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10 mai - Page 30

  • Philippe Séguin, le Rocard de la droite

    Que dire de Philippe Séguin quelques heures après l'annonce de son décès suite à une (assez prévisible) crise cardiaque? En lisant les articles relatifs à son parcours politique, il me semble que c'était un Martien dans le monde politique. Il prenait à contre-courant les modes de son temps et la droite française très conformiste. Sur le traité de Maastricht, il s'opposa courageusement au consensus quasi-général autour d'un Séguin.jpgtexte qui était loin d'être satisfaisant (en misant tout sur l'ouverture des marchés et pas grand-chose sur l'union politique). Par rapport à l'UMP, il a dit tout le mal qu'il en pensait et en a tiré les conséquences en se retirant de la vie politique. A la tête de la Cour des comptes, il ne ménagea pas ses critiques en direction des dérives financières du pouvoir (voir le rapport de juillet 2009 sur l'Elysée faisant apparaître des dépenses personnelles de Nicolas Sarkozy prises en charges par la République et le faramineux budget consacré aux sondages).


    Homme de convictions, volontiers excessif, Philippe Séguin était, par ailleurs, un piètre tacticien. En 1995, lui qui avait inspiré la thématique (gagnante) sur la fracture sociale s'était fait « voler » le poste de Premier ministre par un Alain Juppé plus docile. En 2001, il avait pris la tête de façon catastrophique de la droite parisienne engluée dans les dérives de l'ère Chirac-Tibéri. A la différence de beaucoup de politiques, il accordait plus d'importance à ses principes qu'à son plan de carrière. Il avait ainsi démissionné de son poste de président du RPR en 1999, se trouvant de plus en plus en décalage avec l'évolution du parti néo-gaulliste.

    Sans le dire ouvertement - devoir de réserve oblige-, le style de Nicolas Sarkozy, l'apologie de la loi d'argent lui étaient particulièrement désagréables (il avait d'ailleurs décliné des offres de postes ministériels). Le plus cocasse dans cette histoire, c'est que le Premier ministre de Sarkozy, François Fillon, a longtemps été considéré comme un proche de Séguin..


    En réfléchissant à ce parcours singulier, il me vient une comparaison qui ne fera pas plaisir à tous: Philippe Séguin était un peu le RoRocard.jpgcard de la droite. Franc-tireur, attaché au rôle de l'Etat, anticonformiste, souvent individualiste... il s'est heurté à la quête effrénée du pouvoir portée par un Chirac, comme Rocard l'avait été de la part de Mitterrand. Tous deux ont été incompris de leur parti, souvent ostracisés. Ils avaient l'étoffe pour assumer le pouvoir élyséen, mais d'une certaine manière, ils n'étaient pas fait pour la fonction quasi-royale de Président de la République qui s'accommode mal avec la liberté de penser.


    Michel Rocard s'est exprimé publiquement en regrettant l'élection au suffrage universel du Président de la République – qui polarise toute la vie politique. Philippe Séguin n'a rien dit là-dessus (à ma connaissance), mais il n'est pas impossible qu'il voyait les dégâts sur l'esprit démocratique produit cette élection du « Premier des Français ». Ce ne serait pas le moindres des paradoxes de ce gaulliste acharné qui s'en va à 66 ans.

  • Les questions sans réponse de 2009

    Que retiendra-t-on de cette année 2009 qui s'achève dans le débat politique national ? Un seul scrutin majeur a émaillé ces douze derniersP1000265.JPG mois: celui des européennes. Marqué par une abstention massive, ces élections ont fait émerger une force majeure - Europe écologie -, confirmé la puissance électorale de l'UMP et fait apparaître l'échec de la stratégie personnelle, obsessionnellement anti-sarkozyste du MoDem de François Bayrou et l'état calamiteux du parti socialiste, devancé dans plusieurs régions phare (le Sud-Est, Ile-de-France) par les écologistes.


    Sur le plan gouvernemental, le rythme des réformes ne s'est pas ralenti malgré des oppositions très fortes - notamment sur la suppression de la taxe professionnelle - transcendant les clivages politiques. L'équipe Fillon n'a aucun état d'âme, comme on l'a vu lors des deux vols expulsant des sans-papiers afghans. Toutes les réformes, y compris celle sur la Poste, devraient être menées à terme. Peu importe, pour elle, la mauvaise cote de popularité et la colère de plus en plus forte de certains pans de la population. Le duo Sarko/Fillon compte être jugé, au terme des cinq ans, sur le respect de ses engagements. Pas question de fléchir donc! Quitte d'ailleurs à sacrifier les élections régionales de mars. Les derniers mois 2009 ont été cependant périlleux pour l'équipe au pouvoir: fronde des élus locaux, malaise au sein même de l'UMP concernant le débat sur l'identité nationale avec ses relents xénophobes, difficulté à mettre en oeuvre la conversion écologique annoncée (échec de Copenhague pour lequel Sarko a mouillé sa chemise, taxe carbone retoquée par le Conseil constitutionnel).


    Pour la deuxième partie de son quinquennat
    , le Président aurait tout intérêt à infléchir sa façon de gouverner: le mépris qu'il affiSarkozy.jpgche vis-à-vis de toutes les critiques, même venant de son camp, peut se retourner contre lui; son incapacité à laisser travailler l'équipe gouvernementale, sa tendance à court-circuiter les annonces ministérielles l'exposent à toutes les critiques (d'où son différentiel de popularité avec son Premier ministre). En outre, Nicolas Sarkozy va devoir prendre garde à la schizophrénie de sa politique: il donne des leçons de régulation et de moralisation du capitalisme au monde entier, y compris à Barack Obama, mais sa politique intérieure est loin d'être exemplaire à cet égard. Pourquoi s'obstiner à déréguler certains services publics? Pourquoi laisser se goinfrer les grands patrons, comme on l'a vu avec l'affaire Proglio (le nouveau patron d'EDF qui entend conserver son traitement de Veolia)? La question de la cohérence entre le « dire » et le « faire » est une nouvelle fois posée chez le Président. Si, comme c'est probable, les difficultés économiques et sociales s'aggravent en 2010, ce grand écart risque d'être de plus en plus insupportable.

    Dans ce contexte difficile pour la majorité, pourquoi diable l'opposition n'est-elle pas en pointe? Cette question est centrale dans le débat politique. L'émiettement des forces critiquant la politique gouvernementale est une raison majeure. MoDem, Verts, PS, Parti de gauche (un nouveau venu en 2009), PCF, Nouveau parti anticapitaliste (issu de la LCR, mais sans que cette transformation ne donne les fruits escomptés), sans oublier les radicaux de gauche ou les restes du MRC de Chevènement... cela fait beaucoup de forces, parfois faibles, face à un parti présidentiel qui peut rassembler un tiers des suffrages au premier tour d'une élection. Dans ce contexte, l'affaiblissement du parti central de la gauche qu'était le PS sert l'ambition élyséenne.

    La gauche est maintenant organisée autour de trois pôles qui ont du mal à s'articuler: un pôle écologiste (que pourraient renforcer certains déçus du MoDem, telle Corinne Lepage), un pôle socialiste extrêmement divisé, toujours incapable de clarifier les questions de son programme et de son leadership) et un pôle gauche de la gauche lui-même divisé entre les participationnistes du duo PCF/Parti de gauche et les intransigeants du NPA qui n'arrivent à dépasser les 5% malgré l'extrême popularité de leur leader. Tout cela rappelle le morcellement politique italien et c'est ainsi que Berlusconi a pu être réélu sans problème.

    Vu la déconnexion entre élections locales et scrutin présidentiel, on peut déjà dire que la probable victoire de la gauche aux régionales (qui au pire devrait perdre une ou deux présidences) ne changera pas la question centrale: autour de quelle matrice idéologique la gauche doit-elle se réinventer? Peut-elle encore bricoler son modèle social-démocrate à bout de souffle (comme l'ont prouvé les élections allemandes)? Doit-elle se réinventer autour de l'urgence écologique, ce qui suppose des choix hardis en termes industriels, énergétiques, agricoles?

    Le seul élément qui pourrait accélérer les choses serait la prise par Europe écologie d'une ou deux régions. Non seulement cela donnerait l'occasion aux écologistes d'expérimenter leurs idées, mais cela recomposerait la gauche. De nombreux militants et élus du PS, dégoûtés des pratiques de l'appareil et de certains barons locaux, seraient tenter d'aller voir du côté de cette nouvelle force. Histoire de voir si l'herbe y est plus verte que dans le vieux parti d'Epinay...

  • Solférino, les apparatchiks et les féodaux

    Solférino a-t-il encore de l'autorité sur le parti socialiste? La question de l'influence de la direction nationale du PS se pose sérieusement au vu des derniers soubresauts de la préparation des régionales de mars prochain. Le 12 décembre dernier, le parti réunissait en grandes pompes ses têtes de liste à Tours pour le lancement de la campagne. Il fallait donner l'impression d'un PS uni et rassemblé, alors que la réalité est un peu différente. Les présidents de région n'ont pas besoin du parti pour faire campagne et conserver - éventuellement - leur siège. Malgré les grandes déclarations de principe, chacun mène son affaire comme il l'entend: chacun, son style; chacun, ses alliés (avec ou sans le MoDem); chacun, ses priorités.

    L'épisode du Languedoc-Roussillon en dit long sur l'affaiblissement de l'échelon central par rapport aux féodalités locales. Les choses étaient pgeorge frêche.jpgourtant entendues sur le papier: il n'était pas question d'investir le président sortant, le fantasque George Frêche, exclu du PS à la suite de propos racistes, notamment sur les harkis. Dans l'esprit de Solférino, le septuagénaire, passablement fatigué, devait laisser la place à la relève socialiste. Sauf que l'appareil local entièrement contrôlé par les proches du président sortant a tout fait pour remettre en selle le mal-nommé Frêche.

    La candidature anti-Frêche conduite par Eric Andrieu, patron socialiste de l'Aude, a été écartée par les militants qui ont préféré un homme de paille du président sortant qui avait annoncé, avant le scrutin interne, qu'il s'effacerait au profit de son mentor. La ficelle était grosse, déloyale, mais elle est passée dans cette région où les pratiques clientélistes ne sont pas un vain mot. Et l'appareil socialiste s'est incliné devant cette magouille interne, au nom du respect du vote des militants, en l'absence d'alternative à la candidature Frêche. Après cela, il sera difficile pour les leaders du parti socialiste d'ironiser sur les saillies racistes de Brice Hortefeux ou consorts.

    Le feuilleton Julien Dray - qui connaît son épisode semble-t-il ultime, comme par hasard juste après l'investiture des listes PS - complique également sérieusement la donne pour la direction nationale. Officiellement, tout le monde se félicite de voir le député de l'Essonne non renvoyé en correctionnelle pour des transferts d'argent douteux en provenance d'associations « amies ». En réalité, la situation est très embarrassante pour Solférino qui n'avait pas caché son souhait de ne pas voir Dray concourir pour les régionales. Les mêmes qui justifiaient l'éviction préventive d'un homme jugé encombrant (voir ma précédente note « Dray, ou comment s'en débarrasser ») affirment aujourd'hui qu'il est tout à fait légitime à la tête de la liste socialiste de l'Essonne. Comprenne qui pourra!

    Il n'en reste pas moins que la tête de liste Dray ne va pas de soi. Oublions provisoirement la question du cumul des mandats - on s'est très vite assis sur la volonté des militants d'y mettre fin. Intéressons-nous à ce que dit la justice. Julien Dray, certes, ne sera pas traduit en justice mais le procureur général de Paris le rappelle à la loi pour ses pratiques douteuses. On dit, par ailleurs, que la Cour des comptes veut mettre son nez dans le système Dray. Est-il raisonnable d'investir un homme aussi controversé alors que la demande d'éthique en politHuchon.jpgique et de rapports assainis avec l'argent est de plus en plus pressante dans la société? Europe écologie qui dispute en Ile-de-France la première place au PS et le parti de gauche de l'ex-copain à « Juju », Jean-Luc Mélenchon, vont faire leur beurre de ses (petites) entorses avec la morale politique (d'autant que le président sortant, Jean-Paul Huchon, a été condamné voici un an à du sursis dans une affaire de prise illégale d'intérêts).

    La campagne va être difficile pour Huchon, d'autant que six conseillers régionaux sortants PS, non réinvestis par le PS, ont claqué la porte pour leur parti, certains annonçant rejoindre les concurrents de gauche. Une défaite dans la région capitale serait un sérieux avertissement pour Solférino. Un de plus, serions-nous tenté d'écrire.

  • Dray ou comment s'en débarrasser?

    Alors que les militants écologistes de Greenpeace ont essayé (maladroitement ?) d’animer le débat sur le climat à quelques jours du sommet de Copenhague, le microcosme socialiste est agité par une question : faut-il accueillir sur les listes pour les régionales Julien Dray ? CoJulien Dray.jpgmme on le sait, le conseil fédéral de l’Essonne a rejeté sa candidature, en se donnant la possibilité de le réintégrer au cas où il serait « blanchi » par la justice. Le malaise vient du fait que le député et vice-président de la région Ile-de-France n’a pas été jugé (donc pas condamné), ni mis en examen suite à l’enquête préliminaire qui le concerne dans des affaires financières. Le malaise s’accroît quand on sait que le président sortant de la région, Jean-Paul Huchon, condamné en novembre 2008 à six mois avec sursis pour prise illégale d’intérêts (son épouse avait bénéficié d’un emploi fictif), a été autorisé par ses camarades à conduire la liste dans les Yvelines et à postuler à sa propre succession. Deux poids - deux mesures ?

     

    Si l’affaire Dray suscite autant de passions, c’est que le bonhomme symbolise une certaine époque. Venu de l’extrême gauche (LCR), il est à l’origine de la création de SOS-Racisme dont il a sélectionné et coaché la plupart des dirigeants. Il a entretenu des relations très nourries avec l’Elysée – qui a financé l’organisation anti-raciste – et œuvré à la réélection de François Mitterrand. Il n’a jamais pris ses distances avec les errements du second mandat du président dit socialiste (tout en étant l’un des artisans de la Gauche socialiste). Cette période a été marquée par des transferts d’argent douteux, une instrumentalisation du Front national et un train de vie ostentatoire (rappelons-nous du « gang des R25 »). Tout cela, Julien Dray, l’ancien révolutionnaire, l’a incarné jusqu’à la caricature. C’est peut-être cela que souhaite solder la direction du PS (Martine Aubry et son lieutenant de l’Essonne, François Lamy) qui trouve le symbole Dray bien encombrant…

     

    Car le député – vice-président du conseil régional incarne tout ce qui a fait tant de mal au PS. Julien Dray, comme on le sait, a un goût prononcé pour le luxe (il collectionne les montres qu’aucun Smicard ne peut se payer), pour l’intrigue politique (il a été activement courtisé par Nicolas Sarkozy – à moins que ce soit l’inverse) et pour les petites phrases assassines. C’est un orfèvre des coups tordus au sein du parti et il paraît étonnant qu’il s’étonne que tous ses camarades n’aient pas mouillé la chemise pour le défendre.

     

    Pour autant, se débarrasser d’un symbole peut s’avérer dangereux politiquement (les réseaux Dray vont s’activer pour trouver une riposte) et surtout ne règle pas les questions de fond. Comment séparer plus nettement l’exercice de la politique et l’accumulation d’argent ? Comment prétendre représenter des couches populaires paupérisées si on vit avec les revenus d’un cadre supérieur sans avoir connu d’ailleurs les vicissitudes de la vie d’une entreprise ? De nombreux Dray’s boys and girls (les anciens dirigeants de SOS-Racisme) sont passés directement du syndicalisme étudiant (qui n’est pas exempt de bizarreries financières) à la politique active, via souvent des cabinets politiques ou des agences de communication. Leur élévation sociale, l’accroissement considérable de leur niveau de vie sont liés à l’exercice de leurs fonctions politiques. Perdre un mandat pour Julien Dray (qui reste député) est insupportable du point de vue politique mais aussi sur un simple critère financier. Sauf à perdre toute crédibilité auprès de populations déjà sceptiques, la politique ne peut/ne doit être une rente de situation. En sanctionnant le « malheureux Juju », la direction du PS entend-elle prévilégier ce message ?