même si les exactions contre des villageois n'ont pas manqué). En un mot, le village représente le paradis pour les urbains. Sauf que les jeunes qui y vivent n'ont généralement qu'une envie : le quitter pour découvrir les lumières de la ville...  

    W comme Wôrô wôro

    Non, il ne s'agit pas d'une nouvelle danse qui va envahir la scène mondiale. Les wôrô wôro désignent des taxis locaux qui assurent pour  une somme modique des trajets au sein d'une même commune d'Abidjan. Chacune a sa couleur de wôrô wôrô. Ceux-ci sont en concurrence ouverte avec les taxis compteur (qui ne l'utilisent pas depuis belle lurette) qui, eux, assurent des transports sur tout le district d'Abidjan. Avec ces taxis orange, tout le monde négocie avant le départ le prix de la couEntrer des mots clefsrse (qui oscille généralement entre 2 000 à 4 000 Fcfa - soit 3 à 6 €). Dans la jungle des transports urbains, il faut compter également avec les gbakas (voir photo) qui sont des mini-bus  transportant une bonne dizaine de personnes sur des lignes fixes inter-communales. D'état général assez médiocre, ces modes de transport sont indispensables à la vie des gens dont peu disposent d'un véhicule personnel. Une grève des transports intercommunaux (taxis compteur et gbakas) qui se jugent défavorisés fiscalement par rapport aux wôrô wôrô, annoncée pour fin août, pourrait avoir le même genre d'effet qu'une grève des RER dans la région parisienne... 

  • Hollande face au risque du "cause toujours"

    Le dernier "bide" d'audience de François Hollande lors de l'émission Capital sur M6 (2,8 millions de téléspectateurs) a semble-t-il, fortement inquiété les cercles élyséens. Et avec raison. Ce hollande-capital.jpegscore inhabituel pour un Président de la République traduit un détachement grave des citoyens vis-à-vis des responsables politiques, et du premier d'entre eux.

    Ce fait important doit être analysé en profondeur car ses causes sont multiples. Quoiqu'on en dise, ce pays a été contaminé par le style Sarkozy, pas simplement pendant son quinquennat, mais depuis 2002, date à partir de laquelle le ministre de l'Intérieur qu'il était alors a été en permanence exposé. L'adorant ou l'abhorrant, nous avons été habitués à recevoir une annonce par jour, à ce qu'il suscite des polémiques permanentes (qui sont d'ailleurs loin d'être terminées). Sarko était dans le spectacle politique, Hollande ne l'est manifestement pas... La désintoxication se fait dans la douleur et demande du temps !

    Mais ce genre d'explication - sympathique pour le nouveau président - ne suffit pas à comprendre l'indifférence grandissante qui entoure Hollande. Celui-ci n'est pas aussi détesté que ne le fut Sarkozy, mais devient, dans la tête de beaucoup de concitoyens, un responsable incapable de forcer le destin, de changer les choses. Il reste honnête, voire sympathique, mais sans prise sur la réalité. Donc pourquoi l'écouter une heure durant ?

    Trois types de reproches lui sont régulièrement adressés qui méritent d'être examinés. D'abord, il biaise avec la réalité. Inlassablement, François Hollande assène que le courbe du chômage va s'inverser à partir de la fin de l'année, que la croissace va revenir et que l'objectif de réduction des déficits à 3 % sera tenu. Personne ou presque ne pense que de tels paris peuvent être gagnés. Mais lui (vraiment convaincu ?) répète jusqu'à plus soif ce qui apparait aux yeux de l'opinion publique, comme des mensonges. Le diagnostic n'apparaissant pas crédible, les solutions qu'il répète ne sont pas jugées crédibles.

    Ensuite, il est jugé faible, manquant d'autorité aussi bien en interne qu'en externe. Le fait, par exemple, que le projet de loi sur la transparence des parlementaires - sur lequel Hollande s'était engagé fermement lors de l'affaire Cahuzac - ait été désossé par les parlementaires, que les mêmes retardent toujours la date d'application du non-cumul des mandats montrent que l'autorité de l'Elysée est très faible. Il suffit que Collomb (le maire PS de Lyon) ou Rebsamen (Dijon) tousse pour que Hollande éternue. Comment, dans ces conditions d'une faible autorité dans son propre "camp", créer un rapport de force favorable avec l'Allemagne pour réorienter la politique européenne? Comment imposer véritablement une lutte efficace contre les paradis fiscaux? 

    Enfin, une partie de l'électorat considère qu'il a trahi un certain nombre de ses engagements. Le procès en trahison n'est pas simple à instruire car incontestablement, de nombreuses promesses de campagne ont été - ou sont en cours - de mise en oeuvre. Sauf qu'elles le sont parfois dans une version tellement light que l'objectif initial aura bien du mal à être tenu. C'est le cas, par exemple, de la loi sur la séparation des activités au sein des banques qui ne devrait les concerner qu'à la marge et ne devrait pas ralentir leurs activités spéculatives très juteuses.

    Et puis, il faut parler de ce dossier des retraites. Là aussi, nous sommes dans la plus grande hypocrisie. Certes, l'âge légal de départ à la retraite ne devrait pas être modifié, comme s'y était engagé Hollande, mais le fait de rajouter des années de cotisation (sur lequel il s'était abstenu de tout engagement) va arriver inéluctablement à retarder le départ à la retraite d'une grande majorité de travailleurs, y compris ceux qui ont commencé à travailler tôt. Là encore, Hollande joue sur les mots, essaie de toujours retomber sur ses pattes.

    Il va arriver un moment où ce positionnement d'équilibriste va se révéler impossible à poursuivre. Le Président semble persuadé que le plus tard sera le mieux et qu'en attendant, il faut conserver la fiction d'un gouvernement qui met en oeuvre méthodiquement les 60 engagements de la campagne alors même que les hypothèses de croissance  ne correspondent absolument pas au pronostic (imprudent) de l'époque. En attendant que Hollande se décide à être dans un discours de vérité, les Français risquent de faire la fête à tous les candidats socialistes et de bouder ses prestations télévisuelles.